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Du 6 au 31 mars 2012, 20h
Madame de SadeMadame de Sade
Texte : Yukio Mishima
Traduction : André Pieyre de Mandiargues
Mise en scène: Martine Beaulne
Avec Lise Castonguay, Lorraine Côte, Eva Daigle, Sophie Dion, Marie-Hélène Lalande, Andrée Samson

Alors que son mari, le Marquis de Sade, est emprisonné à moult reprises, Madame de Sade, épouse de l'illustre libertin, lui demeure fidèle. Autour de son absence, dans un salon du XVIIIe siècle, six femmes, incarnant chacune une vertu ou un vice, s'épanchent en conjectures sur le retour espéré du débauché personnage en quête d'absolu. L'épouse, sa mère et sa sœur, une amie d'enfance, une courtisane et une femme de chambre nous présentent des vérités qui transcendent les préjugés et nous proposent une réflexion sur les vertiges de la liberté. Un texte sensible et nuancé qui met de l'avant des dialogues enflammés où s'entremêlent la douceur de l'amour et la cruauté des coups de fouets.


Musique : Yves Dubois
Scénographie : Michel Gauthier
Costumes : Catherine Higgins
Éclairage : Caroline Ross
Crédit photo : Portrait inspiré de la photographie d'Éva Daigle (crédit:Gordan Dumka), Illustration: Gill Champagne, Reproduction photo: Stéphane Bourgeois - Design: diese.ca

Une production du Trident


Théâtre du Trident
269, boul. René-Lévesque Est
Billetterie : 418-643-8131 - 1-877-643-8131

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 Critique
Critique

par Odré Simard

En ce 8 mars soir de première et journée internationale des femmes, il était tout à fait à propos de se frotter à la pièce Madame de Sade, plus particulièrement ses six personnages féminins aux portes de la Révolution française, vue par la fougue du Japonais Yukio Mishima. Ce dernier était fasciné par le passage de la tradition vers la modernité ainsi que les liens entre orient et occident. Ses thèmes favoris étant, entre autres, la quête de l'absolu ainsi que la puissance de l'imagination, on comprend aisément qu'il ait pu être en quelque sorte émerveillé par le personnage du Marquis de Sade. Par contre, bien qu'il soit le pivot de toutes les interactions entre les six femmes qui l'ont côtoyé de près ou de loin, l’écrivain  n'en demeure pas moins qu'une espèce de prétexte, un symbole devant laquelle chacune cherche à se définir, soit dans l'opposition ou en s'y confondant avec plaisir. Chacune est prisonnière de son propre rôle et des réactions dont elle ne peut échapper. D'abord Renée, marquise de Sade, l'épouse dont la fidélité et la patience n'ont d'égal que le vice de son mari, puis, la mère opportuniste qui ne jure que par l'autorité, les conventions sociales et les apparences et, enfin, la sœur cadette Anne-Prospère qui vit sans principe ni valeur. Viennent alors se greffer au noyau familial la baronne de Simiane, femme pieuse et vertueuse ainsi que la comtesse de Saint-Fond, aux antipodes de la première, libertine aux vices charnels assumés et pour finir, Charlotte, la domestique par laquelle nous verrons s'effectuer tranquillement le soulèvement populaire.

Le texte de Mishima ainsi que la mise en scène de Martine Beaulne ne font pas de cette pièce un éloge au personnage du marquis de Sade, mais nous présente une kyrielle de points de vue sur la position à prendre face à ce qu’il nous est impossible d'imaginer. Impossible d’être indifférent : nous sommes fascinés ou horrifiés par les actions de cet homme. Il faut d'ailleurs saluer l'audace du Trident de présenter à son public un spectacle aussi ouvert et confrontant au niveau des valeurs. La pièce ne nous dicte pas si cela est bien ou mal, nous devons ainsi nous faire notre propre idée. Des femmes fortes à leur façon, mais dont les visions sont impossibles à concilier.

S'il y a bien quelques longueurs dans ces deux heures et quart sans entracte, c'est davantage dû à certains échanges longs et répétitifs dans les nombreuses scènes mère-fille. Quoi qu’il en soit, la pièce est tout de même admirablement portée par une distribution solide : Èva Daigle dans le rôle de la marquise est étonnante et inspirée, particulièrement dans la scène finale où elle entre dans une illumination mystique à l'approche de la libération de son mari. Au plan technique, il y a longtemps que nous n’avions vu un spectacle où tout se répond autant dans l'harmonie. Des éclairages surprenants, un décor sobre mais élégant, des perruques et costumes audacieux à souhait ainsi qu'une musique enlevante. Un spectacle pour public averti, qui vient nous confronter à nos valeurs ainsi qu'à notre façon de considérer notre rapport à l'Autre et à l'inconnu.

09-03-2012