(plus bas, galerie photos exclusive!)

Laissez-nous vous présenter l’Inspecteur Specteur, un héro moderne qui provoque les passions. Du 26 novembre au 6 décembre 2003, au Studio du Monument National, le Théâtre Émergence vous invite à venir découvrir un univers parallèle directement sorti de l’imaginaire de Ghislain Taschereau où le sordide côtoie le splendide (le candide côtoie le
stupide). Il s’agit de l’adaptation théâtrale de son roman policier: L’Inspecteur et le doigt mort, premier épisode des aventures de ce personnage flamboyant. Une trentaine de personnages vous entraîneront dans une enquête remplie de poursuites et de revirements de situations.

On a retrouvé un doigt dans une boîte aux lettres, accompagné d’une lettre adressée à l’Inspecteur Specteur et signée par un mystérieux D. L.. À qui appartient ce doigt et la victime est-elle toujours en vie ? Qui est ce cruel D. L. qui met Specteur au défi? La commandante Mandante est sur le dos de son meilleur inspecteur. Specteur trouverat-
il la force physique et mentale nécessaire à tout homme qui veut mener sa mission jusqu’au bout, à tout homme qui veut qu’on le respecte et le considère comme un homme ? Aurez-vous assez de flair, de jugement, de déduction pour découvrir qui est derrière toutes ces machinations grotesques ? Je vous conseille de ne vous fier qu’à vous-même, car qui veut le bien est parfois prêt à faire le mal pour arriver à ses fins. Alors imaginez-vous lorsqu’on cherche à faire le mal ? Venez-vous joindre à nous pour vivre une soirée de théâtre explosive. Attachez-vous bien à votre siège et préparez-vous car l’Inspecteur Specteur risque de dynamiter plus d’une de vos certitudes….

L'équipe :
Nathalie Béringhs   mise en scène
Marcelo Souhami   directeur de production, musique
Anne Maude Fleury   directrice aux commandites
Marc Latremouille   comédien
Stanislas Da Col   comédien
Isabelle de Montigny   comédienne
Alicia Lymburner   comédienne
Jean-Frangois St-Arnault   comédien
Marc Gennaoui   comédien
Mathieu Cléroux   comédien
Annick Dumais   éclairage
Amélie Montplaisir   costumes
Caroline Tremblay   maquillages
Cédric Utzmann   scénographie
David Palma   graphisme

Théâtre Émergence
Le Théâtre Émergence, organisme sans but lucratif, est une jeune compagnie qui a pour mandat de présenter des pièces de théâtre d'auteurs canadiens, afin de faire découvrir sous un angle nouveau la dramaturgie d'ici. La mise en scène de l'Inspecteur Specteur ainsi que l'adaptation théâtrale du roman de Ghislain Taschereau ont été confiées à Nathalie Béringhs, membre fondateur de la compagnie et diplômée en Art dramatique à l'Université du Québec à Montréal. En 2001, elle a fait son entrée en tant que comédienne professionnelle dans la pièce En vie de femmes, de la dramaturge Marcelle Dubois sur la scène du Théâtre Geordie ainsi que Sur le matelas de Michel Garneau au Petit Medley par la Troupe sans Prétention. Son expérience de la mise en scène l'a menée de l'univers de l'absurde à celui du poète et dramaturge québécois Claude Gauvreau par le biais d'un collage de ses textes intitulé La quête de..., présenté par le Théâtre Émergence à Zeruche, lieu d'arts en janvier et février 2003.

Vous pouvez visiter les Coups d'oeil pour avoir accès aux dossiers de MonTheatre.qc.ca sur cette pièce.

Vous pouvez visiter leur site web au http://www.specteur.com/ ou télécharger leur fond d'écran (1280x1024, 271Ko) (cliquez sur l'image)


David Lefebvre a eu la chance d'assister aux enchaînements de costumes le 19 novembre (un petit texte suivra bientôt sur l'expérience) et il a pris quelques clichés en exclusivité pour vous!

 

Voici le seul et unique Inspecteur Specteur!
(il me fait vaguement penser à quelqu'un ce mec...)

 

Voici dans l'ordre, la Commandante Mandante (qui a l'air farouche)
et Mademoiselle Zelle (qui aussi l'air farouche, mais... d'une toute autre manière...)

 

Deux clichés ici du meilleur ami de Specteur, le Curé Ré

 

Voici ici deux énergumènes... je vous laisse le soin de découvrir qui ils sont...
Et un policier, tout de jaune...

 

par David Lefebvre

Juste après la pièce, j'ai rencontré M. Taschereau pour avoir ses commentaires. Voici six extraits de l'entrevue qu'il m'a si gracieusement accordé (exclusif, en real audio streaming) :

1. (0:54 sec) Il parle de la fidélité de l'adaptation, et qu'il aurait aimé avoir le cerveau vierge pour savoir comment les autres vont voir la pièce...

2. (1:07 sec) Comment se sentait-il avant la pièce, comment a-t-il trouvé l'adaptation?

3. (0:49 sec) Lui avait-on proposé de s'impliquer (même partiellement) dans le projet?

4. (0:20 sec) Est-ce que la mise en scène au théâtre l'intéresse?

5. (0:27 sec) La religion : faut-il croire pour écrire sur le sujet?

6. (0:38 sec) Quel est l'utilité, ou comment utilise-t-on l'humour dans des récits noirs comme l'Inspecteur Specteur? (ne manquez pas le petit merci de la fin...)


Le nom de Ghislain Taschereau est connu au Québec (et par chance l'homme derrière le nom l'est tout autant). Co-scénariste de l'émission 100 limites à TQS, il fut le créateur des célèbres Yaser Arafat et Bob Binette. Puis, il anima quelques temps à la radio (CKOI) pour revenir à la SRC avec ses accolytes, les Bleu Poudres, et créer Taquinons la planète. M. Taschereau a ensuite fait de la réalisation, beaucoup de voix hors-champs, et pour ajouter encore des cordes à son arc (qui en avait déjà plusieurs) il se décide donc d'écrire quelques livres, dont les bestsellers Inspecteur Specteur, Diane la foudre et Penser c'est mourir un peu 1 et 2.

Étant un grand fan de 100 limites puis de Taquinons, j'ai pu suivre l'évolution de Ghislain Taschereau. De lire par la suite ses livres était pour moi une grande joie, je pouvais enfin pénétrer directement dans l'univers de son imaginaire. Jamais je n'aurais cru que c'était si vaste et si tordu... Il l'a dit lui-même après la pièce : «Ceux qui n'étaient pas au courant de ma folie sont maintenant rassurés». Les Inspecteur Specteur se dévorent avec un plaisir quasi malsain, et une joie toujours renouvelée. Je vous écris ici le paragraphe qui se trouve derrière le livre Inspecteur Specteur et le doigt mort (qui explique très bien le fil conducteur de la pièce), et une courte phrase qui définit bien l'écriture anecdotique de Taschereau:

C'est à Capit, la capitale de la Friande, qu'on a trouvé le doigt mort, coincé dans la trappe d'une boîte aux lettres. À qui appartient ce cure-nez? qui l'a placé là, au vu et au su de tous? Dans quel but? L'enquête ne sera pas de tout repos. Heureusement, notre héros (l'Inspecteur Specteur) a vendu son âme à Satan en échange d'un don particulier. Il est le meilleur inspecteur de police au monde. Mais son adversaire n'est pas un enfant de choeur...

«...Rue De Soulantes, les maisons endormies ronflaient, laissant échapper de petits nuages toxiques de leurs toits brûlants peuplés de chattes.»

Le livre est peuplé de jeux de mots, de tournures de phrases complètement tordues et de bas de pages plus drôles les uns que les autres. Bref, tout un défi au niveau de l'adaptation théâtral pour l'équipe du Théâtre Émergence. Maintenant que j'ai vu en entier la pièce, je peux vous dire qu'en général, c'est mission accompli.

Par les différents entretiens que nous avons eu sur ce site avec les membres de l'équipe, dont Nathalie Béringhs, celle qui a fait l'adaptation et la mise en scène, vous avez pu suivre l'évolution de la pièce, et de ce fait en apprendre plus sur la conception d'une pièce de théâtre (je remercie d'ailleurs chaleureusement toute l'équipe pour leur accueil et leur générosité). Mais revenons à nos moutons et parlons de cette pièce.

On pourrait dire dès le départ qu'il manque énormément de détails au récit par rapport au livre, comme les beuveries monstres de Specteur, les multiples engueulades avec le Commandant Mandant (qui est un homme énorme dans le livre, contrairement à la jeune femme svelte de la pièce, mais nous y reviendrons), le fameux Grand Nain (statue géante de deux cents mètres avec à l'intérieur des théâtres, des hôtels, un hôpital, des boutiques et un resto dans le nez) même si on y fait référence, les déplacements avec la Renault 5... Mais à quoi bon? Nathalie Béringhs a su cerner avec brio l'intrigue, extirper les principaux fils conducteurs du récit pour les simplifier puis rendre le texte le plus vivant possible. Malgré beaucoup de coupures, on ne perd rien de l'essentiel de l'histoire, et encore moins de la folie de Taschereau.

Par un décor simpliste (un fond de buildings à l'envers) et complexe (beaucoup d'accessoires qu'on ajoute et retire selon les scènes), on entre de plein pied dans un monde qui nous est familier (du moins pour les amateurs du genre): celui de la bd avec une touche des polars et des séries noires des années 30 à 50. Les costumes, diversifiés et très colorés, allant même jusqu'à être kitsch (la chemise rose de Specteur et les habits jaune serin des policiers) nous y plongent directement. Les couleurs viennent égayer le récit et dédramatiser le concept, qui, doit-on dire, se retrouve souvent dans la couleur rouge... La salle (studio du Monument-National) nous réserve des surprises avec ces rampes surélevées de part et d'autre et les entrées et sorties que les comédiens utilisent abondamment.

On y est allé d'aucune censure : déjà le texte était assez mordant, parfois sordide ou explicite, mais toujours rigolo (par chance, ça fait passer le tout plus facilement). Pour l'adaptation on a fait de même : tout commence avec la voix hors-champs de Spec qui engueule son patron à coup d'injures à la française. Puis un peu plus tard, pour présenter un des personnages (Mademoiselle Zelle, prostituée, pour ne pas la nommer) on a droit à une fellation figurée des plus dynamiques. Les élans sexuels ne sont pas mis de côté, au contraire, on a droit à toute une scéance d'auto-satisfaction (si vous voyez ce que je veux dire) de la part de notre déluré inspecteur. Bien sûr, tout ceci sans dépasser les limites et en restant de bon goût. On ne cherche pas à choquer ni à être pervers mais bien à ne pas avoir de limite et à faire sourire et rire.

Mathieu Cléroux incarne un Curé Ré (qui est cocaïnomane et le meilleur ami de Spec - un curé accro aux drogues dites-vous? commencez-vous à percevoir le niveau de folie de ce monde?) avec timidité et candeur, ce qui va à ravir avec le personnage. Il joue le faire-valoir avec justesse. Ses tatouages donnent un air encore plus ambigu au personnage. Isabelle de Montigny joue une Mademoiselle Zelle attachante, audacieuse, et quelques autres rôles (Général Néral, Secrétaire Crétaire, un officier, la quêteuse...) avec facilité. Marc Gennaoui incarne le singe humanoïde Toto, et je dois vous dire qu'il a des ressorts dans les jambes... et l'officier Gilbert. Marc Latrémouille incarne tour à tour Satan, D.L., Fido (le perroquet de Spec) et Mme Heuvute, patronne de Zelle. Avec son physique mince et musclé, il est parfait pour ces rôles. Jean-François St-Arnault joue Aoumess Zirpruss, un éminent scientifique en chaise roulante, avec un corps amoindri. Avec cette voix nasillarde, on y croît à ce fou furieux. Et il nous fait bien rire avec ce serveur pincé et distingué dans le nez du Nain Géant... Alicia Lymburner joue une Commandante Mandante à des années lumières du personnage décrit dans le livre (qui comme je le disais, est un homme énorme et dégueulasse). On a droit ici à une Commandante Mandante assez jolie disons-le, mince et habillée très classique, mais qui joue ce personnage de goinfre, avec une voix plus grave, quelques grimaces et un accent beaucoup plus prononcé (québécois) que les autres personnages. Finalement, on est passé du dégoûtant Mandant pour arriver avec une Mandante mince mais sèche (dans le sens de frustrée au plus haut point...). On ne peut oublier son interprétation de Madeleine, une masseuse très exotique... Mais je dois dire que Stanislas Da Col fait un Specteur incroyable. Il s'amuse comme un fou dans la peau de cet Inspecteur, avec cette voix empruntée aux films noirs, du style doublés par les Français. Avec des mimiques à faire rire (dont ses pirouettes pour parler au public de tel ou tel indice) Da Col à su se démarquer par une bonne improvisation le soir de la première. S'inspirant de certaines caractéristiques de jeux enfantins, il reproduit par sa bouche les sons de son fameux revolver de calibre .666 et s'amuse comme un fou avec les sons de son cellulaire. Mais il faut quand même entrer dans l'univers complètement absurde de cette pièce pour s'amuser et rire franchement.

Bien sûr, comme à toute première, il y a eu quelques problèmes, qui se règleront avec le temps. Par exemple, la projection des voix des acteurs, surtout au début, n'est pas assez forte. On manque quelques mots, et comme l'intrigue ici est assez difficile à cerner et qu'on nage dans l'absurde, il est important de tout comprendre dès le début. Puis, comme on visite énormément d'endroits durant la pièce, il y a beaucoup de «noirs» (blacks) entre chaque scène pour permettre aux techniciens-comédiens de placer les accessoires. Mais le rythme des changements est trop lent et brise souvent la dynamique que les comédiens avaient instauré. Mais ceci est dû au fait que c'était la première, et qu'avec quelques soirs dans le corps, ils auront bien habité l'espace de jeu et les changements seront de ce fait accélérés. Un peu de musique jazzy comme il y en a parfois durant le spectacle ne ferait pas de tort lors de certains changements plus long, pour remplir l'espace sonore resté vide.

Au niveau des éclairages, il n'est ni trop simple, ni complexe pour rien : les lumières contribuent à savoir où nous sommes. Par contre, lors de la scène avec Zelle dans le frigo, l'effet «accessoire mis en lumière» (le lit) et la fumée donne une très belle image. Même chose par la suite dans les labos : les éclairages deviennent plus stylisés.

Par une folie certaine, une sexualité débridée, beaucoup de blagues visuels, un jeu avec le public (subtil ou non), par l'exploitation de la salle au maximum (par les rampes, les escaliers des gradins, les coulisses...) et l'humour absurde, L'Inspecteur Specteur et le doigt mort est une pièce à voir, pour rire, et pour découvrir l'univers de Ghislain Taschereau. J'ai fait le test : j'ai amené au théâtre mon frère de 19 ans qui n'avait jamais vu de pièce de sa vie : il a adoré. Que pourrais-je ajouter de plus?