Du 3 au 20 mars 2010, salle intime
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Artères parallèlesArtères parallèles

Texte Annick Lefebvre
Mise en scène Maude Gareau
Avec Laetitia Bélanger, Mathieu Lepage et Louise Proulx

Plus jeunes, Anne et Laurent ont follement aimé, jusqu’à se perdre en illusions. Jeune retraitée dont la mémoire se dissipe, jeune notaire dont l’ambition stagne, ils se croiseront dans un contexte professionnel qui fera tout exploser. Leur ultime rencontre se déployant quelque part entre souvenirs, journal intime et portières de taxi.

Artères parallèles agit comme un coup de fouet en plein visage et nous fait éaliser que, parfois, les morales de La Fontaine ou les antidépresseurs que nous avons gobés par pelletées peuvent rester au travers de la gorge. Comédie tragique, la pièce aborde l’oubli volontaire de nos sources et de notre passé fondateur. Un caprice ou une nécessité qui mène à la construction d’un monde fantasmé.

Les artères sont celles d’Anne et de Laurent. Des chemins en parallèle qui ne devraient pas se croiser. Des routes de solitude jonchées d’illusions. Anne évolue en périphérie de ses proches inventés. Laurent vieillit dans l’oubli de son passé. C’est en faisant ressurgir les souvenirs de Laurent qu’Anne provoquera leur rencontre. Une confrontation porteuse de rédemption.

Assistance à la mise en scène Frédéric Côté
Scénographie et éclairages Sylvain Ratelle
Musique Olivier Monette-Milmore
Costumes Marianne Thériault

Crédit photo: Catherine Aboumrad

Carte Premières
Date Premières : du 3 au 10 mars 2010
Régulier 21$
Abonné 10,50$

Une production Compagnie Ombres folles

Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : (514) 526-6582

par Olivier Dumas


Crédit photo : Catherine Aboumrad

Jeune dramaturge diplômée de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM, Annick Lefebvre codirige, avec Maude Gareau, la compagnie Ombres folles, fondée en 2005. Avec Artères parallèles, elle nous propose un texte intéressant et sensible par son propos, mais qui souffre de longueurs et de ramifications complexes. Malgré une écriture dramatique qui manque de clarté à plusieurs endroits, les performances inspirées de trois acteurs donnent au spectacle ses moments les plus poignants.

Pièce qui joue sur le temps, la mémoire et les souvenirs, Artères parallèles demeure une œuvre difficile à résumer. Ses innombrables retours dans le passé et l’enchevêtrement de la réalité et du fantasme peuvent conférer à la confusion pour le public. L’histoire, ou plutôt les histoires, se promène entre les espoirs que laissaient présager la libération des mœurs lors de la Révolution tranquille et le quotidien souvent aliénant des années 2000. Ce sont les liens entre Laurent et Anne ; trentenaire, Laurent s’ennuie dans un emploi de notaire peu excitant, un loft et des amours tumultueuses. Durant son enfance,  il était follement amoureux d’Estelle, son amie imaginaire. Dans la soixantaine, Anne porte des vêtements chics et vit grâce à sa pension de retraitée. Plus jeune, elle a fabulé l’accouchement d’Estelle, une enfant illusoire qui se révèle être une poupée. Même si l’objet de leurs fantasmes porte le même prénom, les deux personnages ne se connaissent pas.

Le titre fait référence aux destins tordus d’Anne et de Laurent, des routes que rien ne destinait à se croiser. Cette réflexion sur la vie, l’amour, la difficulté d’assumer ses désirs et ses passions se veut à priori émouvante et vibrante. Les personnages sont empreints de profondeur et de vérités, loin des stéréotypes et des clichés. Or, souvent symptomatiques dans les premières œuvres dramatiques (bien que l’auteure ait écrit plusieurs courts textes), la pièce d’Annick Lefebvre veut ratisser large. Et qui embrasse trop mal étreint. Les nombreuses avenues explorées deviennent quelques fois difficiles à suivre par la complexité des mélanges entre les personnages réels et inventés, entre les décennies ainsi que liens qui unissent les différentes actions simultanées. Fort heureusement, la dramaturge possède déjà une originalité qu’un meilleur dosage rendrait encore plus éclatante.  


Crédit photo : Catherine Aboumrad

La mise en scène de Maude Gareau n’éclaire pas toujours la compréhension de cette partition exigeante. Il faut tout de même souligner son dynamisme par les nombreux déplacements des comédiens et son ingénieuse utilisation de la salle intime du Théâtre Prospero.

Les longueurs de l’histoire font légèrement diminuer l’attention, particulier durant le dernier quart de la représentation. Durant deux heures (une rareté pour les œuvres de création au Québec qui dépasse rarement les 90 minutes), Artères parallèles auraient gagné en intérêt et en pertinence par un meilleur resserrement de son intrigue. Les passages les plus touchants, la ferveur et les beaux instants d’émotions en seraient ainsi mieux servis.

Les prestations de trois comédiens constituent la plus grande réussite de la soirée. Mathieu Lepage offre un portrait nuancé et toujours dynamique de Laurent que nous voyons à différentes périodes de sa vie. Incarnant la même femme à deux âges distincts de son existence, Laetitia Bélanger et Louise Proulx font preuve d’une belle virtuosité, la première par son aisance à passer de vulnérable face à l’histoire d’amour ratée et à une sensualité toute frémissante qui ne demande qu’à éclore, la seconde par sa composition bouleversante d’une Anne vieillie, désabusée et folle.

Bien que la pièce Artères parallèles ne remplisse pas toutes ses promesses, la sincérité de ses créateurs apporte une dimension émouvante sur la nécessité d’assumer son destin.

08-03-2010

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