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23 septembre 2007, Salle Jean-Grimaldi, 30$ tx inc.
10 octobre 2007, Salle Albert-Rousseau, Québec

La promesse de l'aube

Texte de Romain Gary
Adaptation et mise en scène d'André Melançon
Avec Andrée Lachapelle, Patrice Bélanger, Patrick Goyette, Paul Savoie et Sharon Ibgui.

À l’aube de sa vie, l’enfant se fait la promesse d’être à la hauteur de l’amour de sa mère qui traversa toutes les épreuves, eut toutes les audaces pour en faire un homme libre.

Ce fils, en qui l’émigrée russe et d’origine juive, ancienne actrice de second ordre, ne voit rien de moins qu’un Yehudi Menuhin, un Nijinsky, un Chapialine, aura fort à faire pour découvrir en lui le talent caché et prodigieux qui lui permettra de réaliser sa promesse.

Depuis l’enfance en Pologne jusqu’à la maturité — qu’il atteint alors qu’Hitler déclare la guerre au monde, sauvé in extremis du devoir d’aller assassiner lui-même le dictateur à la demande d’une mère confiante que tous les grands chefs d’État sauront venir au secours de son fils si cela tourne mal — le personnage de Romain Gary raconte avec humour et une infinie tendresse son passage à l’âge adulte sous le regard de cette femme colorée, envahissante mais ingénieuse, exigeante et courageuse. Regard qui fit de lui l’un des plus grands écrivains du XXe siècle.

Romain Gary : « J’ai été formé par le regard d’une femme, moi, je veux bien et j’en redemande. »

Parue en 1960, LA PROMESSE DE L’AUBE est un roman autobiographique signé Romain Gary (1914-1980). Auteur d’une trentaine de livres (romans, essais, souvenirs), dont quatre publiés sous le pseudonyme d’Émile Ajar. Deux Prix Goncourt ont couronné son œuvre. André Melançon est surtout connu pour ses nombreuses réalisations au cinéma. Porteur de l’aventure, il signe ici l’adaptation du roman pour la scène. C’est par le biais du théâtre qu’il poursuit sa recherche grâce à laquelle il parvient à nous révéler, comme à l’écran, la fragilité des destinées et l’étoffe des rêves des êtres en devenir.

Assist. mise en scène et régie Manon Bouchard
Scénographie Guillaume Lord
Lumières Éric Champoux
Costumes Ginette Noiseux
Musique Catherine Gadouas
Accessoires Normand Blais

Salle Jean-Grimaldi
1111, rue Lapierre, porte #4 (coin boul. De La Vérendrye)
LaSalle (Québec)
Téléphone: (514) 367-1412

Salle Albert-Rousseau
2410, chemin Ste-Foy
Billetterie : 418-659-6710 - 1-877-659-671
0

 

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Dates précédentes :

Du 10 janvier au 4 février 2006
Suppl. du 23 juin au 8 juil.
2006

 

par David Lefebvre

Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais
Romain Gary

Je ne connaissais pas l'écrivain Romain Gary. Du moins, c'est ce que je me disais avant d'aller voir La Promesse de l'aube à l'Espace GO. Depuis, je n'ai qu'une envie : bourrer ma bibliothèque de livres de cet auteur français. On peut donc dire, dans un sens, que c'est mission accomplie pour l'Espace GO...

La Promesse de l'aube est le récit (presque) autobiographique de Romain Gary, de son vrai nom Roman Kacew, fils de Nina Borosovskaia et d'un père "inconnu". Petite actrice sans triomphe, elle sera mère ou sera rien : durant son existence et même au-delà, elle fera tout pour ce fils qu'elle chérit. Il suivra de multiples cours de violon, de danse, de chant, pour trouver quel talent il pourrait développer. Car cette francophile de mère veut qu'il soit un grand, un Victor Hugo, qu'elle prend pour le président de la République française (!). Elle le clamera à qui veut bien l'entendre. De la Russie à la France, en passant par la Lituanie et Varsovie, Roman Kacew, voyage et grandit dans cet immense amour maternel. Il s'enrôle dans l'armée française, comme pilote, et écrit son premier roman, Éducation européenne. Trente-trois romans suivront, et il sera récompensé deux fois par le Prix Goncourt, la première fois sous son pseudonyme de Romain Gary, pour Les Racines du ciel, en 1956, et la seconde fois sous le pseudonyme d'Émile Ajar, pour La vie devant soi, en 1975. D'ailleurs, Gary signifie brûle, en russe et Ajar, braises. Il est le seul écrivain à avoir reçu ce prix deux fois. Nommé Secrétaire d'ambassade à Sofia (Bulgarie), puis premier secrétaire d'ambassade à Berne (Suisse), Chargé d'Affaires à La Paz (Bolivie), Consul Général de France à Los Angeles, il connaît une carrière fulgurante. Puis, en 1980 : "Je me suis bien amusé. Au revoir et merci". Il se suicide. Son dernier numéro.

Plusieurs de ses oeuvres ont été adaptées pour le grand écran, dont Clair de femme (1979) par Costa-Gavras, avec Yves Montand et Romy Schneider, et La vie devant soi (1977 - a remporté l'Oscar du meilleur film étranger) par Moshe Mizrahi, avec Simone Signoret qui a remporté le César de la meilleure actrice.

La pièce fait donc le récit plus ou moins biographique de la vie de Gary, de son plus jeune âge jusqu'à la fin de la Deuxième Guerre. Contrairement au roman, l'histoire est linéaire, chronologique, ce qui facilite la présentation de la pièce. André Melançon, à l'adaptation et à la mise en scène, a fait un travail fabuleux. D'une grande sobriété, la pièce captive totalement. On mise sur deux niveaux : la narration de Gary (interprété par Patrick Goyette, posé et tout en subtilité) et les tableaux qu'il met en place. C'est l'éloge d'une double promesse : celle faite par la vie à Gary, par l'amour immense de sa mère donné depuis le début de son existence, et celui du narrateur à sa mère, d'être à la hauteur de tous ses espoirs. Andrée Lachapelle incarne une Nina qui peut paraître chimérique, tyrannique, encombrante, fantasque, possessive, mais qui est aimante, attentive et qui ne tolère pas que son fils soit bon : il doit être le meilleur de tous, quitte à ce qu'il revienne de l'école avec des bleus et les os cassés. Se défendre, faire sa place, tout en maintenant le cordon ombilical. Elle vit par procuration, pour qu'il devienne ce qu'elle a toujours rêvé.

Aliocha Schneider et Gabriel Favreau jouent en alternance le rôle de Gary enfant et Maxim Gaudette (excellent) celui de Gary adolescent-jeune adulte. Le passage de l'enfance à l'adolescence, dans un numéro de jonglerie, est judicieusement habile et bien orchestré par Melançon. Les comédiens Sharon Ibgui et Paul Savoie interprètent avec justesse tous les autres rôles, avec accents russes ou marseillais, si besoin.


Crédit photo : Robert Etcheverry

C'est sur une grève, une plage de sable (une conception de Guillaume Lord) que tout se passe, comme énoncé au début du livre (le narrateur est sur la plage, regardant l'océan). Rien n'arrive à nous faire décrocher de cette histoire d'amour, d'échecs, de réussites, de tendresse et d'étouffement, que Gary a vécu mais dont il a travesti la vérité qu'il trouvait trop sordide et laide. D'une facture alliant le théâtre, la littérature et le cinéma, cette pièce poétique sème le rêve et l'espoir dans notre esprit. On y expose la fragilité, mais aussi la dévotion, la dignité et un appel à la justice. La capacité de croire en des rêves et de les vivre. Il fallait une mère excessive comme ça pour devenir quelqu'un, et une enfance comme celle-ci pour devenir Gary.

La Promesse de l'aube s'avère être un voyage d'une immense tendresse et d'un grand respect au coeur de la vie tumultueuse de cet écrivain captivant.

15/01/2006