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Du 16 au 19 janvier 2008

Un peu de tendresse, bordel de merde!

deuxième partie du triptyque Sociologie et autres utopies contemporaines première partie La Pornographie des âmes

Spectacle de Dave St-Pierre
en collaboration avec plus d’une vingtaine d’artistes

Après La pornographie des âmes, Dave St-Pierre, ce jeune chorégraphe au parcours fulgurant, nous revient avec le second volet d’une trilogie sur les relations amoureuses où il explore notre irrépressible besoin d’amour et d’attention de la part de l’autre. Et il le fait franchement, avec un langage chorégraphique cru, décomplexé et audacieux. Fausses blondes, femmes implorant pour un peu de tendresse, corps nus glissant à foison sur un plateau détrempé… le public découvre ces handicapés du coeur, des hommes et des femmes qui s’accrochent comme des noyés à des bouées qui ont tôt fait de couler avec eux. Une oeuvre provocante et pleine d’humour à
ne pas manquer !

Concepteur sonore Emmanuel Schwartz
Texte Enrica Boucher
Musique Pierre Lapointe, Emmanuel Schwartz, Dave St-Pierre, Cat Power et Arvö Part
Costumes Eugénie Beaudry et Dave St-Pierre
Direction technique et conception lumière : Alexandre Pilon-Guay
Régisseur et technicien de son : Benoît Bisaillon


Une présentation de l’Usine C. en coproduction avec l’Agora de la danse (Canada), l’Usine C (Canada), la Maison de la culture Frontenac (Canada), Szene Salzburg (Autriche), Julidans (Pays-Bas), Scène Québec (Canada), Centre national des Arts (Canada), Mouson Künstlerhaus Mousonturm Frankfurt (Allemagne), Dance Festival Munich (Allemagne), Théâtre Sévelin 36 (Suisse)
en codiffusion avec l'Usine C

 

par Mélanie Viau (critique écrite lors du FTA 2007)

À quel moment la représentation débute-t-elle ? Tandis que le public fébrile se bat les places de la grande salle D.B. Clarke de l’Université Concordia, sur la scène, un homme flambant nu à la perruque singulière tente coquinement d’attirer les regards sur lui. Il n’est pas le seul. Dans cette mer de monde où le spectacle se dévoile peu à peu, une vingtaine d’interprètes, hommes et femmes, danseurs et acteurs, raillent déjà et bousculent et secouent et plaisantent avec les spectateurs. Du coup le quatrième mur n’est plus : représentation et réalité se confondent et les concepts de regardant / regardé et de donner / prendre prennent tout leur sens dans cette oeuvre où Dave St-Pierre se penche sur l’amour et la tendresse au cœur de l’énorme arène de lutte qu’est une relation à deux. Union et duel, corps à corps éperdu et perdu dans le flot du trouble de communication, l’Amour se fait tendrement sauvage, se fait violence sous toutes les formes. Et non le metteur en scène ne lance pas un jugement ni une critique, car il est question de phénomène, d’expérience, de constats à partager. Il est question d’images, et c’est avec une agressivité intellectuellement sensible que cet « Enfant Terrible » de la danse manie le signe, laissant l’idée, le discours frapper de lui-même au bon endroit. D’une audace à n’en pas croire vos yeux.

La performance s’orchestre de la main d’une hôtesse glamour, vulgaire, perverse, bilingue à l’auto-traduction qui ne manque pas de provoquer chez le public un rire franc et complice. Avec ou sans petite culotte, toujours provocante et provocatrice envers la foule, elle commente et introduit les tableaux de cet univers hétéroclite, à la fois formel et éclaté, dansé et joué par des guignols exhibitionnistes, des masochistes, des amoureux désolés, des femmes blessés au stade de l’exorcisme, des princes pas si charmants, des « poor little puppy »... Une véritable faune débridée donnant lieu à des scènes incroyables, graves, juvéniles et vraies (trop vraies !) qui, disons-le, resteront gravées dans la mémoire des spectateurs, telles que des prestations de pure hystérie féminine où les hommes nus « attaquent » physiquement le public en jouant les chochottes blondasses pendant que les femmes se menacent avec des souliers à talons hauts, se griffent et se mordent en se criant des injures. Évidemment, tout n’est pas que crise, et comme tout bon spectacle de danse, le public a droit à l’émerveillement face aux virtuosités dont les athlètes font preuve : les chorégraphies de groupe, tout en synchronisme et unicité, brillent par leur force, leur maîtrise et le sublime état d’abandon et de relâchement dans la solidité de chacun. Roulades prodigieuses au sol, courses et prises au vol pour des portés majestueux et troublants, chutes, sauts, vrilles, secousses, spasmes, les interprètes ont la finesse, la rigueur et la clarté de rendre l’essence du mouvement assez vif pour nous secouer intérieurement. De là la plus grande force du spectacle : cette façon dont toutes les images découlent et s’enchaînent et éclatent et se calment, nous faisant passer par une gamme d’émotions prenantes, personnelles et partagées collectivement. Les moments d’accalmie font du bien, apaisent, charment l’œil et les sens, font rêver de croire à une harmonie, une simplicité et une douceur au travers des tempêtes. Et même si on se fait prendre par le collet, on s’aperçoit étrangement que, de notre gré, on s’y était déjà accroché.

Un peu de tendresse bordel de merde ! est un acte qui dépasse la représentation pour traduire son véritable essence : un don de soi, un don d’amour, généreux comme il ne s’en fait pas beaucoup. Une grande vague, une immense secousse à vous jeter au sol !

26-05-2007