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Du 9 au 25 octobre 2013, 19h30
Britannicus NowBritannicus Now
Texte de Marilyn Perreault
Mise en scène de Lilie Bergeron
Avec Ariane Bisson McLernon, Marie-Pier Labrecque, Jean-Moïse Martin, Marilyn Perreault, Érika Tremblay-Roy

On monte Britannicus de Racine dans une école secondaire privée pour filles. Britanny a hérité du rôle-titre et Delphine de celui de Néron. Or, Delphine fait régner sa loi et Britanny est l’exclue. Les limites sont dépassées et la frayeur s’installe. Nouvellement inscrite dans cette école, Justine veut changer les règles de la tragédie qui se dessine. Mais elle se laisse embarquer dans le clan des Jupes, fréquente leurs partys, est prise dans les jeux de pouvoir qui s’exercent dans les couloirs. Exclusions, séductions : les fils de la tragédie sont déjà noués autour de Brittany.


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Assistance à la mise en scène :Laurent Bolduc-Laventure
Costumes : Dominique Thériault
Direction de production : Nathalie Arbour
Éclairages : Bernard Langlois
Mise en mouvement : Catherine Archambault
Musique originale : Jacques Jobin
Scénographie : Jean Hazel

Texte gagnant du Prix Louise-LaHaye 2011

Durée : 1h25

Une production de Théâtre du Double Signe présentée par le Théâtre Denise-Pelletier


Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : (514) 253-8974

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Dates antérieures (entre autres)

Février 2011 et mars 2012, Sherbrooke
Avril 2012 - RTAdos

 
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 Critique
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par Daphné Bathalon

Douloureuse réalité


Crédit photo : Martin Blache

Dans un collège privé pour jeunes filles, on monte Britannicus, de Racine. Britanny, une élève ostracisée par ses camarades, a décroché le rôle-titre de la pièce. Delphine, qui impose sa loi dans l’école, a obtenu celui de Néron, demi-frère tyrannique de Britannicus. Dans ce collège, sorte de ville-dortoir que Justine a tôt fait de renommer Bedland, Delphine agit en despote, déterminant qui a droit de cité (les Jupes) et qui doit raser les murs (les Pantalons). Cette insidieuse exclusion n’est que la prémisse de la guerre sournoise qui se joue entre les murs du collège; la réalité des années 2000 rejoint en un instant la fiction du 17e siècle de façon troublante.

L’auteure, Marilyn Perreault, s’est inspirée d’un véritable drame pour actualiser ce classique d’une autre époque : le meurtre de Reena Virk, une adolescente de Victoria intimidée et battue à mort par une bande de jeunes filles en 1997 (un fait divers qui avait déjà inspiré l’auteure canadienne Joan MacLeod pour la pièce Cette fille-là). Plutôt que de se pencher sur ce qui peut pousser des adolescentes à poser ce geste extrême, Perreault s’est intéressée à l’escalade qui mène à une telle violence. Pour exposer tous les rouages de la tragédie de Racine, l’auteure s’est tournée vers le personnage de Junie, la fiancée de Britannicus, que Néron tente d’éloigner de son demi-frère pour mieux éliminer celui-ci. Dans Britannicus Now, Junie est Justine, nouvelle élève et tête forte aux idées marginales qui essaie de renverser les règles de la tragédie pour éviter que survienne le pire. C’est à travers le témoignage que celle-ci livre aux enquêteurs que nous découvrons peu à peu le drame.

L’auteure jette un éclairage cru sur une réalité douloureuse dont on ne parlera jamais assez. Elle nous plonge en quelques mots dans un univers exclusivement féminin, où la violence se promène en jupe et auquel les adultes, absents, ne s’intéressent que quand l’irréparable se produit. Britannicus Now intéressera le public adulte, mais le spectacle s’adresse avant tout aux adolescents. Loin de sous-estimer la capacité d’analyse de son public, Marilyn Perreault a adopté un langage poétique qui fonctionne parfaitement dans la bouche de ses personnages.

La pièce traite de la violence au féminin avec beaucoup de finesse bien qu’elle perde un peu de sa force de frappe en multipliant les thématiques : harcèlement, intimidation, consommation de drogues, dépendance sexuelle, abandon parental, viol... Une grosse bouchée pour le spectacle de 90 minutes, qui aurait eu avantage à demeurer centré sur le personnage de Justine. Les passages narrés par celle-ci sont en effet les plus forts et les plus poignants, notamment grâce au jeu inspiré de Marilyn Perreault. On y croit, à son adolescente lumineuse et sans compromis! Malgré ses répliques plus rares, Ariane Bisson McLernon tire également son épingle du jeu dans le rôle du souffre-douleur Britanny, dont on perçoit tant la vulnérabilité que la sensibilité créative. Impossible de ne pas reconnaître en cette adolescente effacée, surnommée « la chose », les trop nombreuses victimes d’intimidation.

La mise en scène de Lilie Bergeron laisse toute la place au texte en alternant les scènes de narration et les flashbacks sans accros. Elles s’imbriquent brillamment les unes dans les autres. Ou presque. De fait, la scénographie mobile de Britannicus Now, malgré son ingénieuse conception, ralentit souvent l’action : les comédiens déplaçant plusieurs fois les panneaux de décor, des amoncellements opaques de tuyaux, pour figurer des changements de lieux, déjà évoqués par le texte.

Créée en 2011 à Sherbrooke par le Théâtre du Double signe, Britannicus Now tient l’affiche jusqu’au 26 octobre 2013 à la salle Fred-Barry, après une tournée de deux ans en région. Un court passage dans la métropole qu’il ne faudrait surtout pas manquer.

14-10-2013