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Du 21 novembre au 8 décembre 2007

Mademoiselle Julie

Texte : August Strinberg
Mise en scène : Anne Maude Fleury
Avec : Sophie Desmarais, Patrick Boyer-Poulin et Anne Maude Fleury

La veille de la Saint-Jean, le père de Julie, monsieur le comte, s’absente pour la soirée. Cependant, sa fille Julie décide de ne pas l’accompagner et d’honorer le bal des domestiques de sa présence et d’ignorer les convenances. La cuisinière, Christine demande à Jean d’être son cavalier mais la présence de Julie ne fait que retarder leur entretien. Christine finira par s’endormir dans un coin et Mademoiselle Julie se retrouvera seule en compagnie de Jean.

Décors : Roxane Lessard
Musique : Alexandre Leclerc
Costumes : Émylie Manseau
Accessoires : Mathieu Cléroux
Direction de production : Mathieu Cléroux

Une présentation d'Artemage Productions

Du 21 novembre au 8 décembre 2007 à 20 h 30
Régulier: 21,19$
Étudiant: 18,91$

Monument-National (La Balustrade)
1182, boul. Saint-Laurent
Tél. (514) 871-9883

 

 

par Mélanie Viau

“On ne verra jamais une femme se frayer un chemin grâce à ses propres capacités. »
 - August Strindberg

En cette nuit festive de la Saint-Jean, Mademoiselle Julie, fille unique du Comte, fait intrusion chez Jean et Kristin, les domestiques de la famille, histoire de s’amuser en profitant de son pouvoir de femme et de Maîtresse pour faire tourner la tête de Jean, le temps d’une danse. Grave erreur, puisque la présence de Mademoiselle en ces lieux de la classe inférieure donnera cours à un jeu extrêmement dangereux qui compromettra la dignité de sa race, en plus de mener la demoiselle aux confins d’une crise de panique sur l’affrontement des sexes dans une Scandinavie patriarcale du début du siècle dernier. La lutte est féroce : Jean est beau parleur, Jean est rusé, Jean est un homme… et Mademoiselle chute, se relève, forte, chute encore, et par une affreuse tournure des événements de la nuit, se fait responsable de l’acte définitif qui poserait verdict sur le gagnant de ce terrible affrontement… Lutte de pouvoir, ascension et déchéance, liberté et emprisonnement psychique, espoirs et mensonges, désirs plus forts que la raison, la pièce Mademoiselle Julie de August Strindberg, grand misogyne et père de l’expressionnisme en littérature, nous emmène au cœur de l’ultime combat entre Éros et Thanatos, entre les pulsions de vie et les pulsions de mort. Ce combat, qui demeure encore très actuel, s’étale en force dans le théâtre psychique de la toute jeune compagnie Artemage. Un spectacle où le pathos se fait maître de scène.

Saluons l’illustre travail rythmique de la mise en scène (Anne Maude Fleury), témoignant ici d’une lecture très juste de cette pièce singulièrement étourdissante quant à l’ambivalence émotive des personnages dominants-dominés. Toutefois, le manque de nuances et de subtilités dans les multiples modulations du sous-texte en vient à recevoir le tout dans un certain premier degré qui fige la lecture et offre le conflit sous un angle trop bien déterminé (la victoire est-elle si garante d’un côté plus que de l’autre ?). Mademoiselle Julie (Sophie Desmarais), droite, dictatrice, omnipotente, puis hystérique, larmoyante, en proie à une surdose de cris et de spasmes nerveux, se montre comme la faiblesse même, la déchéance sans équivoque, la victime par excellence. Le personnage de Jean (Patrick Boyer-Poulin) se pose comme une plus grande énigme, à savoir où démystifier la mesquinerie dans ses propos si habiles, sa peur intense contenue dans son plan d’ascension, sa chute éventuelle cachée dans ses moindres gestes. Ensemble, les deux acteurs principaux arrivent à nous plonger solidement dans l’enjeu par leur présence totalement incarnée, jouant de la tension fébrile et constante en marquant des regards et des silences qui en disant souvent plus que le texte lui-même, texte qui, malheureusement, se perd quelquefois avant d’atteindre notre esprit, par faute de rapidité soudaine, par élans vifs d’émotion plus ou moins calculés. N’empêche, nous avons droit à une généreuse performance.

Des bijoux de scénographie servent à ramener le drame dans son contexte originel : costumes à la mode de l’époque (félicitations à Émylie Manseau !) et décor tout aussi bien repérable dans le temps par Roxane Lessard. Solides et incontestablement efficaces.

Mademoiselle Julie, un bel hommage à la poésie dure et cinglante d’un homme pour qui le patriarcat était l’idéologie maîtresse. Une reconsidération de l’anthropologie sociale occidentale qui ne manquera pas de bousculer les points de vue !

23-11-2007