Mon(Theatre).qc.ca, votre site de théâtre
Du 13 mars au 12 avril 2013
Dates public (en soirée) : 15, 16, 19 et 28 mars, 5 et 12 avril 2013, 20h sauf mardi 19h et samedi 16h
Frankenstein
Texte : Nick Dear d’après le roman de Mary Shelley
Traduction : Maryse Warda
Mise en scène : Jean Leclerc
Avec Danièle Belley, Jean-Jacqui Boutet, Pierre Chagnon, Pierre Collin, Catherine Hughes, Linda Laplante, Éliot Laprise,  * Christian Michaud, * Étienne Pilon, Meggie Proulx-Lapierre, Éva Saïda, Nicola-Frank Vachon
* Christian Michaud et Étienne Pilon joueront en alternance les rôles du Dr Victor Frankenstein et de la Créature.

Dieu créa l’homme à son image et l’homme se prit pour un dieu et voulu se recréer lui-même… Nick Dear, dans cette nouvelle adaptation théâtrale de Frankenstein, a brillamment épuré l’œuvre de Mary Shelley pour aller à l’essentiel : la responsabilité scientifique, la négligence parentale, la nature du bien et du mal, la différence. La fabuleuse aventure entre un scientifique obsessionnel et sa Créature qui exige de son créateur le droit d’exister et d’aimer.


Section vidéo
une vidéo disponible


Scénographie : Michel Gauthier
Costumes : Luce Pelletier
Éclairages : Sonoyo Nishikawa
Musique : Paul Baillargeon
Chorégraphies : Lydia Wagerer
Maquillages : Élène Pearson

Samedi 16 mars à 15h: Rendez-vous de Pierre
Samedi 6 avril après le spectacle: Rencontre avec les artistes

Une coproduction du Théâtre du Trident et du Théâtre Denise-Pelletier


Théâtre Denise-Pelletier
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : (514) 253-8974

Facebook


Dates antérieures

Création : du 15 janvier au 9 février 2013, Trident, Québec

 
______________________________________
 Critique
Critique

par Véronique Voyer


Crédit photo : Vincent Champoux

La naissance du monstre est inhumaine. Jouée, dans la version que j’ai pu voir, par Étienne Pilon, la créature se libère et chute et cherche et hurle. Grâce à l’aide d’un vieillard aveugle,  Frankenstein apprend rapidement et devient érudit. Pourtant, son apparence l’isole, car la société de l’époque le craint. Ce rapport à la beauté soulève une question terriblement contemporaine…

Entre apparence et souffrance, cette créature offre une perspective sur l’humain qui démonte notre propension à craindre la laideur. Devant le corps tendu par l’effort d’un être qui ne sait pas comment bouger, le public confronte ses propres préjugés ; pourquoi « différent » rime-t-il avec « méchant » ? De quoi les gens se protègent-ils en hurlant à la vue de Frankenstein ? Dans le registre « monstre », Frankenstein est une figure de proue dans l’imaginaire mondial. Représenté par un colosse verdâtre dans les dessins animés, il fait fuir les mamans et pleurer les enfants. Au théâtre, l’humanité de ce monstre est dévoilée. On découvre une bête sensible qui cherche ses origines ainsi qu’une raison de vivre, mais avant tout, une compagne.

Cette histoire populaire a tellement été racontée qu’on la connaît tous un peu sans pourtant savoir tout ce qu’elle offre. Inspirée de l’histoire originale publiée en 1818 par Mary Shelley, on découvre une version historico-scientifique sur les planches du Théâtre Denise-Pelletier, signée par l’Anglais Nick Dear et traduite par Maryse Warda. Qu’il soit question de l’origine du terme galvaniser, de voyages ou d’amour, on découvre la richesse de cette histoire qui s’intitulait Frankenstein ou le Prométhée moderne, clin d’œil à ce titan reconnu pour créer des hommes à partir de boue dans la mythologie grecque.

Si la mise en scène de Jean Leclerc se veut fluide, elle n’est pas sans faille. Par exemple, en ouverture, la naissance du monstre est suivie d’une chorégraphie douteuse des villageois qui miment des actes répétitifs, sans qu’un sens s’en dégage, et ce, sans parler d’esthétisme… Ce moment permet de rassembler tous les comédiens (ou presque) sur scène et l’effet est fort, car ils sont nombreux, mais ce n’est pas de la danse.

Puis, la violence envers Frankenstein fait sourciller. Rappelons que la jeunesse forme le public cible de ce théâtre. Or, les coups de branche de bois qui frappe le sol à plus d’un mètre de Frankenstein feront rigoler les jeunes fans qui ont vu Django Unchained entre deux parties de Mortal Combat. Je ne souhaite pas faire l’apologie de la violence, je n’exige pas une effusion de sang ; mais il faut voir ici une limite scénique, un problème non résolu. Dans un article publié dans la revue Jeu (Contre le théâtre pour, 1979), Jean-Pierre Ronfard soulignait l’importance d’évaluer la portée du théâtre en considérant la télévision et le cinéma. Ce commentaire est d’autant plus d’actualité dans ce contexte. Ici, la violence devient ridicule pour ne pas dire risible. Il faut considérer les jeux vidéo, les films d’action et élaborer des stratégies en conséquence. Par exemple, pourquoi ne pas camoufler l’impact et amplifier le son? Le reste est terriblement réaliste, ce qui rend le geste d’autant plus absurde.

D’ailleurs, ce réalisme doit beaucoup au décor. À la fois montagnes et écran projecteur, les structures qui servent de décors témoignent d’une ingéniosité admirable. Le temps d’un noir, des pics enneigés sont retournés ; dans leur flanc se loge une chambre à coucher ou un atelier.

On suit cette incursion dans la vie de Frankenstein pendu aux lèvres de la créature et de son créateur qui se termine comme elle débute : sous une lumière éblouissante alors que la scène tremble sous les coups de tonnerre.

18-03-2013



par Sophie Vaillancourt-Léonard (Québec, 2013)


Crédit photo : Vincent Champoux

C'est avec l'adaptation de Nick Dear du roman de Mary Shelley, Frankenstein, que le Théâtre du Trident entame l'année 2013. Coproduite avec le théâtre Denise-Pelletier de Montréal, cette adaptation est jouée en première mondiale en français, dans une traduction de Maryse Warda et sous la direction de Jean Leclerc.

Dans cette adaptation, l'action s'articule autour de trois axes — le rejet, la science et les paradoxes — et la parole est donnée à la Créature. Laide en apparence, elle naît d'abord bonne et généreuse ; ce sont des hommes qu'elle apprendra la violence, la haine, la vengeance et le mensonge. Ainsi, le public suit les pérégrinations de la Créature pour retrouver son créateur et comprendre pourquoi celui-ci l'a abandonnée. Autour du monstre graviteront l'aveugle qui lui apprendra la musique, la littérature et la beauté, la promesse de l'acceptation, le rejet, le désir d'aimer et d'être aimé et la mort. Le Frankenstein de Dear évacue l'image du monstre véhiculée dans tous les films tournant autour du roman de Shelley. Ici, c'est surtout de responsabilité, d'origine et de filiation dont il s'agit ; en donnant la parole à la Créature, Nick Dear donne la parole aux opprimés.

Dans cette production du Trident, le texte et les acteurs sont au rendez-vous. Christian Michaud, spectaculaire dans son interprétation de la Créature, partage la scène avec Étienne Pilon en Victor Frankenstein. Ici, il est intéressant de noter que les deux comédiens alternent de personnage d'un soir à l'autre, créant non seulement une zone d'inconfort pour les autres comédiens de la troupe qui doivent soir à après soir s'adapter aux deux comédiens, mais symbolisant également tout le paradoxe de Frankenstein : qui est le créateur et qui est la créature? Le texte lui, épuré et juste, sera très bien rendu par les douze comédiens qui se relaieront sur scène pendant 1 h 50.

Dans les notes de programme, Jean Leclerc est clair dans son intention : il entendait s’éloigner de l’imaginaire du cinéma pour mettre de l’avant la théâtralité des personnages. Ici, le bât blesse. Si la théâtralité des personnages est mise de l'avant, elle l'est d'une manière parfois grotesque, évacuant toute la profondeur de certains passages. Avec ses décors carton-pâte — magnifiques d'ailleurs, chapeau aux concepteurs — le Frankenstein de Leclerc s'apparente plus à un spectacle de Broadway un peu décoloré aux effets spéciaux qui ne renouvellent pas le genre. Ici, c'est réellement de choix de mise en scène dont il est question puisque la scénographie de Michel Gauthier est efficace et son utilisation géniale. Même chose pour la musique, intéressante, mais mal utilisée — les violons lors d'une scène entre la Créature et le Créateur évacuent toute forme d'émotions chez le spectateur —, et certaines scènes, comme la naissance du monstre, sont si étirées qu'elles en perdent leur force. Ainsi, Frankenstein est une réussite sur plusieurs points — incontestablement les comédiens, mais également la scénographie, les costumes et les maquillages —, mais définitivement pas dans son ensemble. À vouloir trop réinventer, on passe parfois à côté de l'essentiel.

18-01-2013