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Du 4 au 15 décembre 2010
JazJaz
Texte de Koffi Kwahulé
Mise en scène Kristian Frédric
Avec Amélie Chérubin-Soulières

Elle s'appelle Jaz, simplement Jaz. Elle vient témoigner de son destin de prisonnière du monde. Soumise à la vigilance des machines, aux interrogatoires, aux stimulations sonores et sensorielles, elle tente encore de se souvenir et de se révolter. Serait-elle la dernière représentante de notre humanité ?

Dans un univers aussi pictural que cinématographique, le spectateur est plongé dans un monde parallèle où tous ses sens sont mis en éveil. Avec Jaz, Kristian Frédric atteint une nouvelle dimension dans la mixité des arts de la scène, de la vidéo et du son. Avec un dispositif scénique interactif qui fait littéralement corps avec l'interprète, il s'empare ici de la langue puissante et abrupte du dramaturge ivoirien Koffi Kwahulé, avec lequel il a déjà collaboré pour l'inoubliable Big Shoot qui avait fait salle comble à l'USINE C en 2007.

Chorégraphies : Laurence Levasseur
Décor et costumes : Kristian Frédric
Conception de la robotique et de la vidéo Simon Laroche
Conception de la vidéo et réalisaiton des tournages Christian Pomerleau
Conception de l'éclairage : Nicolas Descôteaux
Conception sonore : Michel Robidoux
Direction technique et de production : Éric Lapointe

Créé avec le soutien du Conseil régional d’Aquitaine Direction culture + du ministère de la Culture et de la Communication – Dicréam + de l’aide à la résidence du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques + du ministères des Affaires étrangères - Cultures Frances + de la Commission internationale de théâtre francophone (CITF) + de la Commission permanente de coopération franco-québécoise + du Consulat général de France à Québec + du ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine du Québec + du ministère des Relations internationales du Québec (MRI) + de la Direction régionale des affaires culturelles d’Aquitaine

Une production de Compagnie Lézards Qui Bougent - les Hauts de Bayonne + de la Compagnie de théâtre Les Deux Mondes

En coproduction avec la Scène nationale de Bayonne - Sud-Aquitain + le Théâtre À Châtillon + le Théâtre Georges-Leygues + l’USINE C + L’Espace Nuithonie + L’Oriental – Vevey + le Théâtre Toursky + L’Office Artistique de la Région Aquitaine – OARA (France)

Présenté en codiffusion avec L'Usine C

Pour plus d'information
À lire - trois articles de la jeune étudiante en théâtre Angélique Bailleul, publiés sur africultures.com.

Théâtre des Deux Mondes

7285 rue Chabot (métro Fabre)
Billetterie : 514 521 4493

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 Critique
Critique
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par Olivier Dumas


Crédit photo : Nicolas Descoteaux

En 2005, l’association entre le metteur en scène français Kristian Frédéric et l’auteur d’origine ivoirienne Koffi Kwahulé avait frappé un grand coup avec Big Shoot. Créé à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier et repris par la suite, entre autres, à l’Usine C, ce spectacle était tout simplement remarquable par son osmose entre un texte puissant et une mise en scène prodigieuse. Leur nouvelle collaboration, un solo de soixante minutes intitulé Jaz, qui sans être d’une intensité aussi vertigineuse, constitue un très fort moment théâtral.

Présentée au Théâtre des Deux Mondes près du métro Fabre, cette création mondiale est en coproduction avec la compagnie française Les lézards qui bougent. Cette rencontre interculturelle entre le Québec, l’Afrique et l’Europe transcende largement les stéréotypes ou les discours préconçus pour ce genre de spectacle par son apport technologique représentant un monde futuriste hypersophistiqué. Avec une plate-forme hydraulique et ses nombreux écrans, le plateau ressemble beaucoup à l’univers de The Matrix des frères Wachowski.    

Le récit met en scène une jeune femme qui vient nous révéler la tragédie d’une dénommée Jaz. Pendant une heure, elle vient témoigner, ou plutôt crier son impuissance dans un monde de barbares. Soumise à la vigilance des machines, aux interrogatoires, aux stimulations sonores et sensorielles, elle tente encore de se révolter dans une nuit sombre qui ne laisse aucun espoir de rédemption.

La principale réussite de cette expérience théâtrale demeure le texte. Rythmée, syncopée, l’écriture de Koffi Kwahulé s’imprègne du meilleur du théâtre contemporain, c’est-à-dire cette capacité de raconter l’intolérable avec une économie de mots qui accentue le malaise. L’auteur explore les gouffres et décarcasse les idéologies consensuelles pour exposer une société totalitaire qui a abattu toute espérance de fraternité humaine. Dans Jaz notamment, la présentation du viol frappe l’imaginaire par sa précision chirurgicale qui évite heureusement toute trace de moralisme ou de pathétisme.

Seule en scène, Amélie Chérubin-Soulières livre une performance remarquable et athlétique. Charnelle et animale, la comédienne s’imprègne avec abandon des effroyables tragédies d’une femme bafouée dans sa dignité humaine, dernière résistante de tendresse et d’empathie d’un monde atomisé. Son monologue n’est pas sans évoquer le protagoniste de La nuit juste avant les forêts de Bernard-Marie Koltès par son témoignage fondamental contre la solitude.


Crédit photo : Nicolas Descoteaux

Imprégnée de références cinématographiques et picturales, la mise en scène Kristian Frédéric rend bien le déséquilibre entre la vulnérabilité de l’individu et son environnement désincarné. La scénographie, conçue par Frédric, aidé à la robotique et à la vidéo par Simon Laroche, se révèle imposante, trop par moment. La machine enterre parfois la parole de l’actrice qui doit compenser en cris lors de passages plus introspectifs. La plume de Kwahulé révèle un art de la nuance exigeant un dosage parfait entre rage et chuchotement. La dernière demi-heure gagne beaucoup en intensité dans ces moments les plus dépouillés.

Il serait injuste de passer sous silence la qualité impressionnante de la conception sonore de Michel Robidoux et le travail du vidéaste Yves Dubé qui exposent avec une grande maîtrise technologique cet univers en pleine hécatombe.

Fusion de multiples talents, Jaz dévoile donc avec fracas que l’art constitue une illumination entre deux zones de ténèbres de la libération de l’angoisse, pour reprendre la pensée de l’écrivain autrichien Hermann Broch. Pour le public québécois, il est à souhaiter que surgissent d’autres rencontres entre Kristian Frédéric et Koffi Kwahulé dans un futur rapproché.

11-12-2010

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