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8 novembre 2015, 11h et 15h (rencontre avec les artistes), 15 novembre 2015, 15h
Matinées scolaires : du 4 au 13 novembre
Clap
Dès 6 ans
Scénario Yves Dagenais et Mélanie Raymond
Mise en scène Yves Dagenais
Avec Mélanie Raymond

Une dame, manifestement sans domicile fixe, règne sur une petite rue dans une bien grande ville. C’est elle qui est en charge de...de…de rien. Elle est pourtant très occupée à vérifier dans tous les sacs et bacs de récupération, à chercher ce qu’elle pourrait utiliser ou réutiliser pour son bien-être quotidien. Un bien-être qui se résume en peu de choses puisqu’elle n’a rien à faire, sinon de survivre tous les jours. Madame préfère s’amuser, doit-on la plaindre, la blâmer? (Spectacle sans paroles)

On la juge, on la méprise, mais elle ne s’en fait pas pour si peu puisqu’elle ne juge personne. Le temps est son bien le plus précieux ce qui lui a permis d’observer ses semblables. 

Après le succès de CLIP, Yves Dagenais récidive avec CLAP, en mettant en scène la clown Mélanie Raymond, dont le parcours nous promet une performance originale et touchante. Les clowns sont de grands humanistes qui nous touchent par leur candeur et leur esprit loufoque. Ils nous amènent sur des chemins surprenants qui font réfléchir sans nous faire la morale. Étourdissant !


Scénographie : Yves Dagenais et Mélanie Raymond sous la supervision d’un « patenteux »
Éclairages : Rodolphe St-Arneault
Régie : Rodolphe St-Arneault
Photos : Rénald Laurin

Durée 55 minutes

Production Le Centre de recherche en art clownesque (CRAC) (Montréal)


Les Gros Becs
1143, rue Saint-Jean
Billetterie : 418-522-7880 poste 1

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Critique

Crédit photo : Rénald Laurin

Qu’il faisait bon rire et oublier un peu le monde1; en cette dernière représentation de Clap au Théâtre Les Gros Becs. Présentée en première (mondiale!) au théâtre de la rue St-Jean, Clap est la plus récente création du Centre de recherche en art clownesque (CRAC), qui nous avait offert auparavant le délirant CLIP!. La pièce met en scène une jeune femme sans-abri, résiliente dans un environnement hostile et dur, mais qui lui offre plusieurs possibilités. On assiste ainsi à une journée de son quotidien, du réveil à la tombée de la nuit.

Mis en scène et co-scénarisé par Yves Dagenais, Clap met en valeur tout le talent de la clowne Mélanie Raymond, qui a fait ses armes en théâtre de rue et chez DynamO Théâtre comme acrobate. Elle use d’ailleurs de toutes ses aptitudes physiques pour créer un personnage haut en couleur et développer une grande complicité avec le (jeune) public.

Du moment de s’extirper de son sac de couchage à celui de se nourrir, se laver ou mendier, tout est prétexte au rire. Dans ce qu’on devine un fond de ruelle, entre deux amas de poubelles et de bacs de recyclage, la jeune femme a construit son petit monde, avec un matelas, un réchaud et ses vêtements, sans oublier la vermine, des colocataires de fortune qui lui gâche souvent la vie, courant de bord à l’autre et lui volant ses choses. Avec beaucoup d’humour et d’adresse, Mélanie Raymond se déplace comme elle peut, empêtrée dans son sac, remettant ou enlevant toujours sa veste, fouillant au travers les poubelles et le papier journal. Elle fait éclater de rire le jeune public chaque fois qu’elle bouge, qu’elle tente quelque chose ou qu’elle réagit, souvent de manière drôlement excessive. Si les adultes rigolent ici et là, les petits spectateurs réagissent fortement aux nombreuses pirouettes ou petites gaffes de la sans-abri.

De son environnement, elle arrive à créer des moments d’une belle inventivité, comme ce bac de recyclage qui se transforme en bain, rideau en prime, ou d’une poésie inattendue, alors qu’une feuille de papier bulle devient sa prison de glace, frigorifiée par la température qui chute. On retrouve aussi, au centre de la scène, un petit lopin gazonné, clôturé, faisant moins d’un mètre carré, qui agit comme un havre de paix. Quand elle y entre, tout se calme, mais l'extérieur se transforme toujours alors qu'elle ose mettre le pied à l'extérieur.

Son plus grand trésor réside en un cahier ou elle consigne sa vie et ses souvenirs, devenant du coup le seul  témoin de son existence et dans lequel elle se plonge avec plaisir, en en faisant la lecture à qui veut bien écouter. Alors qu’elle cherche à manger, son ventre ayant gargouillé à quelques reprises depuis son réveil – un moustique avalé goulûment ne constitue pas un petit-déjeuner complet – elle tente la mendicité, usant de tous les subterfuges possibles : les sourires racoleurs, le faux bébé qui pleure, les pancartes, la musique, même la cécité ; une cliente parfaite pour Peachum de l’Opéra de quat’sous. Sa « nouvelle condition » l’entraînera dans la salle, alors qu’elle tente de ramasser quelques sous parmi les spectateurs : elle en aura pour son argent, recueillant dollars et câlins. Preuve irréfutable du pouvoir du clown et du charme brut du personnage de Mélanie Raymond.

La seule petite réserve envers le spectacle provient du langage utilisé. Clap aurait eu avantage à être totalement sans paroles, ou du moins conserver un vocabulaire inventé tout au long de la représentation. Les quelques mots et expressions utilisés, près du joual, n’aident malheureusement pas le personnage ou les situations, alors que l’on comprend rapidement tout ce qu’il y a à saisir. Ils viennent déranger l’oreille plutôt que rendre le personnage encore plus sympathique.

Clap est un baume sur le cœur, un moment de joie et de plaisir partagé, malgré les difficultés que cette femme doit subir ou traverser. Sa débrouillardise, son imagination et son courage deviennent même une inspiration pour tout un chacun, octroyant une autre perspective sur ces gens vivant dans la rue.

1 critique écrite quelques jours après les attentats de Beyrouth et de Paris, novembre 2015.

15-11-2015