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Du 29 mars au 16 avril 2011
Wulustek
Texte de Dave Jenniss
Mise en scène Peter Batakliev
Avec Charles Bender, Marco Collin, Catherine Joncas, Dave Jenniss, Yves Sioui Durand et une autre comédienne

Wulustek met en scène la famille Miktouch, redevenue autochtone par le jeu des nouvelles lois sur le statut indien. Depuis cinq ans, dès l’arrivée de l’automne, elle se réunit à la barrière de la compagnie forestière établie sur son territoire ancestral pour y revendiquer ses droits de propriété et ceux de la nation Malamek.

Mais il y a beaucoup plus que la forestière qui dérange. À l’horizon se pointent les mensonges, la trahison, les conflits de générations et finalement, la découverte d’une vérité qui laissera chacun anéanti.

D’origine malécite, Dave Jenniss s’est inspiré de sa vie sur la réserve de Cacouna pour écrire ce texte. Wulustek ose parler de sujets tabous dans le monde autochtone : l’ambiguïté des nouveaux codes d’appartenance, les dérives capitalistes des chefs de bande et la perte des valeurs traditionnelles.

Scénographie Jonas Veroff Bouchard
Costumes Claire Geoffrion
Lumières Thomas Godefroid
Bande sonore Nicolas Grou

Du mardi au samedi à 20 h, le mercredi à 19 h

Une production Ondinnok

Prospero, salle intime
1371, rue Ontario est
Billetterie : (514) 526-6582

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 Critique
Critique
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par Olivier Dumas


Crédit photo : Martyne Doyon

Au faux entracte de la pièce Ronfard nu devant son miroir, l’un des comédiens interroge Evelyne de la Chenelière (metteur en scène pour l’occasion avec Daniel Brière) sur la situation tragique des Amérindiens. Celle-ci répond que leur sort indiffère bien des gens, si ce n’est pour se donner bonne conscience. Heureusement, Ondinnok ose proposer avec Wulustek un spectacle touchant, dérangeant et lucide.

Fondé en 1985, la seule compagnie autochtone du Québec tente à chacune de ses productions de redonner une voix à des peuples paralysés entre l’oubli et les déchirements. Créée en 2008, Wulustek est le fruit d’un travail collectif d’après le texte de Dave Jenniss, également comédien de la pièce. Elle raconte le destin tragique de la famille Miktouch, de la nation des Malameks (une nation qui demeure le fruit de l’imagination de l’auteur) redevenue autochtone grâce aux astuces et combines des nouvelles lois sur le statut indien. Depuis plusieurs années elle se réunit à la barrière, installée par la compagnie forestière, désormais propriétaire de ses terres ancestrales. S’ensuivront des mensonges, des trahisons, des conflits de valeurs qui ne laisseront personne indemne.

D’origine malécite, Dave Jenniss a puisé, pour ce texte, dans ses souvenirs personnels sur la réserve de Cacouna. C’est tout à son honneur, car le plus grand intérêt du spectacle demeure son ton franc pour aborder des sujets tabous dans le monde autochtone, comme l’ambiguïté face au sentiment d’appartenance des communautés, les dérives capitalistes des chefs de bande et la perte des valeurs traditionnelles. Pendant près d’une heure trente, toute trace de complaisance est dissipée pour céder le pas à des enjeux poignants sur la difficulté de préserver la mémoire et la culture de son peuple, surtout dans un monde où règnent le dérèglement des marchés et la suprématie oligarchique des multinationales.  

Par ailleurs, aucun personnage n’est épargné. Le père se retrouve taraudé entre l’opportunisme politique et la désolation de son peuple « d’alcooliques écrasés en l’attente de leurs chèques ». La mère s’évertue à des rites et des traditions qui n’intéressent plus personne. Les enfants ne vont guère mieux : l’un des deux fils semble incapable de vivre autrement que dans l’alcool et un paradis perdu, alors que son frère a privilégié une carrière d’avocat prospère et se permet le temps d’un week-end à être « plus Amérindien que les Amérindiens eux-mêmes ». La copine de ce dernier, journaliste de profession, paraît complètement ignorante de la réalité des peuples amérindiens. À leur côté, le personnage de l’Innu, incarné par Marco Collin, fait figure de sage lucide.

Le metteur en scène Peter Batakliev a érigé sur le devant de la scène une imposante clôture de fer, créant une distanciation entre les comédiens et le public. Les sentiments d’étouffement, d’emprisonnement et d’isolement s’en retrouvent accentués, rendant la tension des conflits sous-jacents plus implosive. La direction d’acteurs témoigne d’une grande précision, où se démarquent les figures parentales incarnées par Catherine Joncas et  Yves Sioui Durand, la première touchante et particulièrement comique lors de la scène où elle purifie la blonde de son fils, le second par son côté retors dans la traitrise qu’il s’apprête à infliger à sa famille. Mentionnons également la présence tranquille, mais assurée, de Marco Collin. Charles Bender, Dave Jenniss et Rachel Gratton se révèlent particulièrement justes dans le portrait de cette génération écartelée entre des traditions éteintes et une modernité déracinée.

Après des productions remarquées comme Hamlet le Malécite et Contes d’un indien urbain, Ondinnok continue de décarcasser les mythes de la culture amérindienne pour en proposer une lecture d’une grande acuité. Avec Wulustek, elle réussit à nous rejoindre tout en portant une réflexion sur certaines réalités qui méritent d’être vues et entendues.

31-03-2011

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