Du 30 septembre au 2 octobre 2008
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Rencontre internationale de mime de Montréal - 4e édition
Le corps du théâtre

Des mots derrière la vitre

Éclaboussures de textes mis en mouvement par des acteurs qui nous invitent à partager leurs doutes et questionnements. Par la parole d’auteurs contemporains, soit Véronique Chabarot, Lydie Salvarye, Xavier Durringer, Jean-Luc Godard, Cécile et André Miguel et Michel Azama, ces comédiens mis en scène par Hughes Hollenstein laissent apparaître le constat d’une société qui fait craquer.

Durant trois semaines, la métropole célèbre le mime dans le monde. Les trois étages d'Espace Libre accueillent Le corps du théâtre : spectacles, ateliers et performances de dix compagnies et d'une trentaine d'artistes venus d'horizons géographiques et esthétiques différents avec, en partage, l'éloquence du corps humain. Au total, une soixantaine de courtes représentations de petites formes conviviales, et quinze grandes formes. Des écoles de pensée et de bougé se confrontent ou se comparent, ainsi que des techniques croisées du cirque, de la marionnette et de la gymnastique... Du clownesque au dramatique, de l'installation performative à l'opéra muet, l'Europe et l'Amérique se rencontrent à Montréal pour un état des lieux des arts du mime. Comme un bon acteur a l'air de ne pas avoir lu la pièce avant de la jouer, le théâtre du corps se pratique avant de s'écrire.

PROPOSITION THÉÂTRALE Depuis 1999, les Rencontres Internationales du Mime de Montréal jalonnent à un rythme triennal (2002, 2005 et 2008) le parcours d'Omnibus, de son École et des quelque 3000 artistes qui y ont laissé des traces. La 4e édition de ces Rencontres nous amène des praticiens qui ne sont pas nés de la dernière pluie : Français, Allemands, Anglais, Hollandais rendent visite aux gens du pays. Étienne Decroux, Jacques Lecoq et Marcel Marceau, figures tutélaires, pédagogues, penseurs et vulgarisateurs de l'art du corps, sans doute le plus vieux par l'idée mais le plus jeune par la forme, n'y sont plus. La diaspora vit bien son deuil et sort de ses chapelles pour manifester que son théâtre le plus substantiel met en scène le corps dans tous ses états. Caméléons sur une nappe à carreaux, toutes les formes sont désormais recevables pour les imitateurs de la réalité.

Forfait-festival : 120 $ (régulier) et 85 $ (étudiants). Forfait-soirée : 35 $ (régulier) et 27 $ (étudiants).
Spectacles dans la grande salle : 25 $ (régulier), 18 $ (étudiants) 16 $ (groupe)
De la terre au visage : 7 $
Théâtre de poche : 12 $ (régulier) et 10 $ (étudiants)

(France) Production La compagnie l'escale

Une coproduction Omnibus www.mimeomnibus.qc.ca et l'École de mime de Montréal

Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191

par Mélanie Viau

Quelque chose a craqué, on ne sait quand, dans l’esprit, on ne sait pourquoi. Les mots explosent en torrent, un derrière l’autre, percutés dans un geste, haletés dans une expiration difficile. Qui sont-ils exactement ? On ne sait. Leurs rafales projettent la voix intime au-dehors dans un fracas expressionniste assuré par un corps exalté, chargé à bloc du lot de questionnements et de doutes nourris par l’Être contemporain. Le vertige prend la scène et la virtuosité s’éclate, élevant la performance des comédiens-danseurs-acrobates au-delà de toutes interprétations psychologiques. Le théâtre se dénude, le corps est brut, brutal, le geste se fait violence à l’intérieur des symboles et le public se laisse surprendre, se laisse émerveiller par la puissance manifeste du mouvement expressif.

Avec Des mots derrière la vitre, la Compagnie Escale théâtre corps acteur (troupe française itinérante détenant son propre chapiteau - théâtre !) explore, par l’hybridité de sa forme et de son contenu, les notions d’équilibre et de frictions, celles entre le mot et le geste, l’esprit et le corps, l’objet et le sujet, la raison et la passion. Dans un parcours déambulatoire, au travers de trois aires de jeu dépouillées de tout artifice pour une totale exploration des dynamismes corporels, le public assiste plus ou moins activement à six fragments d’œuvres ayant pour point commun la crise. Crise latente, étouffée, en duo avec l’autre ou avec son propre double, dans les mots d’auteurs tels que Godard, Durringer, Azama, jouée avec les nerfs assez à vif pour provoquer un rire qui ne ressemble en rien à de la comédie.

Car oui, dès les premières minutes, un fou rire vous prend par secousses. Étrange, n’est-ce pas, cette hôtesse-figurine aux Converses rouges collées sur sa plate-forme qui débite sans relâche et jusqu’à l’épuisement sa ritournelle aux visées promotionnelles sur un objet de consommation X ? L’aliénation est palpable, et au moment où le dispositif sonore crachant des bruits de respiration suffocante se met en branle, la galerie s’ouvre et les divers personnages prennent place chacun leur tour le temps de leur petit numéro. Il y a cette femme excessivement en forme et archi acrobatique, se donnant corps et âme dans tous les nec les plus ultras en matière de spiritualité orientale et occidentale. Puis vient un couple d’amants cherchant et fuyant ladite terminologie de l’amour dans une manipulation corporelle d’une fluidité hallucinante, débouchant sur un effet de surprise des plus cynique. Par la suite, l’homme reste seul avec lui-même, s’échauffant autour d’une chaise en se propulsant vertigineusement de part et d’autre dans l’espace, cherchant à « tirer sur ses nerfs » et à se calmer. Le cinquième fragment expose un autre couple d’amants torrides se donnant à des ébats d’une sensualité prenante, aux allures de tango, réunissant là toute la force d’Éros et de Thanatos, avec en trame sonore les mots d’une femme étalant la longue liste de tout ce qui pour elle n’a pas de valeur. Et finalement, on assiste au combat de deux sœurs s’ébranlant sauvagement avant le grand départ de l’une d’elles. La puissance du geste et la parfaite maîtrise de l’outil corporel font de ces artistes de grands porteurs de vérité, puisées à même les constats sociaux sur la réalisation maladive de soi, l’arrachement à l’autre, la solitude redoutée, le désengagement. Même si l’on perd à quelques endroits la texture sensible du mot prononcé, le geste parvient à assumer la charge du propos et à ouvrir le discours pour tendre à quelque chose d’universel. Un spectacle impressionnant, aventureux, un théâtre gestuel « total » aussi original qu’efficace.

01-10-2008
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