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4, 5, 6 et 7 juin
Théâtre Prospero
Anglais : 2h15
avec entracte
En partenariat avec : Playwrights’ Workshop Montreal

Théâtre du pardon
Dans les entrailles des Territoires du Nord-Ouest dormaient deux bombes atomiques, Little Boy et Fat Man. Pour raviver la mémoire des morts dispersés le long de la route de l’uranium, Marie Clements en refait le parcours symbolique. Depuis la terre de ses ancêtres, elle descend le long du fleuve Mackenzie, traverse les États-Unis et rejoint Hiroshima. Surgissent de l’ombre des personnages dont elle imagine et croise les destins entre 1880 et 1945, dégageant peu à peu la trame aveugle sur laquelle ils viendront percuter. Au centre d’un dispositif de ritualisation, une mine autour de laquelle les histoires se dévident en cercles, en lignes brisées. Sur cette large étendue de terre battue, striée par la lumière et éventrée par les bruits de la guerre et du progrès, des âmes errantes dessinent les motifs d’une symphonie du pardon.

TEXTE
  Marie Clements
DRAMATURGE
  Paula Danckert
MISE EN SCÈNE
  Peter Hinton
SCÉNOGRAPHIE
  Andreas Kahre
LUMIÈRES
  John Webber
COSTUMES
  Barbara Clayden
CONCEPTION SONORE
  Noah Drew
ACCESSOIRES
  Erinne Drake
DIRECTEUR TECHNIQUE
  Ken Hollands
RÉGIE
  Galia Goodwin
ASSISTANCE À LA RÉGIE
  Brandy Hanuse Corlett
PRODUCTEUR
  Norman Armour
   
DISTRIBUTION
 
   
Little Boy
  Koonis Joyal-Sinclair
Brother Labine 2 / Le mineur / Stevedore
  Marcus Hondro
Koji
  Hiro Kanagawa
The Widow / la grand-mère japonaise
  Margo Kane
Brother Labine 1 / The Dene Ore Carrier / Stevedore
  Kevin Loring
Round Rose / Tokyo Rose
  Julie Tamiko Manning
Fatman / Captain Mike
  Allan Morgan
Rose
Lisa C. Ravensbergen  
Radium Painter
  Erin Wells

Marie Clements et Urban Ink Productions
L’écriture de Marie Clements est au coeur de son indéfectible engagement envers sa communauté. Chacun des spectacles qu’elle crée est le fruit d’une recherche fouillée. Les thèmes qu’elle explore sont en relation étroite avec son questionnement identitaire et sa réappropriation culturelle ; sa voix part de l’intime et porte loin. Avec doigté, elle allie l’art du conteur amérindien à de dynamiques procédés théâtraux, voire aux technologies multimédia afin de redonner vie aux mythes anciens ou, comme dans Burning Vision, rectifier la mémoire collective jamais consignée dans les registres de l’histoire.

Très active sur les scènes d’Amérique du Nord, Marie Clements, installée à Vancouver, a écrit et publié bon nombre de textes, dont plusieurs primés (Urban Tattoo, présenté en 2001 au FTA, An Age of Iron, The Unnatural and Accidental Women). Récemment très présente à Montréal, elle était de passage au Playwrights’ Workshop comme artiste en résidence; elle a également travaillé à l’École nationale de théâtre avec les étudiants en écriture dramatique. Elle termine actuellement Copper Thunderbird qui a fait l’objet d’une lecture publique, dirigée par Yves Sioui Durand et présentée à la 3e Rencontre nationale des théâtres autochtones, en collaboration avec le Festival de théâtre des Amériques 2001. La compagnie qu’elle a créée en 2001, Urban Ink, se consacre à la création et au développement de l’art contemporain autochtone sous toutes ses formes — théâtre, danse, musique, cinéma et vidéo — en privilégiant une approche interdisciplinaire et multiculturelle.

 

Photos Burning Vision: Tim Matheson

par David Lefebvre

Une des facettes du théâtre qui m'émerveille le plus est cette capacité de jouer avec l'espace scénique, de modeler la scène comme bon nous semble. Pour cette pièce, Burning Vision de Marie Clements, c'est l'élément premier qui nous frappe: l'espace se partage en plusieurs points forts, comme une étoile. Les trois gradins sont montés pour se faire face, ou comme trois côtés d'un triangle. Aux trois pointes de ce triangle, se trouvent trois "scènes" : un arbre, où un pêcheur attend toujours sa grand-mère qui lui a dit qu'elle reviendrait; une vieille dame qui écoute le feu qu'elle entretient pour y entendre son mari décédé qu'elle aimait par-dessus tout et finalement, un salon avec fauteuil confortable, télé et système de son, des appareils électroniques sortis des années '50. Et l'homme qui l'habite est l'Américain typique. Au centre de la salle, un grand cercle de roches, et un éclairage qui forme la rose de vents (voir galerie d'images).

On nous accueille dans la salle avec comme fond sonore, un reportage de la CBC sur la guerre. C'est ce qui préoccupe beaucoup les personnages à ce moment: la guerre et cette fameuse bombe A qui a détruit Hiroshima et Nagasaki. Puis une immense explosion... et on se retrouve dans une mine. Deux prospecteurs cherchent du radium, denrée rare, qui, disait-on, pouvait guérir même le cancer. Une fortune à se faire! C'est alors qu'on fait connaissance avec un des prospecteurs, un pêcheur japonais, la dame amérindienne qui écoute son mari, la fille du boulanger de cet endroit des Territoires de Nord-Ouest qui veut montrer qu'elle est forte, et de cet américain qui lit son Playboy, son Times et qui regarde la télé "hi-fi". C'est le personnage le plus rigolo et le plus cru de tout le lot. L'homme sera un dummy, une marionnette, avec son sigle distinctif et son casque protecteur. Nous rencontrons Tokyo Rose aussi, cette Américaine, Japonaise de naissance, qui s'était rendu au Japon sans passeport américain et qui ne pouvait pas revenir, et qui fut accusée de trahison par les USA pour son émission de radio Zero Hour, qui, disait-on, démolissait le moral des forces armées des États-Unis (mais ceci est de l'histoire, et ne se trouve pas directement dans la pièce, pour référence voici une page du FBI sur Tokyo Rose - http://www.fbi.gov/libref/historic/famcases/rose/rose.htm (en anglais). Ces âmes errantes, que nous découvrons tour à tour, se situent entre 1880 et 1945.

La première partie est consacrée à ses personnages, à bien les encrer dans l'histoire sans décor réel sauf ces roches. Elle se passe sous le thème de l'appartenance. Au pays, à quelqu'un. Une recherche de soi, d'un autre qu'on a perdu. Puis, la deuxième nous apporte le grand coup : la guerre frappe vraiment, on retrouve la poussière de la mine de radium partout, on découvre qu'elle est nocive, radioactive et mortelle. Des images fortes de la maladie happent notre imagination, par cette femme blonde qui parle très peu et qui reste dans la mine avec le prospecteur. C'est l'acceptation, il faut supporter, se battre. Il n'y a pas d'espoir sans destruction.

Les enchainement entre chaque personnage (ou petites scènes) sont excellents, rapides et efficaces. La qualité sonore est fort intéressante (on entend souvent un espèce d'écho de caverne, ou de mine, et les explosions sont tonitruantes). Le texte est riche, très bien écrit (surtout les passages du dummy américain vallent le détour). Même si la pièce n'avait pas de sur-titres, il fut quand même aisé de bien comprendre le texte, tout en anglais. Une excellente pièce, qui reste relativement simpliste, du Canada anglais, qui nous pousse à vouloir en découvrir davantage.