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Du 22 janvier au 16 février 2008

Le Fou de Dieu

Texte : Stéphane Brulotte
Mise en scène : Marc Béland
Direction artistique : Dominic Champagne
Avec Benoît McGinnis, Jacques Baril, Julie Castonguay et Lise Roy

Le Fou de Dieu met en scène François, un adolescent perturbé qui se voit hanter par François d’Assise au point où il s’imagine en être la réincarnation. Véritable rêve qui basculera vers le cauchemar et le fera sombrer au plus creux de la folie, Le Fou de Dieu pose un regard sombre sur notre société. Empreint d’un lyrisme exalté, ce premier texte de Stéphane Brulotte à l’inspiration délirante explore le mysticisme et son reflet : la schizophrénie. Le Fou de Dieu, un rendez-vous avec un personnage plus grand que nature, là où s’entremêlent réalité et folie. Un texte troublant et délirant!

Scénographie : Jonas V. Bouchard
Costumes : Geneviève Lizotte
Éclairages : Nicolas Ricard
Musique originale : Michel Smith
Assistance à la mise en scène et régie : Nathalie Godbout
Direction technique : Guy-Alexandre Morand

Une création du Théâtre Il va sans dire

Cinquième salle de la Place des Arts
175, rue Sainte-Catherine Ouest
514-842-2112 ou 1-866-842-2112

 

par David Lefebvre

La chute de l'ange, ou renoncer au monde pour le changer

Le moins que l'on puisse dire, en sortant de la Cinquième Salle de la Place des Arts, c'est que Benoît McGinnis prouve encore ici hors de tout doute qu'il est l'un des meilleurs acteurs de sa génération. Il prête tout son corps et son talent à François Bernardin, perdu dans son monde, sur un toit du centre-ville. Alors que le négociateur monte pour discuter avec lui - question d'éviter le pire, après la chute fatale que la mère du jeune homme a effectuée - on apprend que François a été un prodige d'escrime et qu'il a flanché au sommet de sa gloire. Poussé par un père entrepreneur, protégé par une mère présente, son cerveau a dérapé. Il passe alors du combat sportif à la lutte humanitaire contre la pauvreté. Il jeûne même durant 40 jours devant le Parlement pour discuter d'un traité avec le Premier Ministre. Plongeant plus profondément dans sa schizophrénie, ne côtoyant maintenant plus que des pigeons, il se prend doucement pour le Petit Pauvre, surnom que l'on donnait à Saint François d'Assise. Sa vie et celle de Saint François se juxtaposent dans sa tête, jusqu'à penser qu'il est peut-être un prophète, que Dieu lui parle directement, un peu comme à Jeanne d'Arc. Alors qu'il évite tous les trucs du policier (interprété par Jacques Baril), qui, lui, tente de comprendre comment un jeune homme aussi prometteur peut se retrouver aussi loin dans son délire, la discussion s'approfondit pour mélanger mysticisme, folie et regard pessimiste sur l'humanité.

Stéphane Brulotte signe un premier texte intense, sombre, mais parfois confus. Pour mieux comprendre l'ampleur des dégâts et la vie de François, en plus du discours dans lequel se mêlent réalité et extraits de l'histoire de Saint François d'Assise, le jeune prodige nous invite dans son monde intérieur, nébuleux, à mi-chemin entre le flash-back et l'hallucination. Rêveur prisonnier de ses propres fantasmes, il est pourtant un être de lumière prêt à tout subir, prêt à tout donner pour faire élever la voix du Dieu qui le guide, alors que pourtant, tout autour, on n'y croit pas ou on s'en fout. C'est l'homme simple face à son créateur. Est-ce que l'on doit sauver quelqu'un qui croît racheter le monde en se sacrifiant? Est-ce que les voix qu'il entend sont un rapprochement entre sa personne et sa spiritualité, ou une maladie mentale? Quelle est la fragile frontière entre l'illumination et la folie? Comment trouver la vérité, et la dissocier de celles des autres? Ces pensées ne sont que quelques questions soulevées lors du spectacle.

Vendu par le directeur artistique de la compagnie qui produit le spectacle, le célèbre Dominic Champagne, comme un «show d'acteurs», il fallait un metteur en scène inspiré et inspirant pour donner le bon souffle au projet. Marc Béland a été pressenti immédiatement pour le rôle, lui qui a interprété sur scène des personnages semblables. La communion entre Béland et François s'est rapidement faite, et ça se sent. La direction d'acteur est calculée, précise, très physique, et laisse passer des émotions difficiles, souvent brutes et sans merci. Sans artifice, on se contente de rester sur le toit, haut perché, conçu habilement par Jonas V. Bouchard, et de voyager dans la quête d'absolu de François, désireux de changer le monde. Les éclairages, de Nicolas Ricard, viennent appuyer avec force les flash-back et les instants de grâce des différents personnages. L'ambiance sonore et la musique de Michel Smith sont mystérieuses, donnant un certain suspense au récit. Autre Benoît McGinnis qui nous offre une performance incandescente, trop souvent le pied dans le vide, et Jacques Baril, qui interprète le policier avec justesse, seul point d'ancrage possible dans la réalité pour François, on retrouve sur scène Julie Castonguay et Lise Roy, qui incarne, entre autres, la mère du jeune homme.

Le fou de Dieu nous propose un moment privilégié avec le théâtre du délire, de l'illusion de la pureté et de la spirituelle schizophrénique. La liberté d'être fou, comme le disait l'auteur...

25-01-2008