Du 16 septembre au 3 octobre 2009
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La campagneLa campagne

Texte Martin Crimp
Traduction Philippe Djian
Mise en scène Sébastien Dodge
Avec Anne Sophie da Silva, Ansia Wilscam Desjardins, Jean-Pierre Gonthier

Un homme, sa femme, une maison de campagne paisible... jusqu'à ce qu'un soir, il ramène une jeune femme inconsciente. Une pièce telle une partie de roche, papier, ciseaux où la parole est à la fois arme et armure, chacun cherchant à se cacher derrière le double sens des mots, évitant sa propre déchéance.

Ce texte de Martin Crimp, traduit par Philippe Dijan, se déroule comme une partie de Roche- Papier-Ciseaux à laquelle personne ne gagne. Chaque scène est une joute entre deux
personnages, un duel où s’affrontent deux éléments. L’auteur britannique de renommée internationale y dépeint le portrait d’une société en décadence. Nous avons pu découvrir l’oeuvre de Martin Crimp à Montréal en 2005 au Théâtre PàP avec Le Traitement dans une mise en scène de Claude Poissant. Suite à son grand succès, la pièce fut reprise en 2007 à L’Espace Go.

Pour sa toute première production, le Théâtre Double Essence veut aborder le sujet délicat du mensonge et de la trahison, de l'inventive mauvaise foi et des multiples mécanismes que nous arrivons à produire pour éviter une réelle communication.

Assistance à la mise en scène et régie Caroline Briand
Scénographie et costumes Julie Emery
Éclairages Maxime da Silva
Conception sonore Martin Bédard

Du mardi au samedi à 20h, sauf 26 sept. et 3 oct. à 16h

Carte Premières
Date Premières : du 16 au 24 septembre 2009
Régulier 20$
Carte premières : 10$

Une production Théâtre Double Essence

Espace Geordie
4001 rue Berri
Billetterie : (514) 596-2142

par Aurélie Olivier

Richard, médecin, et sa femme Corinne ont fui la ville pour s’installer à la campagne, un changement d’environnement supposé leur être bénéfique. Un soir, Richard ramène chez lui une jeune femme inconsciente, Rebecca, qu'il prétend avoir trouvée sur le bord de la route. Très vite, le soupçon s'installe, et les dialogues prennent la forme d’un duel, pleins d’une animosité d’abord polie, contenue, mais qui finira par éclater.

Ce qui nous saute au visage, dans cette pièce, c’est la solitude des cœurs, la désespérance des âmes. Chacun semble porter en lui mille blessures qu’il ne sait plus comment panser. L’un se réfugie dans le sarcasme, l’autre dans une inflexible rigidité, la troisième dans la drogue. Finalement, chacun est seul à bord de sa tristesse, ne parvenant jamais à établir de véritable contact avec l’autre. À coup de phrases inachevées, de chevauchements, de vaines répétitions, d’attaques verbales sournoises, Martin Crimp dresse un portrait acerbe des relations humaines. Ce qui importe ici, ce n’est pas la situation dramatique, mais son traitement, oppressant, hypnotique. La violence sous-jacente des échanges apparaît par bribes; la narration joue avec notre compréhension, brouille les pistes. On en sort secoué, se jurant que jamais au grand jamais on ne se laissera dévorer comme eux par l’amertume.

Pour rendre cette incommunicabilité qui existe entre les époux autant qu’entre les amants, Sébastien Dodge, que l’on connaît jusqu’à présent comme acteur plus que comme metteur en scène,  a choisi de laisser toute la place aux mots. Le plus souvent assise sur une chaise face au public, l’épouse (Anne-Sophie Da Silva) ne jette que de très rares regards sur un mari qui l’a si souvent trahie qu’elle en est venue à le mépriser et à se haïr elle-même. Rigide, hallucinée, elle parvient à traduire la folie sournoise qui habite cette femme, et ce, malgré une voix qui gagnerait à être posée. Jean-Pierre Gonthier, dans le rôle du mari, affiche une décontraction affectée (parfois un peu trop grimaçante), feignant de ne pas se laisser ébranler par les attaques qui fusent, affichant une force qu’il n’a pas et laissant sa faiblesse transparaître dans ses erreurs médicales, ses mensonges, ses addictions. Enfin, Ansia Wilscam-Desjardins incarne une Rebecca perdue, qui ne fait plus confiance à personne, usant de toutes les armes à sa disposition, tantôt fuyante, tantôt charnelle. L’ambiance générale est cauchemardesque, avec des éclairages de côté qui multiplient les zones d’ombre, et un décor géométrique évoquant le triangle amoureux. Ce qui nous manque toutefois, c’est un moment pour reprendre notre souffle. Trop de tension, trop de cris, on regrette que Dodge n’ait pas ménagé plus d’espace aux pauses ou changements de ton. Par ailleurs, la bande sonore est un poil trop « illustrative » et convenue. Le texte est en lui-même si plein de tensions qu’on n’avait guère besoin d’en rajouter. Il reste que cette production du Théâtre Double Essence est une belle réussite et qu’elle vaut le détour.

23-09-2009

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