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Du 30 octobre au 17 novembre 2007
mardi au samedi à 20h

Alpha du Centaure

Texte et mise en scène de Sébastien Guindon
Avec Annick Beaulne, Michel Bordua, Annie Girard, Normand Lafleur, Benoît Landry, Anne Paquet, Bruno Piccolo, Natasha Poirier, Catherine Ruel

En 2143, Alia Caran accepte une mission de non-retour : trouver un monde habitable sur l’une des planètes gravitant dans le système d’Alpha du Centaure. Cependant, elle doit emmagasiner l’essentiel du savoir du monde dans sa mémoire et doit abandonner tout souvenir. Un sacrifice qui s’avérera plus difficile que prévu…

Fondée en 2001, Orbite Gauche est une compagnie théâtrale qui explore la création à travers la recherche et l’expérimentation des genres, intégrant sur son passage différents arts de la scène dans un esprit ludique, festif et humaniste.

Assistance mise en scène Claudia Couture
Scénographie Fanny Bisaillon-Gendron
Composition et direction musicale Natasha Poirier
Costumes Catherine Tousignant
Éclairages et direction technique Audrey Desserres
Direction de production Catherine Vallée-Grégoire
Photographie Christian Quesnel

Une création de Orbite Gauche

PÉRIODE PREMIÈRES
30 octobre au 3 novembre
régulier 20 $
carte premières 10 $

Union Française
429, rue Viger Est
Billetterie :514 606 5116

 

par David Lefebvre

Anticiper le futur, voilà un défi fort intéressant que l’auteur et metteur en scène Sébastien Guindon tente de relever avec son récit Alpha du Centaure. Pour les novices en astronomie, disons qu’Alpha du Centaure, ou Alpha Centauri, ou encore Rigel Kentaurus (le pied du Centaure, en arabe), est un système composé de trois étoiles de la constellation du Centaure, que l’on peut voir de l’hémisphère sud de la Terre, tout près de la Croix du Sud. D’un point de vue scientifique, cette constellation pourrait détenir les meilleures possibilités d’abriter la vie extra-terrestre. On la surveille étroitement, de plus que l’une de ses étoiles n’est qu’à 4 années-lumière de la Terre.

Imaginons maintenant notre bonne vieille Terre en l’an 2243. La cité d’Antiopolis, comptant une population dépassant les 350 millions d’habitants, résiste tant bien que mal aux flots d’une mer déchaînée et aux ouragans. La planète est rationnée, on surveille sans cesse les conditions climatiques, l’environnement est devenu l’un des pires dangers pour l’homme. L’une des membres du comité scientifique, Alia Caran, prépare la cinquième mission spatiale habitée en direction d’Alpha du Centaure. C’est qu’ils ont perdu contact avec Terra Maris I, II, III et IV. Le temps est compté, et trouver l’élu pour cet ultime voyage sans retour, qui redonnera espoir au peuple, est une quête quasi impossible. Craintes, destinées, espérances : est-ce que ces missions sont de véritables avancées scientifiques ou ne sont-elles qu’un leurre pour donner à la population un mince espoir qu’il est possible de trouver une issue à leur misère? De plus que le frère d’Alia, Daniel, qu’elle avait promis de protéger, est recherché par les briseurs d’élite pour occuper ce poste. Elle sera déchirée entre le bien collectif et ses intérêts personnels. Elle tente aussi de percer le mystère de son mari, Franz, de plus en plus renfermé, qui donne des rations de bouffe, pour des raisons obscures, à un scientifique déchu et égocentrique nommé Andreï et à sa copine Soledad. Plus le temps avance, plus sa carrière et sa réputation sont en jeu, et plus elle sombre dans divers secrets qu’elle met au jour et plonge dans une consternation sourde et tragique.

Il est terriblement difficile de rendre crédible sur scène, sans effets spéciaux sophistiqués, un spectacle futuriste. Guindon y arrive pourtant haut la main, en utilisant et adaptant aux besoins du spectacle les principes de la tragédie grecque : le passé au secours de l’avenir.  Alpha du Centaure est un conte apocalyptique certes, mais profondément humain, épique : on y parle de sacrifices, de morts tragiques, de déchéance, d’éléments destructeurs. Mais on y aborde aussi la foi et l’espoir d’un monde meilleur. Le chœur, autre clin d’œil à la tragédie grecque, composé par la troupe et conduit par Choryphée (Natasha Poirier à la voix d’ange), est utilisé avec grande justesse et ingéniosité. Il incarne la véritable expression de la population, ses peurs, ses souffrances et ses états d’âme. Les mélodies du groupe, aux harmonies parfois riches, parfois cinglantes, qui reprennent certains thèmes précis qu’on associe rapidement à un personnage ou une situation, forment la trame sonore du spectacle.

Les comédiens nous offrent une excellente prestation. Mentionnons, entre autres, le jeu d’Annick Beaulne en Alia, brillante astrophysicienne, de Catherine Ruel en sauvage Soledad ou encore d’Annie Girard en Citoyenne Wossen, une femme sans cœur, professionnelle jusqu’au bout des ongles. Mais la révélation du spectacle est sans contredit Bruno Piccolo, dans le rôle d’Andreï, un homme cynique à souhait, qui n’a plus rien à perdre. Sa voix, basse et chaude, le ton de certaines répliques et la profondeur qu’il procure à son personnage en font un des plus savoureux de l’histoire. Il provoque à quelques reprises un rire bienvenu, allégeant l'espace d'un instant, la tragédie qui pourrait paraître lourde à certains.

Les costumes, aux teintes sombres, sont formés par la juxtaposition ou la superposition de différents tissus, linéaire pour les classes supérieures, bigarrée pour les classes inférieures. La scénographie, aux formes triangulaires et proposant trois niveaux, évoque le béton, le métal et la rouille. Même si les jeux de lumière auraient pu proposer quelques effets plus audacieux, empruntant quelques trucs aux films de science-fiction connus, ils sont définitivement peaufinés, dépassant la simple fonction de lumière d’ambiance, contribuant aux atmosphères chaudes ou froides de certaines scènes, aux sensations des personnages et des spectateurs.

L’équipe d’Orbite Gauche, qui nous avait offert il y a quelques années Chroniques et Enlèvement, séquestration et mise à mort d’un humoriste, réussit sans conteste où plusieurs auraient pu se briser les os. Spectacle sans artifices, mais aux qualités indéniables, voyage homérique aux confins de nos inquiétudes bien modernes et de nos préoccupations sociales et écologiques, Alpha du Centaure plaira définitivement aux plus rébarbatifs des spectateurs.

01-11-2007