Du 9 au 13 novembre 2009, salle principale
Supplémentaire le samedi, 14 novembre à 16 h
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Bashir Lazhar

Texte : Évelyne de la Chenelière
Mise en scène : Daniel Brière
Avec: Denis Gravereaux

Bashir est immigrant, il est au Québec depuis peu et cherche à obtenir le statut de réfugié politique afin de sauver sa femme et ses enfants du climat hostile qui règne chez lui. Contre toute attente, il est embauché comme remplaçant dans une classe de 6e année. Le contexte scolaire est difficile, les enfants sont déstabilisés par le départ inattendu de leur institutrice et la direction a ses exigences. Sa situation personnelle et politique n’est pas plus aisée, il rencontre plusieurs embûches à la réalisation de son rêve. Malgré tout, il transmet aux enfants ses connaissances et ses valeurs, forgées par le courage et l’espoir d’une vie meilleure. Le laissera-t-on effacer le tableau noir de ses mauvais souvenirs et tout recommencer?

Cette pièce de l’auteure Évelyne de la Chenelière s’interroge sur l’accueil que l’on réserve aux immigrants et sur l’éducation. Acclamée à travers le Québec, cette touchante histoire suscite de nourrissantes discussions partout sur son passage.

Texte publié Au bout du fil / Bashir Lazhar, Éditions Théâtrales, 2003.

Décor : Oum-Kelthoum Belkassi
Lumières : Nicolas Descôteaux
Environnement sonore : Danny Braün

Lundi-causerie le lundi 2 novembre 2009 à 29 h 30 dans le foyer
Immigration, chocs et rencontres
Soirée animée par Marie-Ginette Guay
Entrée libre

Production Théâtre d’Aujourd’hui
Codiffusion Théâtre Périscope

Théâtre Périscope
2, rue Crémazie Est
Billetterie :418-529-2183

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Dates antérieures (en résumé)

Théâtre d'Aujourd'hui
Du 16 janvier au 3 février 2007
Supplémentaires du 6 au 10 février et du 13 au 17 février 2007
Le mardi 20 février à 20h et le samedi 10 février à 15h
Le jeudi 1er février 14h30 / Les 21, 22, 23 et 24 février 20h

par Yohan Marcotte

Le souhait de ma collègue Mélanie Viau de voir Bashir Lazhar joué partout au Québec commence à devenir réalité (voir plus bas), car la pièce brille à Québec, au Théâtre Périscope, jusqu’au samedi 14 novembre.

La petite classe de 6e année, où Bashir Lazhar remplace, laisse ses fenêtres grandes ouvertes pour nous permettre d’entendre  celui qui vient de loin. Il a le regard perçant et la vie trouée. Face aux spectateurs comme devant sa classe, Monsieur Lazhar, interprété par Denis Gravereaux, se  révèle un remplaçant fort attachant avec une façon de penser bien à lui qu’il affirme à ses propres risques. Oui, M. Lazhar, qui n’arrive pas à se faire reconnaitre comme réfugié politique, dérange par ses opinions.

Signé par Évelyne de la Chenelière dans une mise en scène de Daniel Brière sur fond de tableau noir, cette pièce nous interpelle et nous demande de nous soumettre aux questionnements qui brille dans l’œil de l’agneau que le loup va croquer. Nous avons le témoignage de celui qui n’est jamais invité, car il est presque un fantôme, mais il est bien en chair : il est sans-papier. Quelle écoute aura-t-il ? Il ne demande rien, si ce n’est que des yeux avides de connaître, comme ceux des enfants… et les vôtres aussi.

14-11-2009

par Mélanie Viau

Le lundi 12 mars 2001, Bashir Lazhar vient prendre la place de personne. Dans cette classe de sixième année B, où tous les noms des enfants réunis forment une harmonie sonore composée par la diversité ethnique, ce remplaçant qui n’a pas droit au papier de réfugié politique tente, par l’enseignement de la littérature et de la grammaire française, de reprendre le cours de sa vie qu’il a laissée quelque part entre l’Algérie et le Québec. De ce portrait intime d’une profonde humanité ressort une foule de questionnements quant aux valeurs transmises par le système d’éducation et les médias, à savoir jusqu’où sommes-nous capables, en tant que société, d’aborder ensemble et de discuter franchement, sans tabous, de sujets fondamentaux et trop souvent incompris, tels que la justice et la violence. Sans aucun doute, nous avons affaire à une pièce nécessaire, car rencontrer ce personnage balzacien nous donne la preuve que nous n’avons pas besoin de lire la une sensationnaliste du journal pour engager une discussion sensible et politique avec notre voisin.

Passés les portes de l’intime salle Jean-Claude Germain, nous voilà installés dans une « salle de classe » traditionnelle et efficacement aménagée par le scénographe Oum-Keltoum Belkassi, qui, par sa neutralité, devient pour chacun des spectateurs lieu de souvenirs personnels des temps d’écolier. Au centre, couvrant la largeur de la scène, trône le grand tableau noir, où l’on peut tout écrire et toujours effacer dans les cas d’erreur ou de regret. Sur la table du professeur, un scrapbook au-dessus duquel une caméra filme en plongée, tels les yeux de Bashir qui fait celui qui fixe son bureau, les bras croisés, demandant qu’on le laisse tranquille, et projette l’image ainsi cadrée sur le grand tableau noir à la vue de tous les « élèves », figurés ici par le public. Au fil de la représentation, Bashir, tournant les pages du cahier, nous dévoile les titres des tableaux de la pièce, des esquisses des silhouettes grossières de la directrice et de la secrétaire, un dessin joyeux de la cour de récréation, une fable de Bashir faisant des fautes d’orthographe pour rendre justice aux « enfants-correcteurs-de-devoirs », un montage photo de la défunte famille algérienne. Sur ce tableau-écran ce reflète également Bashir, filmé en direct, vu ainsi par les yeux de sa tendre femme et par ceux de Mme Lajoie, qui le juge malgré elle parce qu’elle ne comprend pas. Et toujours, dans cette classe aux milles héritages culturels, Bashir reste seul au centre, et même si l’énorme pouvoir évocateur du texte vient chercher nos sens à un point tel que nous pouvons entendre la turbulence énergique des courses et des voix d’enfants, en plus de nous figurer mentalement avec assez de facilité les profils des autres personnages, nous restons témoins de cette profonde solitude qui isole théâtralement le personnage sur scène, faisant face aux regards observateurs du public qui lui est étranger. S’allient ainsi parfaitement les mots et images d’Evelyne de la Chenelière avec ceux, scéniques, de Daniel Brière pour créer une mise en scène sensible, simple, généreuse, pleine d’humour, ouverte aux différents points de vue et fondamentalement proche de l’humain dans sa capacité de partager, en mots, ce qu’il est.

Bashir Lazhar est une rencontre touchante, essentielle. Ce personnage magnifique, tout en subtilités, vient nous chercher profondément plus qu’il ne s’impose à nous. Interprété  intelligemment d’un ton toujours juste par Denis Gravereaux, sans excès d’émotion ni  archétype, il nous livre l’universel au travers de son expérience d’immigration et d’abandon. Fondamentalement, Bashir aime et ce, même s’il croit souvent mettre son courage de côté. Il aime l’avenir dans les yeux des enfants, ces petites chrysalides qui tapent ensemble sur des ballons pendant la récréation, parce que oui il faut jouer et aimer jouer pour ensuite être disposés à travailler sur les règles de conjugaison de verbe. Il faut partager avec les copains pour bâtir un futur et oui, le petit Martin devrait avoir des amis et sortir des jupes de sa mère car la vie est dehors, comme un loup, et le croquera dans sa solitude même si ce n’est pas la justice. Il faut que les mots réfléchis d’Alice soient lus par les autres élèves de son âge, parce qu’ils se comprennent, eux. Même si ça semble violent. Et la une du Journal de Montréal qui crie en gros titre le suicide atroce de la professeure Martine Lachance dans l’enceinte de l’école, ce n’est pas violent ça? Ici Evelyne de la Chenelière met sur table bien plus que des problèmes liés à l’intégration, l’immigration et le racisme : elle questionne nos dialogues avec autrui. Sommes-nous ouverts à la connaissance par l’écoute et l’échange, ou bien préférons-nous nous fier aux éditoriaux pour fonder notre opinion sur les drames de notre époque et sur les conflits mondiaux ? De plus, est-il nécessaire de se faire étamper un titre par la bureaucratie qui justifie ainsi nos aptitudes, notre rôle social et notre appartenance idéologique à un groupe d’individu ou à une nation entière ? Bashir Lazhar est conscient de cette difficulté à se reforger une identité sur un territoire tenu de mains fortes par une culture inconnue, dans un école primaire habitée par des enseignantes de théâtre aux cheveux rouges qui prônent l’expression personnelle sans soucis de maîtriser le français international. Alors voilà, la morale pessimiste de Jean de la Fontaine ramène vite Bashir à comprendre que c’est lui l’agneau dévoré par le loup. C’est injuste mais c’est comme ça. Il faut continuer, tout simplement, et parler, et écrire, et parler, et écrire. Souhaitons que cette pièce fera de même et continuera de divulguer le message de ses créateurs dans les nombreux théâtres et les écoles de la province, car c’est important de jouer, c’est enrichissant de jouer. On se comprend mieux.

24-01-2007

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