Du 14 octobre au 1er novembre 2008
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Eddy, F. de pute

Texte de Jérôme Robart
Mise en scène de Fabien Fauteux
Avec Jean-Sébastien Courchesne, Sarah Gravel, Étienne Jacques, Catherine Lavoie, Mathieu Lepage, Catherine Moncelet

Une maison à la campagne. Lili, Eddy et leur père y vivent. La mère serait morte, on le prétend, quinze ans plus tôt. Un père, écrasé par le poids d’un mensonge, son fils angoissé, sa fille dépassée. En quête de réponses à ses questions, Eddy s’enfuit de la maison vers la grande ville sombre et impitoyable et fait la rencontre d’une pute. Le père et Lili partent à sa poursuite puis croisent un mystérieux vieillard sur leur route. Les voilà tous emportés dans une suite d’événements implacables. Un monde changé à jamais.

Eddy, le Père, la Pute, le Vieux pourraient s’appeler OEdipe, Laïos, Jocaste, Tirésias. Des mythes anciens deviennent des emblèmes modernes. Ces emblèmes, les interprètes de Créations UNThéâtre se les échangent à tour de rôle sous l’oeil du spectateur. Ils sont à la fois protagonistes du road-movie théâtral de Jérôme Robart et participants d’un jeu scénique frénétique. Les règles de ce jeu sont urgence, ludisme, abandon. Les interprètes et spectateurs s'épaulent dans le chemin qui mène à l’accomplissement du destin d’Eddy, ce fils de pute.

Concepteurs Geneviève Boivin, Marie-Ève Parent, Martine Lampron, Émelie Bélair

Crédit photo : Jean-Sébastien Dénommé

Créations Unthéâtre

Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : (514) 526-6582

par Mélanie Viau

“Oh!... Oh!... comme tout est clair, à présent!... O lumières du jour, puissé-je, à cette heure, tourner vers toi mes derniers regards! Tel, à moi-même, je me suis dévoilé : enfant indésirable, époux contre nature, meurtrier contre nature! (…)
-
Œdipe roi

Vous connaissez cette histoire, cette tragédie d’inceste honteux dont l’aveugle coupable décide de s’aveugler pour la fin de ses douloureux jours. Pour Jérôme Robart, auteur de la pièce Eddy F de pute, le grand mythe nourricier de la psychanalyse freudienne (ainsi que tous les autres grands mythes fondateurs de l’humanité) nécessite un éclatement pour que, de la reconnaissance de ses morceaux, nous puissions nous réapproprier le pouvoir de sa valeur. C’est que de la reconnaissance, il y a lucidité, et il y a toujours une face blanche à une face noire. De l’histoire d’Eddy on vous présentera les choses autrement, dans leur plus simple apparat, crues et vraies, choquantes et banales. Et il y aura rédemption. Mais pour cela, pour que ça vous prenne et vous secoue, la jeune compagnie Unthéâtre, dont chaque membre est détenteur d’un baccalauréat, a entrepris d’élaborer un langage scénique en métadiscours face au propos de la pièce. En effet, un procédé d’éclatement du mécanisme théâtral propice à une étude bien détaillée du texte, de l’espace et de l’acteur sera manifesté dans toute sa lumière. À vous de reconstruire le mythe et préparez-vous, ce sera sportif !

La mise en scène proposée par Fabien Fauteux décortique les mécanismes théâtraux dans un procédé de distanciation mettant à l’avant-plan le jeu de l’acteur et la construction scénique de la fable. On nous présente les personnages archétypes comme figures malléables : les entités féminines se révèlent dans le corps des trois actrices et ceux, masculins, sont incarnés tour à tour par les trois acteurs. Les rôles s’échangent à l’intérieur des scènes dans un rythme étourdissant certes, mais le mouvement se crée et produit l’espace, le bâti, le déconstruit, le retourne dans tous les sens et voilà le mythe qui s’active. Dans le voyage initiatique d’Eddy, allant de la campagne à la ville sombre et sale, en passant par le lieu habité par un étrange vieillard faisant figure de sphinx, le décor, fait de matériaux simples tels des madriers et panneaux de bois, cordes, cônes, tapis de faux gazon, se transforme sans arrêt et parfois un peu inutilement. Les acteurs et actrices travaillent cette chorégraphie de l’espace dans une urgence bien palpable, une urgence de dire quand on a fait table rase de tout, une urgence de dire, tous ensemble, à leur manière, ce qu’est pour eux le sens véritable de la prise de parole. Cette parole devient chorale, le mot est pris pour ce qu’il signifie, avec force, avec précision, et de là les archétypes se présentent devant vous dans toute leur entité. Le concept exploité ici par Créations Unthéâtre prouve avec intelligence que l’on doit reconsidérer ce qui nous semble évident dans la pratique, nous prouve qu’il faut savoir user de curiosité et d’audace pour mettre un objet à terre et le reconstruire, selon la vision que nous en avons, selon l’époque où nous le présentons.

Sérieux ? Oui, mais on s’amuse des pointes d’ironie soulevées par le texte. Au point de vue dynamique, on assiste à un véritable tourbillon dont le rythme demande encore à être travaillé dans ce décor sans charme, mais rudement efficace. Et vous, public éclairé, public interpellé, saurez-vous vivre cette expérience singulière en demeurant purement contemplatif ?

20-10-2008

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