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15 février 2015, 15h (rencontre avec les artistes)
Matinées scolaires : 11-12-13 février
Les chaises
Dès 9 ans
Adaptation et dramaturgie : Lise Vaillancourt
Mise en scène : Pierre-Paul Savoie
Avec Sylvain Lafortune, Heather Mah et David Rancourt

Pour égayer l’ennui, la solitude et le vide de leur existence, deux vieillards s’inventent une ribambelle d’invités invisibles qui se bouscule à leur porte. Parmi eux, le colonel, une Belle au Bois dormant, un groupe d’enfants, des animaux-journalistes et même le Roi en personne. Dans ce tohu-bohu absurde animé par le mouvement incessant des chaises qu’on dispose dans l’espace pour les invités fantômes, s’amène enfin celui que tous sont venus entendre : l’orateur. Contre toute attente, il se révèle être un enfant muet et danseur. C’est lui qui, par le langage de la danse, livrera au monde, le message universel qui traduit à la fois la pensée du vieillard et celle que les enfants souhaitent pour la suite du monde.

Quelle belle audace de l’auteure Lise Vaillancourt d’adapter, pour les enfants, Les Chaises de Ionesco! Et quelle belle audace du chorégraphe Pierre-Paul Savoie de diriger deux excellents danseurs d’âge mûr qui peuvent représenter un couple de vieillards, de 94 et 95 ans! Défi relevé avec brio. Pour s’assurer de la pertinence de la démarche, le chorégraphe s’est associé à des classes de 4e année tout au long du processus de création. C’est un pur bonheur d’entendre les rires cristallins accompagner les prouesses et les maladresses de ce couple irrésistible.


Section vidéo


Collaboration chorégraphique : David Rancourt
Musique : Benoît Coté
Conception sonore : Benoît Côté et Thierry Gauthier
Scénographie et éclairage : Jocelyn Proulx
Conception des costumes : Linda Brunelle
Conception des maquillages : Florence Cornet
Conception de perruques : Rachel Tremblay et Ève Turcotte
Crédit photo : Rolline Laporte

Durée : environ 60 minutes

Une production PPS Danse (Montréal)
Codiffusion La Rotonde


Les Gros Becs
1143, rue Saint-Jean
Billetterie : 418-522-7880 poste 1

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Dates antérieures (entre autres)

14-15 décembre 2013, Cinquième salle de la Place des Arts

 
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 Critique
Critique

par Olivier Dumas


Crédit photo : Rolline Laporte

Avec son adaptation des Chaises, le chorégraphe Pierre-Paul Savoie s’approprie avec bonheur, tendresse et sensibilité un joyau du théâtre mondial pour le jeune public.

Après son exploration de l’univers poétique du grand Jacques Prévert dans Contes pour enfants pas sages et des chansons envoûtantes de Lhasa de Sela (particulièrement de ses magnifiques deux premiers albums La Llorona et The Living Road) dans Danse Lhasa Danse, la compagnie PPS Danse fait une incursion réussie dans une œuvre emblématique d’Eugène Ionesco. Écrite en 1952, la pièce, qui n’a pas pris une ride, est considérée par plusieurs spécialistes du théâtre comme son chef d’œuvre. Pour l’auteur de ces lignes, elle demeure certainement l’un de ses textes les plus émouvants et les plus fulgurants dans sa capacité à traduire toutes les fragilités et élans de l’âme humaine. Si son propos reprend le leitmotiv récurent du corpus ionescien de l’incommunicabilité du langage, elle se démarque par ses effets scéniques où la matière, soit ici la multiplication des chaises, devient un matériau essentiel à une production scénique. 

Le récit à deux personnages met en scène un couple de vieillards hétérosexuels de 94 et 95 ans qui, pour tromper l’ennui avant la venue de la mort, décident d’inventer une réception mondaine avec des invités imaginaires qui défilent à tour de rôle dans leur résidence. Derrière cette tragi-comédie sur la solitude effroyable, qui sait rejoindre l’essentiel sous ses allures de simplicité et de truculence, on retrouve surtout un hymne à la vie et à la solidarité.
 
Au premier abord, les thèmes de l’histoire peuvent paraître lourds ou trop abstraits pour des enfants spectateurs. Pourtant, et fort heureusement, le public de la représentation scolaire à la Cinquième salle de la Place des Arts a grandement réagi à cette proposition audacieuse et exigeante de soixante minutes. Durant la première demi-heure, les rires et étonnements fusent à de nombreuses reprises. Par la suite, ils ont cédé la place à un recueillement, d’autant plus qu’une rupture de ton assez radicale entraîne le spectacle vers des eaux plus noires. L’adaptation de Lise Vaillancourt (auteure, entre autres, du magnifique Tout est encore possible en 2009 au Théâtre d’Aujourd’hui) a su simplifier la trame narrative sans en perdre la substance.

La facture visuelle et sonore du spectacle étonne par son aisance à transposer autant les couleurs humoristiques de la partition que son sens du drame qui pointe surtout son nez durant les derniers instants de la pièce. Avec leurs vêtements de couleurs grises, les interprètes Sylvain Lafortune et Heather Mah rendent toutes les nuances de ce couple attachant. Les gestes du quotidien prennent ici une dimension éloquente et s’inscrivent dans une suite de mouvements d’une grande cohérence qui suscite parfois l’amusement et toujours l’intérêt. Les chaises deviennent des personnages en elles-mêmes, qui, dans toutes les positions possibles, exposent toute la légèreté et la vivacité du monde qui se démènent contre l’apesanteur du temps qui s’égrène comme un sablier.

Peu de temps avant la tombée du rideau, un personnage d’orateur (une idée de Pierre-Paul Savoie) incarné par un agile David Rancourt s’exécute en silence, après le départ des deux protagonistes. Sur une musique prenante de Benoît Côté, le danseur vêtu de blanc brille par son agilité à rendre avec énergie la tristesse et le chagrin d’un monde qui s’éteint sans crier gare.

Pour petits et grands, chérubins et ceux qui le restent dans leur cœur et leur âme, cette relecture des Chaises d’Ionesco par la compagnie PPS Danse nous rend heureux et nous réconforte en ce début de saison hivernale.

13-12-2013