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Du 17 au 21 janvier 2017, mardi et mercredi 19h, jeudi et vendredi 20h, samedi 16h, supplémentaire 21 janvier 20h
Album de finissants
D'après un texte de Mathieu Arsenault
Adaptation et mise en scène Anne Sophie Rouleau
Avec Dany Boudreault, Xavier Malo, Michelle Parent, Annie Valin et en alternance, trois choeurs de 20 adolescents, véritables finissants du secondaire

Sur scène, cinq acteurs et un chœur de 20 élèves de secondaire 5, cloués à leurs pupitres. Que se passe-t-il dans la tête d'adolescents assis en rang 1500 heures par année? Ici s’entrechoquent règles de grammaire et désirs éperdus, leçons d’histoire et quête de sens, sourires obligatoires, cris de révolte et musique pop, dans une chorégraphie de pupitres et de mains levées.

Tiré d’un texte de Mathieu Arsenault, Album de finissants est une journée de classe vue au rayon X, une plongée au cœur de l’adolescence, ses élans et ses tumultes, qui invite le public à un étonnant face-à-face avec les jeunes d’ici et maintenant.

Pour leur première collaboration, Pirata Théâtre et Matériaux Composites frappent fort et réussissent haut la main le défi de mettre en scène des adolescents dont les rêves, préoccupations et désirs sont les fondements d’une aventure théâtrale et humaine hors du commun.


Section vidéo


Assistance à la création Michelle Parent
Assistance à la mise en scène et aux répétitions des jeunes Marie-Eve Archambault
Décor Marie-Eve Fortier
ÉclairagesAndréanne Deschênes
Vidéo Josué Bertolino
Costumes Marianne Thériault
Direction technique Samuel Thériault

Billet acheté en prévente : 22 $
Billet acheté une fois le spectacle en cours : 35 $
*Les taxes et frais de services sont inclus dans nos tarifs.

a été présenté à Montréal, du 13 au 29 octobre 2016, à Espace Libre

Production Matériaux Composites et Pirata Théâtre 


Théâtre Périscope
2, rue Crémazie Est
Billetterie : 418-529-2183

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Dates antérieures (entre autres)

Du 12 au 22 mars 2014, Salle Fred-Barry

 
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Critique

critique publiée lors du passage de la pièce à Espace Libre en octobre 2016

«Je crie muet et je cours assis», c’est le cri du cœur des adolescents, de 16 à 19 ans, de la pièce Album de finissants. C’est aussi une revendication du droit d’exister, de s’éloigner de la norme, d’afficher ses couleurs malgré l’uniformisation qui guette, alors que leur vie sociale et personnelle est encadrée, quadrillée comme un cahier, par la cloche, les pupitres alignés, les dictées. C’est aussi le souffle porté par un choeur d’élèves de Montréal (de Centre Sud surtout, mais aussi d’autres quartiers). Ils sont vingt sur scène, cinquante-deux en tout, à contribuer à cette nouvelle mouture d’Album de finissants (créé au Théâtre Denise-Pelletier en 2014 d’après un texte de Mathieu Arseneault).


Crédit photo : François Gélinas

La production de Pirata Théâtre et Matériaux Composites prend brillamment la relève de Pôle sud dans la série «Spectacles de quartier» qu’amorçait l’an dernier Espace libre. La fierté se voyait dans les yeux des vingt jeunes artistes en scène, elle débordait même de partout lors du salut. Et avec raison!

 «Qu’est-ce qui se passe dans la tête des ados, rivées à leurs pupitres, alors que les minutes piétinent sur l’horloge de l’école?» demande-t-on dans le programme du spectacle. La réponse d’Album de finissants est claire : beaucoup! La production, qui a déjà été présentée à Montréal, à Ottawa et à Gatineau, et le sera à Québec en janvier, témoigne avec sensibilité et humour des états existentiels et émotifs traversés par des adolescents qui s’apprêtent à quitter l’univers réglé du secondaire.

Sur scène, les pupitres en rangées d’une salle de classe comme il en existe des milliers au Québec. Et derrière chacun, des univers en formation. Tantôt, ils sont les réceptacles qu’on emplit de savoirs, tantôt ils s’agitent, révèlent brièvement le volcan qui bouillonne en eux, sous les notes, la pression et les étiquettes. La création, portée par Anne Sophie Rouleau (à la mise en scène) et Michelle Parent, a la grande intelligence de laisser toute la place aux adolescents. Pas de jugement moral, pas de vision d’adulte sur la génération à venir, pas de généralités, juste les pensées brutes, les sentiments et les mots pêle-mêle de jeunes derrière la façade unie de leurs uniformes et de leurs visages éteints.

Au sein du chœur, cinq comédiens portent leurs voix. Ils se mêlent aux ensembles, jouent de la musique, s’interrogent et questionnent le monde. La force de leurs réflexions se trouve décuplée par les mouvements répétés en groupe par le chœur des élèves. Saisissantes, ces chorégraphies évoquent les gestes du quotidien scolaire : lever la main, faire une dictée, effacer des notes, somnoler sur son bureau, répondre à l’appel, s’affirmer, tenter de disparaître… À la fois simples et belles, elles sont bercées par une sélection musicale éclectique, mais toujours à propos.

Danse, musique, mais aussi poésie, arts visuels et théâtre, Album de finissants mêle allègrement les langages de la scène pour proposer un portrait de l’univers scolaire, mais surtout en dresser une critique par moments assez dure. L’école, terreau fertile ou éteignoir? Au-delà des bulletins, des règles et de la matière enseignée, il y a surtout l’amour naissant, la révolte, l’incompréhension, la quête de sens… et puis l’ennui.

Parce qu’on ne laisse jamais complètement derrière soi les nombreux doutes, passions et rêves de l’adolescence, Album de finissants continue de résonner longtemps après que la cloche ait sonné.

16-10-2016
Critique

critique publiée en 2014


Crédit photo : François Gélinas

Les transpositions de romans à la scène demeurent souvent risquées et périlleuses. Parfois réussies, souvent ambitieuses, elles provoquent des attentes souvent élevées. Mais parfois, l’inverse se produit également. Fort heureusement, l’aventure conjointe des deux compagnies Pirata Théâtre et Matériaux Composites transforme Album de finissants, un texte lourd de Mathieu Arsenault, en une réussite scénique exaltante. 

Dans un compte-rendu du film Le Parrain 1 du recueil Chroniques américaines, l’exquise et redoutable critique de cinéma Pauline Kael expliquait comment le talent du réalisateur Francis Ford Coppola avait permis à un « bouquin alimentaire » de Mario Puzzo, jugé sans grande qualité littéraire, de devenir le matériau exemplaire de l’un des plus grands succès publics et critiques du cinéma états-unien des années 1970 (et de tous les temps). Le but de la comparaison tient surtout à démontrer comment des créateurs réussissent à transcender une matière première rébarbative ou peu emballante.

Parue en 2004 aux Éditions Triptyque, l’œuvre de Mathieu Arsenault est tout de même intéressante par sa langue puisant dans l’oralité et son portrait sans complaisance d’une classe du secondaire. Comme on peut lire avec raison dans le programme du spectacle, les créations littéraires, télévisuelles ou cinématographiques montrent surtout les étudiantes et étudiants à l’extérieur des salles de cours, c’est-à-dire rarement dans le lieu où se déroule la majeure partie de leur quotidien. Mais sur papier, l’écriture d’Arsenault se démarque surtout par sa vision plus sociologique qu’émotive. Mosaïque de petits textes comme des courts-métrages instantanés, elle finit par ennuyer par l’absence de progression dramatique, les redondances stylistiques et le ton impersonnel de la narration. La barre était haute pour les concepteurs de cette expérience, en plus du défi de transcender le simple exercice de style.

Les metteures en scène Michelle Parent et Anne-Sophie Rouleau ont judicieusement disséqué des morceaux de la partition pour construire une symphonie à la fois éclatée et cohérente de 80 minutes sans entracte et sans temps morts. Le texte gagne énormément par la multiplication des voix, conférant au propos une dimension plus incarnée, et surtout plus ancrée dans la réalité. Les acteurs professionnels et une vingtaine d’étudiants du secondaire (quatre groupes se succèdent d’une représentation à l’autre) occupent déjà la totalité du plateau avant le lever du rideau. Leurs regards laissent paraître une lueur d’affront comme des taureaux prêts à se lancer dans l’arène. Un poème d’Émile Nelligan amorce Album de finissants, joignant à la fois la beauté de la langue et l’ennui de réciter une leçon bien apprise. Se succèdent peu de temps après des extraits musicaux populaires dont un succès de Justin Bieber, Born this way de Lada Gaga et Pour que tu m’aimes encore de Céline Dion. Certains des étudiants s’avancent vers le public et chuchotent une question dans l’oreille de certains qui deviennent l’équivalent d’un professeur une fraction de seconde. Des projections vidéo et des prestations plus performatives apportent une dimension plus multidisciplinaire à la production.


Crédit photo : François Gélinas

La musicalité de l’écriture de Mathieu Arsenault avait interpellé précédemment Christian Lapointe qui avait orchestré une relecture prenante de Vues d’ici, un récit plus captivant qu’Album de finissants. Ici, au fur et à mesure de l’évolution de l’histoire, ou plutôt des histoires des protagonistes, les mots occupent une place de plus en plus accessoire. Dans ce parcours éclectique, on déplore toutefois la quasi-absence de pièces musicales de langue française (il existe pourtant de petits trésors du répertoire contemporain) dans ce parcours de sensations plurielles.

Si la pièce expose des réalités propres au vécu des adolescentes et adolescents, elle ne s’inscrit pas nécessairement dans ce créneau. L’urgence de vivre dans un monde souvent froid, angoissant et cynique rappelle certaines productions récentes comme À quelle heure on meurt?, collage du corpus de Réjean Ducharme, Cinq visages pour Camille Brunelle de Guillaume Corbeil, mais sans la terrifiante cruauté extrême, ou encore Les Mutants, avec pourtant plus de violence latente, de folie et de liberté. L’effet de chœur confère également à cette classe une dimension puissante, émouvante et brutale. Par moment, le travail rigoureux des deux metteures en scène et d’une distribution talentueuse évoque l’esprit des chorégraphies de Jean-Pierre Perreault, comme Joe ou Eironos, notamment lorsque tous les acteurs et actrices effectuent en harmonie une gestuelle précise et rigoureuse.

Plus la pièce déploie toutes ses ailes, plus elle creuse dans la rage, l’amertume et le mal de vivre. La proposition devient alors passionnante, et même émouvante. Elle expose un portrait réaliste sans mièvrerie, sans logorrhée moralisatrice et sans le cynisme auquel échappe toute volonté de changement. Bien qu’ils ne s’inscrivent pas dans des revendications militaires ou idéologiques, les propos entendus donnent le goût de faire bouger les choses.

«On a mis quelqu’un au monde, il faudrait bien l’écouter», chante le groupe Harmonium. Dans cette création relevée, et nécessaire, l’espoir fuse lorsque les lumières s’éteignent. C’est avec beaucoup de chaleur et d’enthousiasme que le public de la matinée scolaire a applaudi les artistes de cet Album de finissants qui ne risque pas de jaunir dans la mémoire des gens.

16-03-2014