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Du 22 avril au 10 mai 2008

La vie continue

Texte de Yvan Bienvenue
Mise en scène de Martin Desgagnés
Avec Suzanne Champagne, Johanne Fontaine, Jacques Jalbert, Adrien Lacroix et Joachim Tanguay


« Une fois c’est un gars. Il est mort.
Il voulait qu’on se souvienne de lui. »

Le 23 décembre, deux jours avant Noël. Cet après-midi-là, la clinique de dépistage d’un département d’infectiologie d’un grand hôpital reçoit une clientèle inhabituelle. Les noms et adresses des personnes convoquées figuraient sur une liste laissée par un jeune homme avant de mourir. Mais aucune de ces personnes ne semble connaître l’auteur de cette liste. Il fait tempête à l’extérieur comme à l’intérieur… Quel est donc le lien qui les unit ?

Yvan Bienvenue, cofondateur du théâtre Urbi et Orbi et de la série Contes urbains, fut lauréat du prix littéraire du Gouverneur général en 1997. Sa pièce La vie continue, dont une lecture publique a été présentée récemment au Festival du Jamais Lu, parle du déni dans notre société, et plus particulièrement celui du VIH. Après avoir créé une situation dramatique intrigante, teintée d’un humour dévastateur, les mots, phrases et tirades rouge-sang et blanc-neige se succèdent et s’envolent dans un tourbillon irraisonné, incontrôlable.

L’oeuvre situe – public et personnages – dans un même lieu, face à un même mur : tous et toutes individuellement confrontés à un verdict qui pourrait être fatal. Les circonstances imposées, la conjoncture de - Amour – Sexe/Sang – Mort – sont de la trempe des grands mythes qui ont inspiré la tragédie.

Concepteurs Jean-François Labbé, Marie-Michèle Mailloux et Euterke

Une création Compagnie T.C. Popescu

Théâtre Prospero
1371, rue Ontario Est
Billetterie : 514-526-6582

par Aurélie Olivier

Que peut-on éprouver quand une clinique de sérologie nous convoque dans ses locaux sans en mentionner la raison? De la curiosité, de l’angoisse, de la terreur? C’est assurément par toute une panoplie d’émotions que passent deux femmes dans la cinquantaine (Johanne Fontaine et Suzanne Champagne) et un jeune homme de moins de 30 ans (Joachim Tanguay) attendant que leur numéro soit appelé au micro et qu’un médecin leur explique pourquoi diable ils ont reçu un courrier leur demandant de se présenter à la clinique un 23 décembre. C’est qu’ils figurent sur une liste, leur apprend-on, une liste laissée derrière lui par un jeune homme mort du sida à 27 ans. Alors que le doute s’insinue lentement en chacun, ce sont leurs vies, leurs choix qu’ils passent en revue, avec force remise en question.

Avec La vie continue, Yvan Bienvenue attire notre attention sur le VIH, un virus qui tue toujours, malgré les progrès de la médecine. On peut toujours se réfugier dans le déni, les faits sont là, et nul n’est à l’abri. L’auteur a choisi d’aborder la question sous forme d’énigme policière, une idée assurément originale mais qui patine rapidement, le faux suspense devenant plus irritant qu’autre chose à force d’être étiré en longueur. Il a aussi pris le parti de faire alterner le réalisme et la poésie, cette dernière par la voix d’un homme à tout faire (Jacques Jalbert) allant et venant sur scène, caisse à outils ou serpillère à la main, philosophant et « métaphorant » sur la vie. Certains seront peut-être charmés, mais la plupart risquent d’être perdus en cours de route, non seulement de par l’obscurité de ses propos, mais également en raison de sa façon faussement inspirée de nous les asséner (un exercice fort malaisé il faut bien le reconnaître).

Crédit: Julie Artacho

La façon dont Yvan Bienvenue fait s’entrecroiser les entretiens successifs de chacun avec le médecin (Adrien Lacroix), et fait alterner les épisodes de narration et de dialogue, est fort intéressante, s’affranchissant de toute contrainte de continuité. La mise en scène de Martin Desgagné mise sur l’immobilisme des personnages, les visiteurs étant coincés sur leur chaise dans la salle d’attente, tout comme le médecin est coincé derrière son bureau, tout comme nous pouvons être prisonniers de nos peurs. Les personnages ont beau être collés les uns aux autres, ils n’en sont pas moins seuls. Peut-il en être autrement face au drame?

Dans ce spectacle, deux points très positifs doivent être mentionnés. Tout d’abord, la prestation touchante de Suzanne Champagne, dont la vie sexuelle conjugale a tourné au désastre; la comédienne parvient à nous transmettre la détresse de cette femme avec une grande finesse et beaucoup d’émotion. Ensuite, le monologue croustillant du jeune garçon incarné par Joachim Tanguay, lequel raconte le contact éphémère qu’il a eu avec une collègue de travail. Un instant de plénitude très drôle, habilement dépeint par l’auteur et brillamment traduit par le comédien. Après tout, ce n’est pas parce qu’on parle d’un sujet grave – le sida, mais aussi les échecs personnels et le rapport à la vie en général – qu’on ne peut pas se permettre un peu d’humour.

25-04-2008