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Du 11 au 22 janvier 2011 - Salle 2 supplémentaires
15 et 22 janvier à 19h30

Les mutants
Idée originale de Sylvain Bélanger, Sophie Cadieux, avec la collaboration des comédiens
Mise en scène : Sylvain Bélanger
Avec : Sylvain Bélanger, Amélie Bonenfant, Sophie Cadieux, Rose-Maïté Erkoreka, Mathieu Gosselin, Renaud Lacelle-Bourdon, Anne-Marie Levasseur, Éric Paulhus, Simon Rousseau et des conférenciers-surprises

LES MUTANTS — Exercices pour écoliers endurcis. Ils ont dans la trentaine et retrouvent, le temps d'une soirée, leurs costumes d'écoliers et leurs petits pupitres en bois. Ils sont là pour subir un examen impitoyable qui révèlera les marques que le temps a laissées sur eux...Soumis à des quizz sous pression, ils referont le trajet de leur cheminement, de leurs souhaits, de leurs défaites face à la vie, de leurs ambitions et de leur nature face aux changements.

LES MUTANTS, c'est une soirée hybride de prise de parole théâtrale et de profonds questionnements. Une soirée festive, un pyjama-party théâtral et convivial, traitant de nos rides de trente ans et des valeurs et pièges d'un Québec qui fuit vers l'avant, à en avoir mal au dos... Qu'est-ce que vieillir aujourd'hui? Est-ce un état physique ou de conscience? Quand sommes-nous vieux?

 

Assistance à la mise en scène et régie : Olivier Gaudet Savard
Scénographie : Evelyne Paquette
Costumes : Marc Senécal
Musique : Anne-Marie Levasseur et Caroline Turcot

Les mardis à 19 h
Du mercredi au vendredi à 19 h 30
Et les samedis à 16 h

Une production du Théâtre de la banquette arrière

Espace Go
4890, boul. Saint-Laurent
Billetterie : 514-845-4890
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 Critique
Critique
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par David Lefebvre

(Il faut) jouer le jeu, et tricher en même temps.


Crédit photo : Bruno Guérin

Le Théâtre de la Banquette arrière, après Les femmes de bonne humeur (2002), Betty à la plage (2004), La Fête sauvage (2006), Autobahn (2008) et Silence radio (2010) qui ont toutes connu un certain succès, nous présente Les
Mutants
, un spectacle polyphonique, intelligent, tout aussi inspirant que révélateur de notre époque contemporaine et de la société présente.

Selon le dictionnaire Robert, un mutant est un « organisme dont un ou plusieurs caractères héréditaires diffèrent de ceux des parents ». Plus près de nous, il peut s'agir « d'un homme ou d'une femme en cours de transformation ». De l'embryon que nous sommes à la naissance jusqu’à l’adulte assumé, nous nous façonnons de nos rêves accomplis ou perdus, d'exemples qui nous guident ou qu'on invente, des enseignements de nos prédécesseurs. Le texte collectif Les Mutants se veut ainsi un regard dans le rétroviseur de notre société, dans la cour de récré, les deux mains sur un volant capricieux, en route vers un horizon nappé de brouillard. C'est un texte sur notre fierté et nos innombrables imperfections, sur nos contradictions, sur la jeunesse, le vieillissement, la perte des espérances, l'introspection, le nationalisme qui nous ébranle encore, l'éveil de notre conscience sociale, politique et sexuelle, l'adulte selon l'enfant et l'enfant selon l'adulte. Se mélangent des anecdotes et faits personnels, des bouts de vidéos de sources nombreuses - de Michèle Richard à des extraits de films de Gilles Groulx et Claude Jutras - et des passages de Cohen, Borduas, Aquin, Miron, Leclerc, Kemeid, Lévesque...

Pour mettre en scène ces nombreuses réflexions, Sylvain Bélanger réunit la jeune troupe dans un décor en L, avec tableau noir, pupitres et toiles blanches rétractables. L'école primaire, environnement parfait pour ce discours multiple et évolutif, est ainsi évoquée : professeur à l’écart, sonnette pour remettre les élèves à l'ordre et costumes en prime. Les personnages-acteurs n'ont pas véritablement d'âge ; ils sont des trentenaires qui jouent les écoliers modèles, ou presque. La pièce est séparée en segments, durant lesquels les élèves doivent démontrer leurs compétences, leurs connaissances. On apprend à regarder, à s'exprimer, à lire, à écouter, à espérer. À se révolter aussi, à décrocher. Le spectacle répond à une logique chronologique : l'élève perd peu à peu de sa naïveté, comprend d'où il vient, s'enflamme d'espoir, se responsabilise, rencontre même un conférencier - le soir de la première, nous avons eu droit à l'architecte et militant écologiste Owen Alexander Ross - puis se désillusionne, s'effondre, vieillit, subit les répercussions de ses choix, mais surtout, de ceux et celles avant lui.

Si chaque comédien (Amélie Bonenfant, Sophie Cadieux, Rose-Maïté Erkoreka, Mathieu Gosselin, Renaud Lacelle-Bourdon, Anne-Marie Levasseur, Éric Paulhus et Simon Rousseau) se démarque à un moment ou un autre de la soirée, c'est ensemble pourtant qu'ils épatent, lors de quiz, de chamailleries ou de numéros chantés des plus réussis ; notons un entrainant Nous on est dans le vent, entonné par Rose-Maïté Erkoreka accompagnée des autres comédiens à divers instruments de musique, style big band de ruelle, ou un poignant J'veux pas vieillir de Boom Desjardins façon chorale, qui n'aura jamais été aussi bien chanté.

La conception atypique et dynamique de la pièce accroche le spectateur et le fait souvent réfléchir, grâce aux différents extraits littéraires, politiques, poétiques et engagés et les multiples questions posées par le professeur, campé par Sylvain Bélanger. Ces questions soulèvent les origines personnelles, les situations familiales et religieuses, puis en révèlent beaucoup, par des réponses candides ou des silences évocateurs lors d’un exercice imitant une entrevue d’embauche, ou encore suscitent un triste constat sur ce qui a changé chez les élèves, ou ce qui a disparu en eux.  La pièce, qui semblait vouloir mener vers une finale choc, une prise de conscience pessimiste, fataliste, laisse pourtant le public perplexe, après un numéro de mouvements désarticulés un tantinet long, sur l'air de Avec le temps, interprétée par Renée Claude, qui n'a pas l'impact souhaité, et un retour sur le bonheur et l'enfance selon Félix, qui clôt maladroitement le spectacle.

Les Mutants porte un fascinant regard sur le chemin parcouru et foulé, du Refus global à une « droite fière et organisée », sur une jeunesse vécue, enjouée, progressiste, porteuse de tant de choses ; une jubilante et troublante observation de nos paradoxes individuels et collectifs.
11-01-2011
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