Du 8 février au 2 mars 2010, dim. 15h, lundi 19h, mardi 21h
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Je suis CobainJe suis Cobain (peu importe)

Texte : Dany Boudreault
Mise en scène : Charles Dauphinais
Avec Dany Boudreault, Ève Landry et Emmanuel Reichenbach

Kurt Cobain, célèbre chanteur du groupe de musique grunge Nirvana, s’est donné la mort en 1994. Voilà qu’il revient régler ses comptes avec son public. Il veut expliquer pourquoi il est devenu ce qu’il exécrait le plus, c’est-à-dire, populaire. Une popularité imprévue et très mal digérée. Un monologue poétique qui traite du rapport entre le désir du rejet et la soif purement humaine d’être reconnu.

Équipe de conception : Audrey Lamontagne, Pier-Luc Lasalle et Patrick Marcotte

8, 9, 14, 15, 16, 21, 22, 23, 28 février et 1er, 2 mars 2010

Carte Premières
Date Premières : du 8 au 16 février 2010
Régulier 20$
Carte premières : 10$

Une production Théâtre sans domicile fixe

La Petite Licorne
4559, avenue Papineau
Billetterie : 514-523-2246

par David Lefebvre

Star ou antistar, Kurt Cobain? La question se pose. Quoi qu’il en soit, le jeune homme blond et rebelle, natif d’Aberdeen dans l’état de Washington, devient, au début des années 90, l'icône d’un des changements les plus radicaux de l'industrie de la musique. Son groupe, Nirvana, précurseur du mouvement grunge, connaît un succès retentissant sur la scène locale de Seattle, puis partout à travers le monde. « J’ai inventé l’adolescence », dira le leader de la formation. Et il n’avait pas tort. Le groupe représente une génération un peu perdue, révoltée, touchée massivement par le divorce parental et l'exclusion. Les jeunes accrochent donc immédiatement à la poésie noire et à la musique tonitruante de Cobain, et s’écroulent lorsqu’on annonce son suicide controversé, en avril 1994. Cobain cite Neil Young dans sa lettre de suicide : « It's better to burn out than to fade away » ; touché, Young lui dédie une partie de l’abum Sleeps with Angels.

Cobain avait de sérieux problèmes de drogues, de dépression, et se battait furieusement contre la pression des médias. En fait, le chanteur et musicien était en soi un paradoxe de la culture et la contre-culture américaine de l’époque, tanguant toujours entre le rejet et la soif de reconnaissance. Marié à Courtney Love, père de Frances, il finit par abdiquer, au malheur de millions de fans.

Dans Je suis Cobain (peu importe), le Théâtre SDF redonne une voix à ce génie musical, mort trop jeune, par l’entremise de Karine Robertson (Marie-Ève Des Roches), une jeune groupie illuminée. Elle vend des posters, mais elle désire par-dessus tout être quelqu’un d’autre, être Kurt, qu’elle aime sans concession. Pour souligner le 15e anniversaire de la mort de Cobain, un animateur télé (Charles Dauphinais) reçoit, à son émission, la seule et unique Courtney Love (Ève Landry). Durant le spécial télé, auquel participe Karine, intervient un Kurt Cobain de l’au-delà (Dany Boudreault), qu’on a rappelé, et qui veut à tout prix revoir sa fille, Frances. Réussira-t-il à la retrouver, surtout qu’il est sermonné par son ami imaginaire, Boddah (Emmanuel Reichenbach), à qui il dédiait sa lettre de suicide ? Assis sur un ampli, guitare en main, Boddah pousse la note, tout en rappelant à Kurt pourquoi il l’avait ainsi créé dans son imagination.

Dany Boudreault (au texte) et Charles Dauphinais (à la mise en scène) signent un spectacle empreint des mots et de la vie de Cobain, grâce à une passion pour le musicien et chanteur et une recherche des plus exhaustives. Boudreault se glisse dans la peau de Cobain sans tomber dans l'imitation convenue; il propose une véritable réflexion sur l’image que projetait Cobain et sur ce qu’il pouvait vraiment être, blessé, fragile, aimant, caché derrière ses grandes lunettes blanches. Ève Landry est simplement excellente dans le double rôle des amours de Cobain, une Courtney Love encore affectée par les doses d’héroïne et par son statut de « dirty blonde » et une Frances adolescente, qui n’a connu son père que par ce qu’on a bien voulu lui dire et lui montrer. Notons aussi le jeu totalement halluciné de Marie-Ève des Roches, en une Karine tout aussi sympathique que barjot, qui sniffe un peu trop d'essence.

Je suis Cobain (peu importe) propose une incursion lucide, mais à la limite du trip d’acide, dans un univers fantastique, schizoïde et grunge (principalement grâce au texte poétique et à quelques accessoires, dont les mythiques bébés poupées). Les jeunes créateurs réussissent sans contredit à capter et interpeller le spectateur, sans le noyer dans la nostalgie ou lui balancer trop d’information biographique – les voix de la création sont plus fortes, ici, que le mythe. Mais le spectacle n’est pas parfait : que ce soit la popularité mal digérée, le désir d'être quelqu'un d'autre, l'héritage d'une icône du rock ou le mal-être d'un individu profondément malheureux, tous les thèmes ne sont abordés qu'en surface, comme dans un songe. Par contre, la scène réunissant Cobain (dans la peau de Karine) et sa fille Frances est tout à fait savoureuse. On assiste à quelques confidences réalistes, sensées, et à une confrontation subtile, mais ô combien à propos, entre l'antistardom et le produit de consommation qu'est devenu le rockeur, entre le «fuck you all» et le jeu vidéo de masse.

Se terminant sur l'une des meilleures versions de Smell Like Teen Spirit connue à ce jour (interprétée par Patti Smith), Je suis Cobain (peu importe) séduit par son approche créatrice, tout aussi tendre que sombre, d'une véritable idole d'une génération. Parce que nous avons tous été Kurt Cobain, une fois dans notre vie... Whatever.

10-02-2010

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