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Du 6 novembre au 1er décembre 2012 , du mardi au samedi, et dimanche 17 novembre 15h
Projet LaramieLe Projet Laramie
Texte Moisés Kaufman et le Tectonic Project
Mise en scène Gill Champagne
Avec Fabien Cloutier, Guylaine Jacob, Linda Laplante, Danielle LeSaux-Farmer, Kevin McCoy, Jean-Sébastien Ouellette, Jocelyn Pelletier, Lucien Ratio, Andrée Samson, Marjorie Vaillancourt

En 1998, les membres d’une compagnie de théâtre se rendent à Laramie, dans le Wyoming, trois semaines après le meurtre brutal d’un étudiant homosexuel de 21 ans. Ils espèrent ainsi comprendre comment un acte d’une telle violence a pu être commis et comment la population locale a réagi face à ce crime. Le Projet Laramie fait revivre l’ambiance des jours qui ont suivi la mort de Matthew Shepard et le procès de ses deux meurtriers, telle une partition composée de déclarations de témoins. Basée sur plus de 200 entrevues, cette pièce constitue un témoignage, un théâtre documentaire, une version extrême de ce qui se déroule dans nos écoles encore aujourd’hui.


Section vidéo
une vidéo disponible


Scénographie : Jean Hazel
Costumes : Dominique Giguère
Éclairages : Laurent Routhier
Musique : Marc Vallée
Crédit photo : Photo Hélène Bouffard et Stéphane Bourgeois / Design : diese.ca

:: Vendredi-causerie- 9 novembre ::
Les spectateurs sont invités à demeurer sur place
après le spectacle pour une discussion animée
avec les artistes.

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Mardi Avant-Scène 13 novembre 19 h 15 ::
Tout juste avant la représentation,
dans le foyer de la Salle Octave-Crémazie,
une rencontre animée avec
Anne-Sophie Ruest-Paquette,
présidente du Groupe gai de l’Université Laval (GGUL).

Coproduction Théâtre Blanc


Théâtre du Trident
269, boul. René-Lévesque Est
Billetterie : 418-643-8131 - 1-877-643-8131

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 Critique
Critique

par Odré Simard


Crédit photo : Vincent Champoux

Le projet Laramie fut présenté sur les planches à New York suite au travail documentaire acharné de la troupe Tectonic Theater Project qui rapatria des dizaines de témoignages concernant le meurtre de Matthew Shepard, survenu en 1998 aux alentours de la petite ville de Laramie, dans l'état du Wyoming. Depuis, cette pièce a été consacrée comme une des œuvres de théâtre les plus importantes des États-Unis, jouée plus de 2000 fois à travers le monde et offrant le portrait d'une petite ville quelconque, mais par le fait même, celui d'une nation entière. Il y est question d'un crime haineux sur une personne homosexuelle, fait divers sordide qui devint un symbole pour toute une communauté ainsi que pour tout un peuple, dans une lutte à l'intolérance dans ce « pays de liberté ». Le Théâtre du Trident pose à son tour son regard sur la ville de Laramie, Gill Champagne à la barre de la mise en scène.

La pièce en tant que telle consiste en une mise en abîme présentant les membres du Tectonic Theater multipliant les recherches et les entrevues afin de  disposer les morceaux du casse-tête pour proposer une œuvre vraie et juste. Chaque acteur endosse à la fois le rôle d'une personne de la troupe new-yorkaise en plus de cinq ou six habitants de la petite ville. On passe avec grand plaisir d'une figure à l'autre et on reste subjugué devant le caractère authentique de ces gens colorés, sentis et émouvants. L'histoire n'est donc pas linéaire, mais présentée via une juxtaposition de « moments théâtraux » comme le recherche la compagnie Tectonic Theatre, selon une approche « structuraliste » ou « tectonique » du théâtre, tel que l'explique le directeur de la troupe, Moisés Kaufman, à l'intérieur du programme.

Bien que la pièce traite de l'homosexualité et de la difficulté à assumer son droit à la différence dans certains états plus conservateurs, l’œuvre laisse place autant à l'humour qu'au drame, à la réflexion autant qu'à la poésie. C’est un assemblage solide, complexe, porté avec brio par les dix comédiens touchants et crédibles. La réflexion proposée s'étend sur d'innombrables domaines, que ce soit les relations interpersonnelles, l'homosexualité, la religion, la haine, la peur, la violence, l'amour, les médias, la peine de mort, la prise de parole... sans jamais partir en tout sens. Le tout est fluide et bien orienté. La petite ville doit panser ses blessures et entamer un processus de guérison pour ne pas porter sur ses seules épaules les tares d'une société entière. Pour les habitants, cet événement tragique devient une opportunité d'être bousculé dans leurs convictions, de se rendre compte du décalage qu'offrent les médias face à la réalité, de comprendre comment quelqu'un de différent demeure une personne à part entière qui doit jouir des mêmes droits que tous. Un moment très touchant de la pièce est lorsque le PDG de l'hôpital, interprété par Jean-Sébastien Ouellette, annonce finalement la mort du jeune Shepard six jours après le crime et pleurera devant la télévision nationale. Il nous confie ensuite que même si à la base il n'endossait pas le mode de vie homosexuel, il se mit à penser à ses enfants et, ainsi, aux parents de Shepard, qui venaient de perdre leur fils.

Gill Champagne signe ici une mise en scène dynamique, enlevante, où les deux heures vingt minutes de représentation ne passent qu'en un frisson. La scénographie épurée de Jean Hazel est très inspirante, rappelant les grandes étendues du Midwest des États-Unis : du sable par terre et un immense panneau style annonce publicitaire de bord de route occupant toute la largeur de la scène et faisant office de support vidéo. On y voit le ciel d'abord d'un bleu éclatant s'obscurcir au fil de la pièce.

Une pièce documentaire émouvante et porteuse de réflexion, présentant une foule de personnes incarnant leur vérité bien personnelle, et construisant ainsi la vérité d'une nation.

11-11-2012