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10 novembre 2010, 20h (Salle Pauline Julien, 514 626-1616, 15 615, boulevard Gouin Ouest)
Du 30 novembre au 11 décembre 2010 (Espace Go)
4 décembre 2011, 19h30, Théâtre Mirella et Lino Saputo, 8370, boul. Lacordaire, 514-328-8400
La robe de Gulnara
Texte : Isabelle Hubert
Mise en scène : Jean-Sébastien Ouellette
Avec Nancy Bernier, Catherine Hughes, Jean-René Moisan, Marilyn Perreault, Annie Ranger, Sébastien René, Jack Robitaille, Sasha Samar

À la frontière de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan, des milliers de réfugiés, chassés par la guerre, vivent dans des wagons désaffectés. Parmi eux se trouve la famille Nariman, dont l'aînée, Gulnara, est sur le point de se marier avec Arif. Pour se procurer une robe de mariée qui donnera à tous l'illusion que le bonheur peut encore fleurir au milieu des cailloux, elle utilise toutes ses économies, amassées à grand-peine depuis des années. Mais une catastrophe survient : Mika, la jeune sœur de Gulnara, essaie la robe, trébuche et la tache de goudron. Commence alors une quête qui amènera cette jeune fille de 13 ans à côtoyer le meilleur et le pire de ce dont les humains sont capables.

Inspirée d'une situation réelle, LA ROBE DE GULNARA évoque les difficultés des populations civiles subissant les contrecoups des conflits armés. Cette pièce, dont le textefutprimé en Europe, nous transporte ailleurs tout en abordant des thèmes qui trouvent un écho jusque chez nous : l'amour filial, les abus de pouvoir, les conditions de vie des femmes et des jeunes filles dans le monde, l'injustice de certaines morts, la misère des uns par rapport à la confortable abondance des autres.

Sensible, lucide et touchante, l'écriture d'Isabelle Hubert émeut. La mise en scène poétique et riche en émotions de Jean-Sébastien Ouellette canalise tout le potentiel de huit comédiens investis. Une mise en scène toute en images dans laquelle s'enchevêtrent mouvements de chœur, scènes dansées, jeux de perspectives temporelles et visuelles, le tout dans une esthétique cinématographique.

Une autre vidéo est disponible sur YouTube en cliquant ici.

Assistance à la mise en scène : France Deslauriers
Décor : Janie Lavoie
Accessoires : Geneviève Tremblay
Costumes et maquillages : Jennifer Tremblay
Lumières : Martin Gagné
Musique : Andrée Bilodeau + Patrick Ouellet
Conseils chorégraphiques : Harold Rhéaume

En tournée
5 novembre, 20 h
Théâtre Les Deux Rives, Saint-Jean-sur-Richelieu
6 novembre, 20 h
Centre culturel de Beloeil
10 novembre, 20 h
Salle Pauline-Julien, Sainte-Geneviève
11 novembre, 20 h 30
Théâtre Hector-Charland, L’Assomption
18 novembre, 20 h
Théâtre de la Ville, Longueuil
21 novembre, 20 h
Théâtre Lionel-Groulx, Sainte-Thérèse
25 et 26 novembre, 20 h
Centre culturel de Caraquet, Nouveau-Brunswick
Du 30 novembre au 11 décembre 2010
PREMIÈRE MONTRÉALAISE AU THÉÂTRE ESPACE GO
8 avril 2011,19 h 30
Maison des arts de Laval

Une création de Théâtre I.N.K., en coproduction avec la Compagnie dramatique du Québec et le Théâtre de La Bordée
En co-diffusion avec ESPACE GO

Espace Go
4890, boul. Saint-Laurent
Billetterie : 514-845-4890

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Dates antérieures

Du 2 au 27 mars 2010, supplémentaires 11 et 18 mars 2010 - La Bordée

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 Critique
Critique
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par David Lefebvre


Crédit photo : Nicola-Frank Vachon

Depuis une première lecture publique au Carrefour en 2004, et sa création six ans plus tard à La Bordée de Québec (voir la critique de mon collègue un peu plus bas), La robe de Gulnara a été mise en nomination et a remporté, entre autres, le Prix du développement international de la Ville de Québec et le Prix de la critique « Production Québec » de l’Association québécoise des critiques de théâtre. Le texte tient ses origines d’une proposition de Robert Claing, inspirée par un article et quelques photos, lancée à quelques auteurs pour une soirée Carte blanche du CEAD. Isabelle Hubert relève le défi, malgré une certaine crainte du sujet, plutôt éloigné de ses principales sources d’inspiration. Après cette soirée, une courte pièce de 45 minutes naît, suivie de plusieurs laboratoires et lectures.

Si la pièce propose la triste histoire d’exilés et de réfugiés vivant dans des wagons de train désaffectés en Azerbaïdjan, près de l’Arménie, sans argent, sans travail, elle se concentre sur la petite Mika, 13 ans, qui salit la robe de mariée de sa sœur Gulnara et qui sacrifie sa jeunesse pour réparer sa faute. Récit de déportés,  de pauvreté, de joie, de désolation et de perte d’innocence, La robe de Gulnara est un conte dur, mais profondément humain.

Jean-Sébastien Ouellette propose une mise en scène adroite et très visuelle, parfois poétique, voire cinématographique, utilisant des valises de manière tout aussi concrète que métaphorique. Signifiant le voyage et le peu de biens matériels, ces bagages à main sont aussi symbole de vie, de trésors, de survie, de souvenirs. Un enchainement serré et quelques ruptures au niveau du rythme lors des transitions et des scènes permettent des bonds dans le temps de façon fluide et astucieuse. Le metteur en scène profite et utilise habilement les sous-trames plus romantiques de l’histoire pour rendre quelques personnages encore plus attachants.

Marilyn Perreault interprète une malicieuse Mika terriblement attendrissante. Sébastien René, dans la peau du jeune Mubaris, est tout aussi convaincant et charmant. Jack Robitaille réussit à interpréter avec brio deux personnages à l’opposé l ’un de l’autre : le fourbe Kazimov, marchand itinérant, et Javanshi, père bourru des deux sœurs. Nancy Bernier, Catherine Hughes et Sébastien René jouent aussi plus d’un rôle, secondaire ou figuratif, en revêtant simplement un chapeau ou une couverture. Annie Ranger prête son corps à Gulnara, qui rêve de son mariage et d’une vie meilleure, en ville, loin de ce taudis. Son interprétation, bien qu’adéquate, pourrait être davantage plus sentie, incarnée. Jean-René Moisan peine à sortir de la rage et de la complaisance d’Arif, misogyne, violent, joueur et futur mari de Gulnara. Le manque de subtilité dans le jeu du comédien brime le personnage qui n’arrive pas à démontrer un soupçon de sympathie ou de véritable amour. Dans le rôle du narrateur, Sasha Samar, magnifique, participe de façon invisible à l’action, racontant en français et en ukrainien la genèse de son histoire, suivant pas à pas les protagonistes de sa vie.


Crédit photo : Nicola-Frank Vachon

Sans être imposant, le décor de Janie Lavoie, avec son bout de chemin de fer, est évocateur, tout en laissant la place aux comédiens et aux accessoires. La trame musicale d’Andrée Bilodeau et de Patrick Ouellet, aux multiples influences, procure à la pièce une étincelle d’émotion supplémentaire qui atteint chaque spectateur et le fait voyager au travers des wagons fantômes,  tout près des âmes qui les habitent.

Si la pièce prend un certain temps pour atteindre sa vitesse de croisière, tel un train quittant la gare, la deuxième moitié abonde en images fortes et renversantes, jusqu’à la poignante finale.  Un spectacle aux tableaux touchants, sans artifice, qui inculque l’idée que des fleurs, à l’instar de Mika, peuvent réellement pousser dans les plus rudes déserts de gravier de l’humanité.

02-12-10
 Critique

par Yohan Marcotte (La Bordée)

Gulnara va épouser Arif et, pour l'occasion, la jeune femme déballe les économies qu'elle a amassées depuis plusieurs années pour s'acheter une superbe robe de mariage. Il s'agit du seul luxe qu'elle peut s'offrir en raison de sa condition modeste. En effet, elle vit avec ses parents et sa jeune sœur Mika dans un wagon de train désaffecté avec un voisinage de réfugiés, comme la famille de Gulnara, qui a fui un conflit opposant l'Arménie et l’Azerbaïdjan.

Voilà la trame de fond de cette histoire qui n'aura rien d'un conte de fée, malgré la robe de princesse que Gulnara réussit à s'offrir. De plus, son futur époux la sermonne, car il aurait préféré conserver cet argent pour les imprévus. Cependant, l'imprévu viendra de la robe elle-même, ou plus précisément de la petite Mika qui, voulant goûter elle aussi à ce bonheur du mariage, de la vie nouvelle et de la perspective d'habiter en ville, essaie la robe et se laisse emporter par ses jeux et ses rêveries. Elle s'y laisse aller à un tel point qu'elle perd l'équilibre, chute et tache la robe de goudron. Nous la suivrons, comme des wagons, en quête d'une personne de son voisinage pour l'aider à nettoyer le vêtement. Mika suivra le modèle d'abnégation que représente sa sœur et trouvera une solution, mais au bout de quel sacrifice parviendra-t-elle à ce résultat ?

Cette pièce d'Isabelle Hubert se situe aux antipodes de son domaine d'inspiration habituel, soit le quotidien. Ici, à des milliers de kilomètres de nos paysages, elle peint des personnages très colorés et contrastés, interprétés par Anne-Marie Olivier et Véronique Côté, toutes deux très énergiques et justes dans la composition de leurs différents personnages de soutien. Sébastien René, qui en avait bouleversé plus d'un dans Terre océane en 2008, est des plus convaincants dans la peau de Mubaris, un enfant attachant et espiègle qui mettra son ardeur et sa vivacité au service de Mika avec autant de brio que de bêtise. On trouvera, porté à la scène, l'univers de ces démunis qui, avec l'allégresse d'une folie en clair-obscur, traversent les aléas de la vie. De cette manière, il y a dans cette production des thématiques, mais aussi une âme, qui rappelle étrangement les thèmes chers au réalisateur Émir Kustorica (Le temps des gitans, 1988).

Cette âme se trouve aussi dans la présence de la musique, conçue par Andrée Bilodeau et Patrick Ouellet, qui vient donner un souffle particulier à cette fable où le merveilleux se cherche... en vain. Les musiques du duo nous font voyager sans jamais nous égarer par des mélodies simples et quelque peu répétitives, pour ainsi créer une dimension musicale renvoyant parfaitement à l'obsession des personnages qui se démènent pour rendre la robe immaculée.

Jean-Sébastien Ouellette signe une mise en scène habile au niveau des ruptures de rythme et des changements de scène qu'on ne peut prévoir. Pour cela, il se sert avec astuce du fait que les comédiens principaux interprètent d'autres personnages secondaires et, qu'en laissant tomber un élément de costume, ils se métamorphosent sans s'embarrasser de toute la mécanique des entrées et sorties. Ceci donne, en quelque sorte, un effet de montage cinématographique très serré. Cependant, on est loin du septième art. Les décors laissent place au pouvoir évocateur des acteurs et des accessoires, telles les valises. Les personnages utilisent les possibilités de celles-ci dans leur jeu corporel pour faire surgir des images par la suggestion, donnant au travail de mise en scène une touche de poésie et peut-être, oui, un semblant de merveilleux.

La robe de Gulnara est un spectacle à la fois déchirant et sublime. Il ne nous laisse pas en bouche l'écœurement d'un succédané d'une vie rose bonbon, mais plutôt un vertige à même de nous montrer sur quelle terre nous posons chaque jour les pieds.

09-03-10
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