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En reprise
Du 18 septembre au 13 octobre 2007

Une trop bruyante solitude

Texte de Bohumil Hrabal
Traduction de Max Keller
Adaptation et mise en scène de Téo Spychalski
Avec Claude Lemieux accompagné de Tania Duguay-Castilloux et Marie-Daniel Lussier

Ce court roman, évoquant la destruction des livres, aborde entre autres les thèmes du vieillissement et de la disparition d’une culture reposant sur le livre ainsi que la liquidation du monde ouvrier devenu désuet. Ces thèmes apparaissent aujourd'hui inéluctables. Hrabal s’est fait connaître en Amérique principalement par son roman Trains hautement surveillés qu’il a adapté au cinéma en collaboration avec Jiri Menzel. Le film avait remporté l’Oscar du  meilleur film étranger en 1967.

Une création du Groupe La Veillée

Théâtre Prospero
1371, rue Ontario Est
Billetterie : 514-288-7211

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Dates précédentes :

Du 7 novembre au 2 décembre 2006 (Théâtre Prospero)

 

par Marzia Pellissier

Ascension des codes d’écoute des shows de télé-réalité, réforme du système d’éducation, coupures budgétaires dans le financement des arts ; ce n’est que la continuité de ce que dénonce Bohumil Hrabal dans son roman Une trop bruyante solitude écrit dans les années 70 : la déchéance de la culture au sein d’une société. De façon imagée, cette œuvre raconte l’histoire d’un homme qui passe sa vie dans une cave à nourrir une énorme déchiqueteuse. Au menu, des tonnes et des tonnes de livres que l’on ne lit plus, que l’on oublie, ou même que l’on interdit. En revanche, Hanta, cet amoureux de la littérature, ingurgite tout avant de le détruire. Il se fait donc encyclopédie du monde, alors que la source de son savoir revient à sa forme brute : pensée et une vulgaire pâte de papier.

Ainsi, ce roman devient matière première pour Téo Spychalski. Dernière d’une gamme variée, cette adaptation théâtrale retourne à l’essentiel du livre. Contrairement à Ferdydurke de Gombrowicz, roman adapté la saison passée par le metteur en scène, le jeu est cette fois beaucoup moins physique et s’installe dans le parcours émotif du personnage.  Claude Lemieux, unique fil entre le roman et la scène, est un véritable pont de communication. Malheureusement, la spatialisation du public fait en sorte que quelques « élus » se retrouvent totalement exclus du voyage : pour une raison inconnue, certains sièges sont parsemés à jardin et à cour, aux extrémités du public placé à l’italienne. Mais dans une pièce qui mise sa réussite en la seule performance de l’unique personnage, l’identification à ce dernier est impossible sans son regard, par son profil ; réussite dans ce cas bien difficile à atteindre…

La mise en scène, intéressante dans la gradation de la décrépitude psychologique d’Hanta, est par contre très statique dans la première partie de la pièce et ne tient pas du tout compte de l’emplacement de certains spectateurs. Le tout s’améliore quand le protagoniste sort de sa cave, descend de la plateforme qui la circonscrit dans l’espace et utilise le lieu scénique moins frontalement et plus dynamiquement. En effet, cette deuxième partie comporte beaucoup plus d’action, qui stimule le récit émotif trop littéraire du début.

C’est aussi à ce moment que l’on note l’efficacité de la scénographie. La plateforme centrale est jonchée de tas de papiers, feuilles mobiles et de livres amoncelés autour de LA machine; dans la poétique, c’est une belle image au teint jauni et à l’odeur de vécu. Lorsque Hanta sort de cette cave, c’est l’univers qui s’ouvre à lui : le pourtour de la plateforme, nu, semble devenir un lieu à perte de vue. La mezzanine au-dessus de la cave, munie d’un escalier et d’une échelle, permet un jeu actif et, par contraste, amplifie le sentiment de solitude et d’enfermement que le souterrain émane.

Cette sensation d’emprisonnement est aussi rendue par les jeux d’atmosphères. Mathieu Marcil, concepteur de l’éclairage, jongle avec un dégradé de couleurs ternes, terreuses qui nous font sentir la froide humidité de cet antre. De façon originale, il manie l’obscurité pour faire apprécier la lumière, dans sa fébrilité éloquente. Les fondus au noir fréquents permettent aussi certaines illusions, comme celle d’une souris géante, que l’œil peine à distinguer clairement, rendant la présence du mirage préoccupante et mystérieuse.

L’environnement sonore agrémente aussi l’univers inquiétant des bas-fonds de la pensée du protagoniste, variant sur des distorsions de cris et de rires confondus, de frissons et de sourires pointus.

En bref, une expérience pleine de richesses, à vivre frontalement…

10-11-2006