![]()
23, 24, 25 et 26 mai
Usine C
Espagnol : 2h30 avec entracte
Surtitres F & A
Coproduction : Festival della Riviera Castiglioncello (Italie) / Emilia Romagna Teatro (Italie) / Festival de théâtre latino-américain de Bayonne (France)Homère, notre contemporain
Pourquoi monter les classiques ? Parce qu’ils nous aident à comprendre qui nous sommes, d’où nous venons et où nous allons. César Brie le croit profondément. Argentin d’origine, mais Bolivien d’engagement, il est revenu à l’Iliade pour mieux parler du présent, de la soif de pouvoir et de conquête qui ravage aujourd’hui le monde. Dans un esprit de troupe, il a réuni des artistes de tous les horizons, intégré rites et traditions venus de partout en Amérique latine. Esprit féru d’histoire(s), il a entrelacé les textes et les époques, allié à Homère Christa Wolf, Eschyle et Euripide, tissé un objet théâtral métissé. La scène ? Un espace vide entre rideau déchiré et mur vierge sur lequel giclera le sang des victimes de cette relecture rituelle et festive de l’oeuvre d’Homère. La Iliada ? Une habitation, une occupation du poème fondateur de l’Occident à la lumière des tragiques grecs et des violences militaires de notre temps.
D’APRÈSL’Iliade d’Homère ADAPTATION ET MISE EN SCÈNECésar Brie ARRANGEMENTS MUSICAUXLucas Achirico MUSIQUE POPULAIRE ET EXTRAITS D’OEUVRESCristian Mercado, Olivier Messiaen, Hugo Lowenthal, Luzmila Carpio, I. Kapellas : interprétés par le Teatro de los Andes COSTUMESMaria Teresa Dal Pero, Soledad Ardaya, Alice Guimaraes, Giancarlo Gentilucci MACRAMÉDanuta Zarzyka SCÉNOGRAPHIEGiancarlo Gentilucci ARMURES, MASQUES, MARIONNETTESGonzalo Callejas LUMIÈRESSilvio Martini et Giampaolo Nalli ORGANISATIONGiampaolo Nalli DISTRIBUTIONLucas Achirico
Soledad Ardaya
César Brie
Gonzalo Callejas
Freddy Chipana
Maria Teresa Dal Pero
Alice Guimaraes
Jorge Jamarlli
Cristian Mercado
César Brie et le Teatro de los Andes
Exilé de l’Argentine en 1976 par la dictature des généraux, César Brie a vécu et fait du théâtre en Italie, au Danemark, puis en Pologne avant d’élire domicile en Bolivie. Il y ramène un désir profond d’installer et d’enseigner la pratique théâtrale professionnelle. En 1991, il fonde le Teatro de Los Andes, une communauté théâtrale qui s’installe dans une ferme abandonnée située près de Sucre, reconvertie en lieu de travail, d’enseignement et de création. Le groupe amène le théâtre là où se trouvent les gens : universités, quartiers, places publiques, villages, lieux de travail, communautés. Privilégiant la rencontre et le dialogue, Brie tire bénéfice de tous les métissages — de formes, de cultures, de races — que l’on retrouve toujours dans ses spectacles. Depuis sa création, El Teatro de Los Andes a créé 12 spectacles, tous en prise directe sur le climat sociopolitique du pays, qui ont circulé en Bolivie, en Amérique latine et au-delà ; la revue El tonto del pueblo (L’Idiot du village) éditée par la troupe, est distribuée dans toute l’Amérique latine. Le travail de formation entrepris par César Brie a permis l’émergence de cinq compagnies théâtrales professionnelles, de deux festivals de théâtre internationaux et d’un précieux réseau d’échanges et de collaborations entre compagnies sud-américaines.
Photos: Paolo Porto
Retour à la page des critiques FTA
par David Lefebvre
De caricatures et de sang
L'Iliade... ce récit d'Homère avait frappé mon imaginaire d'adolescent en secondaire 4, ainsi que la suite, l'Odyssée. Cette guerre mythique, entre Grecs et Troyens, pour une femme... Hélène... enlevée par Pâris (un troyen) avec l'aide d'Aphrodite. Dix ans de guerre qui ne finissait plus, jusqu'au jour où Ulysse eût la brillante idée de construire un grand cheval de bois pour donner en cadeau aux Troyens. Les Grecs se cachèrent à l'intérieur, puis quand la nuit fut noire, le massacre commença, ce qui mit fin à cette guerre.
Mais un moment de ce récit est fort intéressant : quand Agamemnon prend pour lui la belle esclave Briséis, servante d'Achille. Ce dernier ne le prend pas, et décide d'arrêter de se battre. Sans ce héros à leur côté, les Grecs perdent beaucoup d'hommes. Tétis, la mère d'Achille, et aussi déesse des eaux, implore Zeus de changer le cours des choses. Mais Patocle, ami fidèle d'Achille, mourrut au combat, ce qui réveilla le couroux d'Achille, et il partit à la recherche d'Hector, héros troyen, qui l'avait tué.*
C'est de cette partie qui est question dans La Iliada. L'interprétation du Teatro de los Andes est très moderne et rafraichissant. On sent l'inspiration sud-américaine dans le jeu, les mouvements et les chorégraphies. Il n'y a pas de décor: qu'un mur blanc (qui ne le restera pas longtemps). La musique (aussi d'inspiration sud-américaine) est interprétée par un petit groupe, caché derrière les rideaux. Le jeu est très "réaliste" au niveau des guerriers, parfois sobre, parfois fou (comme Achille). Ce sont les dieux qui sont les plus caricaturés: Zeus en habit années 30, cheveux longs attachés; Héra, sa femme, d'or vêtu et aux seins siliconés; Athéna habillée en homme (veston cravate) avec cigare, et un côté "indien" dans la danse; Tétis, mère d'Achille, tout en bleu avec des palmes aux pieds; Aphrodite tout en rose avec un boa de plume; Apollon, beau et grand homme au torse nu et cracheur de feu... bref, vous voyez le topo. Les dieux sont drôles, et manipulent les hommes comme bon leur semble. Pour ce qui est du reste, le sang gicle partout. Ils en ont sur eux, et ils repeignent à coup de crachat, de cheveux et de mains le mur blanc (voir la deuxième photo de la galerie). Ils décapitent et mutilent même des marionnettes à l'effigie des hommes. Gratuit comme violence? Non. La métaphore est facile à comprendre: tout le long de la pièce, les acteurs font référence à plusieurs moment sanglants de la Bolivie, dont en 1976, Rodolfo Walsh mourrut après avoir vu sa fille, Victoria, s'enlever la vie devant les hommes de l'armée qui l'encerclait. Ou du coup d'état sanglant mené par le général Meza en 1980. Ces métaphores arrivent surtout durant la deuxième partie du spectacle, qui est beaucoup plus triste que la première. Et ces dieux qui manipulent les hommes font sûrement référence aux dirigeants du pays et de l'extérieur.
Le spectacle nous donne des moments très drôles, de bonnes chorégraphies (dont le combat de Patocle et d'Hector à coup de petites bottes de pailles), quelques acrobaties et beaucoup de sang. Le message (politique) est clair: voyez, par l'entremise d'un récit vieux de plusieurs miliers d'années, ce que nous avons subi. Rare sont les bonnes pièces avec autant d'humour et de violence. Mais... les surtitres ne rendent pas justice au texte car ils ne font qu'expliquer ce qui se passe sur la scène au lieu de traduire ce que les acteurs disent. Pour ceux et celles qui ne parlent pas l'espagnol (comme moi, même si j'ai compris certains bouts, l'espagnol ressemble parfois au français), il est difficile d'apprécier à son maximum le spectacle qui nous est présenté. Par contre, avec un grand plaisir, certains comédiens glissent ici et là quelques répliques en français...
*Pour votre information, un film américain est en plein tournage de ce récit, avec comme réalisateur Wolfgang Peterson (Das Boot, The Perfect Storm), et comme acteurs Brad Pitt (Achille), Éric Bana (Hector), Orlando Bloom (Paris), Diane Kruger (Hélène)... (voir imdb pour plus de détails)