Du 7 au 21 décembre 2008*

Moeurs en série

Texte de Sébastien Guindon
Mise en scène de Normand Lafleur
Avec Annick Beaulne, Martin Boileau, Michel Borduas, Normand Poirier, Marie-Claude St-Laurent, Andrew Shaver, Nicole-Marie Rhéault et Marie-Eve Trudel

Un compositeur de musique porno en panne d’inspiration. Une mourante qui recherche le 7ième ciel. Un clown recyclé en gigolo. Des adolescentes à la recherche du virtuel prince charmant… Tout un foisonnement de rencontres et de situations sur un thème glissant: la vie sexuelle de ces charmantes petites bêtes que nous sommes, nous les humains. Un cabaret festif, musical et bouffonesque!

Moeurs en série explore les méandres de notre sexualité contemporaine sur fond de web 2.0 et de solitude humaine. Présenté sur la scène d’un cabaret, les créateurs apprivoisent un genre théâtral fort amusant: le bouffon. Grotesques, vilains, subversifs, les bouffons de Moeurs en série pataugent dans cette mer de vices qui nous entoure. Et s’y amusent ferme!

par Mélanie Viau

Grossiers, vulgaires, grivois, les bouffons sont sans doute les plus grands maîtres de la dérision, tournant en ridicule les travers psychiques et les comportements tordus de la société pour en faire un divertissement hilarant, mais aussi, pour faire exploser, au grand jour, le vice que l’on étouffe, que l’on range dans le coffre scellé du tabou. Et parmi tous ces méandres qui nous coincent et nous déroutent, le sexe cru a la cote. Un sujet chaud, très chaud, ouvrant sur tous les délires permis dont Sébastien Guindon, auteur du texte subversif et incisif Mœurs en série, a su user de force pour dépeindre l’hypersexualité qui gouverne la dynamique sociale actuelle. Sous la forme d’un cabaret festif aux couleurs carnavalesques, cette nouvelle production du très singulier théâtre Orbite Gauche prend littéralement possession du Balcon Café-Théâtre pour offrir au public une soirée susceptible de décoiffer les esprits les plus rigides ! Les trop sensibles et trop émotifs sont prévenus : le rire est une arme très performante pour attaquer de front les horreurs et autres fantaisies de la bassesse humaine. Et si jamais vous ressentez un je-ne-sais-quoi de familier dans ce programme lubrique… ne soyez donc pas dramatiques et avouez que ça fait du bien de rire de soi !

En metteur en scène qui n’a pas froid aux yeux, Normand Lafleur s’est entouré d’une bande de comédiens prêts à exécuter les pires pitreries pour faire passer les idées que le texte revendique avec audace. Dès les premières secondes du spectacle, nous avons droit, ce qui donnera le ton de la soirée, à des cris bestiaux et orgasmiques lancés par une parade de bouffons costumés de la manière la plus grotesque (félicitation à l’équipe de Rachèle Gemme, Marie-Noëlle Klis et Patrice Charbonneault-Brunelle pour avoir conçu et créé des objets aussi farfelus et aussi suggestifs !). Dans une chorégraphie totalement débridée, le mouvement de cette masse orgiaque va de la scène principale (et si petite) à la scène vouée aux stripteases (sans nudité), en passant par le bar, le tout en titubant et en bousculant les spectateurs, les tables, les verres... (attention à vos consommations !). L’ambiance est véritablement électrique et tient le coup tout au long du spectacle qui s’étire sur plus de deux heures. Un peu épuisant certes, mais les personnages qu’on y rencontre valent largement l’endurance des terribles couinements incessants.

Car oui, la plus grande originalité de cette création saugrenue (et somme toute, très pertinente !) réside dans la constellation de personnages marginaux (tant que ça ?), victimes de leur innocence et de ce rêve lointain qu’ils partagent tous : trouver un sens dans leur désuète existence vécue sans passion ni amour. En quatre tableaux, nous retrouvons un compositeur de musique porno (composition originale de Michel Borduas) qui aimerait bien que son disque Les chemins de la déroute connaisse un meilleur succès que la trame sonore de Poupoune Party, un réalisateur cachant à sa vieille mère son véritable métier jusqu’à ce que celle-ci lui demande une dernière escorte pour un dernier frisson, deux gamines de quatorze ans prêtes à exercer leurs talents précoces sur un clown au bord de la dépression, un porn star énergisé au V8… L’industrie du vêtement sexy pour tous les âges et la sexualité romantique vue sur Web Cam s’ajoutent à l’univers redlight et du coup, on voit toute une société prendre forme, et elle ne nous est pas aussi étrangère qu’elle en a l’air. Évidemment, nous n’avons pas besoin d’un chœur de petits phallus en chiffon pour nous le faire réaliser, mais encore là, ça fait bien rigoler.

À voir entre amis, entre collègues, en couple bref, c’est à voir !

11-12-2008