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Italien
Surtitres F & A : 1h40

STRASS ET DÉTRESSE
Délinquante, offensive, l'oeuvre de Jean Genet est toute théâtrale, y compris dans ses romans. Maître dans l'art de la poudre aux yeux, expert en faux et en rhétorique, cela pour mieux démasquer les faux-semblants et les apparences, Genet se serait reconnu dans l'adaptation irrévérencieuse et flamboyante qu'offre Danio Manfredini de son roman Notre-Dame-des-Fleurs.

Oubliez le Cinema Paradiso, vous êtes au Cinema Cielo, salle qui faisait autrefois dans le porno et qui devient aujourd'hui la scène d'un théâtre où la parole s'éteint, où le corps règne, où les solitudes se cherchent, se frôlent puis s'étreignent. Les clients vont, viennent et les spectateurs, qui occupent la position de l'écran, épient les diverses présences qui hantent ce lieu et qui, toutes, sont en représentation : Louis, surnommé Divine, magnifiquement interprété par Manfredini lui-même, ses nombreux amants et un séduisant assassin. Une humanité clinquante et vraie qui fantasme l'amour et pour qui le sexe est besoin, évasion et marchandise. Divine recréation par un maître de la marge en Italie.

Idée et mise en scène
DANIO MANFREDINI
Lumière
Maurizio Viani

Environnement sonore
Marco Olivieri

Distribution
Patrizia Aroldi
Vincenzo Del Prete
Danio Manfredini
Giuseppe Semeraro

Producteur
Emilia Romagna Teatro - Modène

En collaboration avec
Festival Santarcangelo dei Teatri

SALLE LUDGER-DUVERNAY
Monument-National

26, 27 et 28 mai

 

par David Lefebvre

Deux enfants terribles; l'un est Jean Genet, écrivain et poète homosexuel, voleur, emprisonné plusieurs fois, il a écrit de petits chef-d'oeuvres littéraires. Il fut reconnu par Cocteau, Sartre et Simone de Beauvoir. L'autre est Danio Manfredini, metteur en scène et comédien italien, en marge de ce qui se fait, ses créations percutent, fouillent et dégagent des sentiments puissants, profonds.

C'est le cas de Cinema Cielo, inspiré de Notre-Dame-des-Fleurs, un roman de Genet. C'est l'histoire de Divine (interprété par Manfredini), un homme incompris et qui ne se comprend pas, qui accepte les offres les plus radicales de sado-masochisme et de fétichisme. Un homme-femme, qui parle à Jésus (et qui lui répond), aux ailes rouges et aux souliers multicolores, amoureux de Mignon et attiré par un assassin-voleur surnommé Notre-Dame-des-Fleurs. C'est l'histoire de clients qui hantent un cinéma porno, un endroit où chacun a ses habitudes et où le sexe n'est qu'une marchandise, une raison de sortir de la solitude, de la torpeur, de soi.

La scénographie est superbe mais simple, reproduisant une salle de cinéma qui nous fait face (donc nous sommes dans l'écran pour eux), aux tons de rouge très dominants. Le temps et le lieu ne sont pas linéaires : la narration (de la bande son) peut nous raconter une histoire quand une autre se passe sous nos yeux. L'entreprise parle d'un microcosme de la société, évoque l'enfance et les créatures ambiguës de la nuit homosexuelle. Le spectacle dégage une grande tristesse malgré les quelques moments de rire, et les images fortes sur quelques airs connus (dont une chanson de Pink Floyd) déstabilisent et fascinent. Le discours est parfois cru, osé, souvent poétique, tout comme la mise en scène qui s'imprègne des arts du cinéma, de la peinture et de la danse. Sans être exhibitionniste, on suggère fortement sans pour autant choquer. L'ambiance sonore de Marco Olivieri est efficace et importante vue la grande part de narration enregistrée.

Excentrique, typée, personnelle, Cinema Cielo se trouve loin des standards et démontre une grande maîtrise de la mise en scène. Les acteurs captivent et troublent, interprètent des personnages pour lesquels le corps règne, se métamorphosent, se racontent et partent.

En italien surtitré en français et en anglais

26-05-2005