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26 février 2016, 19h30 (rencontre avec les artistes)
Matinées scolaires : 24-25-26 février
Jouez, monsieur Molière!
Dès 12 ans
Texte Jean-Rock Gaudreault
Mise en scène Jacinthe Potvin
Avec Normand Canac-Marquis et Alexandre Dubois

Juste avant une représentation, Molière, auteur emblématique du théâtre au sommet de sa gloire,  est surpris dans sa loge par le jeune Louis, introduit en cachette pour réaliser son rêve : rencontrer son idole. Masqué, il ne dévoile pas son identité. De toute évidence, il est de sang noble.

L’auteur nous convie à un dialogue enlevé entre un homme d’âge mûr et un jeune adolescent. Une merveilleuse rencontre intergénérationnelle où l’histoire nous ramène au fondement de la condition humaine et à l’amour de la liberté. Uneforme réjouissante où se mêlent à la beauté des dialogues, la farce et le jeu masqué. Des scènes toutes intimistes et empreintes de la plus grande vérité côtoient les séquences loufoques qui s'inspirent de la commedia dell'arte.

Interprété par de merveilleux comédiens, Normand Canac-Marquis dans le rôle de Molière et Alexandre Dubois dans le rôle de Louis, Jouez, monsieur Molière! est un magnifique hymne au théâtre mis en scène par Jacinthe Potvin. Réjouissant !


Section vidéo


Scénographie : Francis Farley-Lemieux
Éclairages : André Rioux
Costumes et accessoires : Ginette Grenier
Musique originale : Catherine Gadouas
Photos : André Rioux

Durée environ 60 minutes

Production Mathieu, François et les autres… (Montréal)
en collaboration avec la Maison de la culture Mercier pour l'accueil en résidence. La création et la diffusion de ce spectacle sont rendues possibles grâce au soutien du Conseil des arts et des lettres du Québec, du Conseil des Arts du Canada et du Conseil des arts de Montréal


Les Gros Becs
1143, rue Saint-Jean
Billetterie : 418-522-7880 poste 1

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Critique

La compagnie montréalaise Mathieu, François et les autres…, qui nous a offert de très jolies productions au cours des dernières années (Pour ceux qui croient que la terre est ronde, Le plus court chemin entre l’école et la maison), proposait récemment aux Gros Becs l’une de ses plus récentes créations, Jouez, Monsieur Molière!, un « docu-fiction » sur la vie, la liberté, l’espoir, la grandeur du théâtre et sur le bonheur de jouer. Si la pièce est à la limite divertissante pour certains, elle gâche totalement la mission qu’elle aurait pu accomplir en terme d’éducation et d’inspiration, minée par un texte en dent de scie et une mise en scène peu inspirée.


Crédit photo : Laurence Labat

17 février 1673 ; le petit Louis, progéniture de Louis XIV, s’introduit dans la loge de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, alors que l’endroit lui est interdit. Rappelons qu’à l’époque, le métier de comédien est loin d’être noble : Molière aurait d’ailleurs signé une lettre en ce sens, dans laquelle il reniait toute son œuvre pour « faire la paix avec l’Église et être enterré convenablement » – la lettre se retrouvera d’ailleurs au centre de la présente pièce, permettant à Louis de converser avec le grand Molière. La rencontre entre le garçon de 12 ans et le vieil acteur ne se fera pas sans heurts et remettra en question les croyances de l’homme de théâtre (ou les affirmant) et la position de l’enfant-roi.

Le texte de Jean-Rock Gaudreault aborde une multitude de sujets, soit l’âge, la liberté, le destin, la mort, l’ennui et tout ce qui tourne autour du théâtre : le jeu, le masque, le costume, les émotions, la projection et le pouvoir de l’imagination. En s’inspirant fortement de l’écriture de Molière, les répliques entre l’homme et l’enfant sont rythmées et riment, comme des alexandrins. Gaudreault touche aussi à la grande histoire, de front ou par la bande : les maladies dont souffrait Molière, ses préoccupations, ses rapports avec l’autorité royale et religieuse. Par contre, certaines tirades semblent exister que pour l’effet, allongeant la pièce pour bien peu de choses – celle où Molière, descendu au niveau des spectateurs pour dire aux jeunes de quitter la salle, car ils perdent leur temps à assister à des spectacles où l’amour, la haine et l’hypocrisie sont reines, n’ajoute rien de pertinent à l’ensemble. De plus, la critique sociale que tente de créer l’auteur grâce à la figure de Molière (le vieil homme, ou l’homme sage que l’on écoute de moins en moins) et celle de Louis (l’enfant-roi de notre époque) est trop peu exploitée et reste enfouie sous les masques de la commedia dell’arte.

La mise en scène de Jacinthe Potvin aurait pu démontrer davantage d’éclat et d’inventivité, en jouant encore plus avec les codes du théâtre et en démontrant davantage de sensibilité. La pièce peine à garder son équilibre entre le théâtre jeune public et celui pour adulte, ne satisfaisant ni l’un, ni l’autre. Si les échanges entre Molière et Louis, parfois inspirés et jolis, peuvent provoquer quelques petits moments de grâce, l’aspect grand-guignolesque de Molière, qui grimace devant son miroir (son imitation de Chaplin qui se transforme en Hitler est un clin d'oeil dépassé, du déjà vu) et joue au bouffon pour faire rire – même si l’exercice se veut parfois intentionnellement ironique – restera gravée dans la mémoire plus longtemps que tout le reste, ce qui est un malheur en soi. La pièce perd alors de sa pertinence, de sa force, de son éclat historique et pédagogique, et devient presque anodine. Comme si la folie qui habitait Molière, et son désir de faire rire, ne pouvait être que caricaturale.

Les costumes de scène de Ginette Grenier sont remarquables, souvent riches et d'un rouge vif. Par contre, ceux portés par les deux personnages - chemises, pantalons, souliers, montre - sont de facture très moderne. Nous nous situons ni en 1673, ni aujourd'hui : nous somme définitvement au théâtre, dans un endroit hors de l'espace-temps. Si l'idée peut être intéressante, elle peut laisser totalement perplexe. La musique de Catherine Gadouas, très présente, vient appuyer, parfois parfaitement, parfois un peu trop, le jeu des deux comédiens, en empruntant aux thèmes médiévaux, à la musique de chambre et aux mélodies plus contemporaines. Normand Canac-Marquis, en Molière, s’il en fait un peu trop côté pitreries, se débrouille plutôt bien. Mais le comédien reste à la surface d’un personnage qui aurait pu démontrer davantage de complexité et de profondeur – il interprète quand même l’un des plus grands hommes de théâtre, toutes époques confondues. Alexandre Dubois se débrouille aussi très bien dans la peau d'un Louis plus mature qu’il n’y parait, remerciant Molière pour les leçons qu’il reçoit plutôt que de manifester son mécontentement par une crise de colère.

Jouez, Molière! « joue » probablement sur trop de tableaux pour réellement créer l’impact souhaité chez les spectateurs. Et c’est bien dommage, car on perçoit tout le potentiel que la pièce aurait pu démontrer.

27-02-2016