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17 février 2008

Florence

Texte de Marcel Dubé
Mise en scène de Jacques Rossi
Avec Marie-Anne Alepin, Stéphane Bellavance, Michel Daigle, Charles-André Gaudreau, Louis-Olivier Mauffette, Audrey Lacasse, Marie-Eve Soulard La Ferrière, Pauline Martin

« Mon bonheur, c’est de moi qu’il dépend. »

Issue d’un milieu populaire, Florence est secrétaire-réceptionniste dans une agence de publicité. L’atmosphère de liberté et d’insouciance qu’elle y découvre lui fait apparaître son milieu familial rétrograde et ennuyant. Prise au cœur de ces deux univers, bouleversée et mue par son instinct, elle vit une période de turbulence dont elle sortira métamorphosée. Refusant un destin tracé d’avance, elle se retrouve face à elle-même, lucide et courageuse dans sa quête de liberté.

Questionnement, turbulence, changement de valeurs : Florence évoque une jeunesse qui refuse une vie qui lui semble dénuée d’intérêt. Dans cette pièce initialement créée à la télévision, puis au théâtre de la Comédie-Canadienne en 1960, Dubé exprime bien, à travers le malaise de sa protagoniste, l’intuition qu’il a qu’un bouleversement des mœurs et des mentalités est sur le point de survenir.

On connaît bien les Productions Kléos pour Zone, créée en octobre 2003 à la Salle Fred-Barry, dont 40 représentations ont alors été offertes à guichets fermés. La cinquantaine de représentations ensuite offertes en tournée ont touché le public et remporté un succès incontestable. Avec la présentation de Florence, cette jeune compagnie poursuit son Cycle Dubé, déterminée à explorer et à faire connaître l’univers de cet auteur prédominant de la dramaturgie québécoise.

Collaborateurs :
Anne-Séguin Poirier
Julie Breton,
Alain Jenkins
Michel St-Amand
Lison Plante

 

Salle Jean-Grimaldi
1111, rue Lapierre, porte #4 (coin boul. De La Vérendrye),
Billetterie : (514) 367-1412

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Dates antérieures

Du 7 novembre au 6 décembre 2006 (Th. Denise-Pelletier)

 

par David Lefebvre

Pour arriver à évaluer adéquatement les acquis d'aujourd'hui, il est nécessaire de regarder et de comprendre le passé. Ces temps-ci, l'actualité parle de l'équité salariale ; mais il y a à peine 50 ans, les femmes avaient des emplois précaires ou épousaient un mari qui leur faisait des enfants, restaient à la maison, où le monde s'arrêtait au pas de la porte. L'émancipation de la femme ne s'est pas faite sans heurt ni sans accroc.

Dans la pièce Florence, Marcel Dubé raconte l'histoire d'une femme du début des années 60 qui prend les rennes de sa destinée, de son indépendance et de son bonheur, en repoussant son fiancé qui l’ennuie et qu’elle n’aime plus, en questionnant une amie, en prenant ses distances par rapport à sa famille et en succombant pour son patron qui lui fait des avances. Mais les expériences qu'elle tente sont loin de correspondre aux illusions de la vie qu'elle imaginait. Florence est l'image de cette jeunesse naïve qui s'affranchit et qui veut se libérer du lourd fardeau de la routine, des idées conservatrice et de la peur. Ce sont les balbutiements de la révolution tranquille.

Mais comment aborder Florence aujourd'hui? Le metteur en scène Jacques Rossi a utilisé plusieurs approches pour que le spectateur s'identifie aux différents personnages. Une jeune femme entre sur scène avec son livre et un cellulaire à la main. En actrice, elle travaille son texte et lit la préface : une lettre écrite par Marcel Dubé à Florence (véritable, qu'il a rédigé avant une première, il y a plusieurs années). Elle entre alors dans son personnage de Florence, jeune réceptionniste dans une boîte de pub. Elle est fiancée à un homme qu'elle n'aime plus, elle a le béguin pour son patron trop charmeur, elle a une amie émancipée, une mère conservatrice, un père idéal qui veut l'écouter et qui se demande s'il devrait s'occuper du futur syndicat de l'usine, et un jeune frère qui suit son cours classique quand elle-même n'a pas pu s'instruire. Bref, tout est en place pour une explosion.

 
Crédit photo : Marie-Lyne Baril, macadam

Le décor se résume à deux plateaux rotatifs, l'un évoquant le milieu de travail, au ton rouge criard, et l'autre la maison. Compacts, on y joue la plupart des scènes, mais on ne s'empêche pas d'en sortir. L'effet, souvent symbolique, est d'ailleurs fort intéressant : quand le père prend sa décision d'appuyer l'union, il sort alors du décor. Sa femme, à cheval sur ses principes, arrive à peine à mettre le pied à l’extérieur. La scéno est à l'image de la pièce toute entière : à saveur « faux semblant. » On a l'impression de contempler quelques images de BD ou de regarder un épisode télé - Florence a d'ailleurs commencé comme tel, pour le petit écran, et ça se sent, même si on utilise la version théâtrale du texte.

La musique, entre les classiques des années 60 et le jazz, nous met facilement dans l'ambiance. Les costumes sont adéquats, rappelant l'époque, sans pourtant s'y conformer totalement : certaines robes sont légèrement trop courtes pour ces années (dixit une de mes voisines de rangée, chanteuse célèbre qui a connu à fond l'époque et ces robes).


Crédit photo : Marie-Lyne Baril, macadam

Les comédiens se débrouillent bien à faire vivre leurs personnages dans ces petits milieux de vie. Marie-Anne Alepin joue Florence avec candeur. Stéphane Bellavance, dans le rôle du fiancé et maladroit Maurice, portrait craché du père de Florence ( lire ici que Florence, dans son choix de partenaire, allait répéter l'histoire familiale) joue sur la corde de la sympathie, Audrey Lacasse incarne une très belle Suzanne en avance sur son temps, Marie-Ève Soulard La Ferrière est juste dans le rôle du mannequin légèrement « snobillarde ». Pauline Martin est fabuleuse en mère de famille, Michel Daigle joue le papa idéal avec un mélange de mollesse et de détermination. Charles-André Gaudreau interprète Pierre, le jeune frère de Florence avec assez de "fraternité" (i.e. autant de mépris que d'amour envers sa soeur) pour qu'on y croit. Il faut par contre lever notre chapeau à Louis Olivier Mauffette qui remplace à pied levé Pierre Gendron dans le rôle d'Eddy, le patron qui collectionne les femmes par plaisir. Son charme, dévastateur, est parfois un peu trop appuyé. Par contre, il est assuré qu’à force de jouer le jeu, l’excellent comédien réussira à bien maîtriser les différentes zones de son personnage plus complexe qu’il n’y paraît, même s’il ne fait que clamer qu’il « n’est qu’un homme ».

Dubé écrit aussi, d'une manière métaphorique, sur la situation sociale, culturelle et politique du Québec de ces années. Les relations de travail et familiales, les "unions", le réveil de la culture et l'ouverture au monde... Tous les personnages portent en eux ces références et réflexions. Son style d'écriture est très particulier, toujours entre deux niveaux de langage, soit le type international et québécois. Ce qui, pour un acteur, peut être difficile à jouer car ce n'est pas, au départ, très naturel comme discours. Le tout rappelle parfois ces acteurs d'ici, à une certaine époque, qui allaient en France, pendant un an, pour "apprendre à parler".

Mais Dubé joue beaucoup sur la répétition. Tellement que, dans ce texte, cela devient vite lassant. On comprend le message, on continue tout de même à nous le refiler. Ce qui cause alors plusieurs longueurs au spectacle et peut passablement ennuyer les spectateurs. Mais, mettons cette pièce en perspective : c'est à priori pensé pour les adolescents. Les situations (la jeune femme prise dans une famille, son entichement pour une figure d'autorité, son amoureux qu'elle n'aime plus) ainsi que l'image parfois stéréotypée des personnages (Eddie en dragueur invétéré, le copain plutôt maladroit, le père idéal, la mère conservatrice, à cheval sur ses principes, l'amie qui s'assume et qui aborde ouvertement plusieurs sujets plutôt tabous...) parlent directement aux jeunes. La production n'est pas tout à fait classique ni expérimentale ; on les accroche dès le départ avec une entrée en matière surprenante (la comédienne qui récite son texte) et un récit simple et accessible.

À les voir et les entendre réagir, le concept fonctionne finalement plutôt bien.

12-11-2006