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Du 25 septembre au 13 octobre 2007

Moitié-moitié

Texte Daniel Keene (Australie)
Traduction : Séverine Magois
Mise en scène : Kristian Frédric
Avec : Cédric Dorier et Denis Lavalou

Cela se passe dans la cuisine d’une maison de banlieue. Deux hommes se retrouvent après dix années d’absence. Deux demi-frères qui ont 20 ans de différence. L’aîné est parti. Sans explication. Il revient – sans explication – se réapproprie le territoire. Ambiguïté. Tension. Amour. Haine. Des questions sont posées, des réponses dérapent. La désinvolture apparente, c’est l’arbre qui cache la forêt. Qui sont-ils vraiment l’un pour l’autre? Que s’est-il passé? Comment vont-ils réapprendre à communiquer entre eux ?… Des mots furtifs, des répliques courtes, rythmiques sonores – et l’humour, souvent, comme un aveu d’impuissance. La traduction de Séverine Magois transcrit magnifiquement toute la musicalité et la finesse de la langue sensible et rythmique de l’auteur, qui vit et vibre très au-delà du texte car l’essentiel est ailleurs.

Une coproduction de la Compagnie Lézards Qui Bougent (France), du Théâtre Complice (Canada), de Les Célébrants (Suisse) et La Scène Nationale Bayonne-Sud-Aquitain (France), L’Usine C (Canada), Le Théâtre Vidy-Lausanne (Suisse), Le Théâtre De La Ville (Paris-France), Nuithonie (Suisse), Le Théâtre Du Crochetan (Suisse), Le Théâtre De L’éphémère (France) Et L’O.A.R.A - Office Artistique De La Région Aquitaine (France)

 

par David Lefebvre

C'est le commencement qui est le plus difficile...

Concept universel que celui des liens fraternels. Ils sont dépeints dans la plupart, sinon tous les mythes et histoires de l'humanité. Prenons le plus connu en Occident : Abel et Caïn. La jalousie pour une femme, le premier meurtre, le premier rituel d'inhumation, mais surtout deux frères et une terrible épreuve.

Pour conclure sa trilogie sur ce rapport particulier, Kristian Frédric propose, après La nuit juste avant les forêts et Big Shoot, la pièce Moitié-moitié, de l'Australien Daniel Keene. Deux frères que 20 ans séparent se retrouvent, après 10 ans d'absence, dans la maison familiale, où le plus jeune s'était enfermé après la mort de leur mère, ou littéralement "enterré vivant suite au départ - mort métaphorique - de son frère aîné. Une réconciliation est-elle possible entre ces deux individus que tout et rien à la fois séparent? Les rapports entre ces deux hommes sont donc difficiles, parfois vides, et trop souvent n'offrent aucune réponse aux nombreuses questions soulevées. Ce qui fait de Moitié-moitié, en fin de compte, un texte vaporeux, hypnotique, aux mille détours et dix mille culs-de-sac. Les répliques sont courtes, évasives; on sent la haine, l'ambivalence, la tension, l'incompréhension et même un certain mépris. Les thèmes du sacré, de la théologie, de l'amitié, de la nature et de l'incohérence de la vie sont abordés. Les deux hommes étaient en mode «fuite», en exil, vers l'intérieur ou l'extérieur de soi (et de l'autre). La rencontre est inévitable, la réconciliation l'est beaucoup moins.

Tout se passe dans la cuisine, lieu familial typique, d'une maison de banlieue, où les conflits et les histoires sont en période de latence. Puis elle se transforme en jardin. Les lattes du plancher sont arrachées, la terre est amenée par brouette, et les restes de leur mère, exhumés du sol de son dernier repos, placés dans ce nouveau sépulcre. Les murs éclatent, leur espace se déstructure, pour former un îlot isolé et perdu dans l'espace-temps de leur histoire.

 
Crédit photos : Yanick MacDonald

La pièce possède de grandes qualités esthétiques, même si le plus spectaculaire se manifeste tardivement. Au niveau des décors, Charles-Antoine Roy et Anne-Marie Rondeau ont accompli un travail impeccable. Nicolas Descôteaux, à la conception des éclairages, et le duo Larsen Lupin à la trame sonore, contribuent aux différentes ambiances qui se dégagent de la pièce. La mise en scène de Kristian Frédric s'ajuste parfaitement aux mots et aux rythmes que ceux-ci imposent : sa direction d'acteurs est précise (grâce, entre autres, au travail du corps effectué par Laurence Levasseur), à la fois réaliste et déphasée, décalée. Les deux comédiens (Denis Lavalou et Cédric Dorier) sont solides, se prêtant corps et âme au texte et à la mise en scène.

Malgré tout, Moitié-moitié ne fera certainement pas l'unanimité chez les spectateurs. Alors que certains y verront de grandes qualités et un discours hors du commun, marginal, poétiquement éthéré et sombre à la fois, d'autres y plongeront comme dans un abîme, un vide, trouvant l'expérience plutôt barbante, au tempo lent et à l’intérêt difficile à maintenir, où très peu de réponses concrètes ou de pistes d'explication ne sont suggérées, autant pour les personnages que pour leurs motivations profondes. À nous, spectateurs, de marcher dans le sentier de la spéculation, si le courage y est toujours.

26-09-2007