L’humour aux dépens de la médecine et de ses représentants est toujours d’appoint !

L’auteur fétiche de la maison est de retour avec sa plus célèbre, et ultime, pièce. Le TNM accueille Carl Béchard pour sa première mise en scène en ses murs. Dans la pure tradition classique, le comédien et metteur en scène, dont on connaît la drôlerie et la finesse de vue, réintroduira les intermèdes dansés et chantés de l’ambitieuse comédie-ballet qui visait à divertir le Roi-Soleil, Louis XIV, pour en faire un décapant et délirant spectacle comique!

Souffrant de mille maux, obsédé par la maladie et la mort, le riche Argan souhaite marier sa fille Angélique à un médecin dont il bénéficierait des soins, gratuitement, à domicile… Mais Angélique, amoureuse du beau Cléante, a d’autres visées. Pendant que ses médecins lui font les poches, que sa seconde épouse reluque son héritage, que la servante Toinette prend parti pour les jeunes amoureux, Argan se débat contre ses démons.

Le metteur en scène s’est entouré d’une dynamique équipe de concepteurs, dont des membres du groupe musical TUYO, qui donneront un environnement sonore dissonant à la farce moliéresque. On y retrouvera l’impayable Alain Zouvi dans le rôle d’Argan. Tous en place pour une grande et hilarante purgation théâtrale !

Texte
Molière

Mise en scène
Carl Béchard

Assist. mise en scène
Régie
Claude Lemelin

Concepteurs
Geneviève Lizotte, Marc Senécal, Martin Labrecque, Normand Blais, Carol Bergeron, Louise Lussier, Jacques-Lee Pelletier, Louis Bond

Avec
Marie-Ève Beaulieu, Mélanie Bélair, Carol Bergeron, Gary Boudreault, Mathieu Campeau, Pierre Chagnon, Guillaume Champoux, Patrice Coquereau, Benoît Dagenais, Bénédicte Décary, Pascale Montpetit, Gérard Poirier, Monique Spaziani, Alain Zouvi

Québec - Salle Albert Rousseau
19 mars 2007
Billetterie : 418-659-6710 ou 1-877-659-6710

Dates antérieures

Du 17 janvier au 11 février 2006
Suppl. 14, 15, 16, 17 février 2006 à 20 h et 18 fév. à 15h et 20h
Du 7 au 16 décembre 2006 en supplémentaires du 19 au 23 décembre 2006

Billetterie : 866-8668

 

par David Lefebvre

On aura beau dire, les vrais classiques traversent le temps. Au niveau musical, Mozart, Beethoven, Bach et compagnie sont encore écoutés, adulés. Au théâtre, certains auteurs méritent qu'ils soient considérés comme des génies. Molière est un excellent exemple, avec des textes comme L'École des femmes, Médecin malgré lui, Le Dépit amoureux, L'Avare... Sa dernière pièce, Le Malade imaginaire, a été créée en 1673. Trois cents trente-trois ans plus tard, (c'est drôle, ça rappelle ce que les médecins nous disent : dites 33!) est-elle encore d'actualité? Peut-on encore s'y retrouver, s'y reconnaître? Quand on parle d'hyper médication, de soin des malades, d'hypocondrie, de la tromperie par ignorance et influence, d'hypocrisie, et même de la mort (que tous les personnages évoquent à un moment ou à un autre), on ne peut pas faire plus moderne! Plus ça change, plus c'est pareil...


Crédit photo : Yves Renaud

L'automne dernier, le Théâtre ZYX nous présentait un Malade imaginaire débridé, modernisé, mais condensé. Ici, Carl Béchard nous propose une mise en scène plus classique, c'est-à-dire respectueuse du style, presque commedia, avec une dose d'exagération et de cabotinage qui s'assume totalement. Comédie-ballet en trois actes et en prose, on a droit aux Faunes, au ballet et au texte dans son ensemble, incluant les intermèdes de Polichinelle, les danseurs égyptiens et la finale en latin douteux mais rigolo à souhait. Les décors, de Geneviève Lizotte, malgré leur grandeur, sont simples : toile en avant-plan reproduisant une façade de maison pour quelques scènes, un plancher de bois franc, un fond coloré et deux gigantesques rideaux qui descendent au bon vouloir. Les costumes de Marc Senécal sont magnifiques : les tissus sont beaux et la coupe s'inspire beaucoup du 17e, autant dans les habillements des messieurs que les robes des dames. On nous réserve même de petites surprises : remarquez bien ce que cache le chapeau de Béline (Monique Spaziani)! Mis à part tout ceci, les deux plus grandes forces du spectacle tiennent en deux choses : des musiciens en fosse (ici un quatuor, cordes et percussion), qui fait quelques apparitions sur scène (une présence toujours très agréable au théâtre), et au talent incontestable de tous les comédiens présents. Alain Zouvi, excellent, réalise un rêve d'enfance en interprétant ce malade naïf ; le duo comique qu'il fait avec Pascale Montpetit, interprète de la maligne servante Toinette, est impayable. Bénédicte Décary joue une candide et croquante Angélique, Monique Spaziani une Béline (la femme d'Argan, une marâtre, qui n'en veut qu'à son argent) traîtreusement savoureuse, Guillaume Champoux un Cléante honorable, amoureux d'Angélique, et Patrice Coquereau est très drôle dans son rôle de Thomas Diafoirus, jeune médecin intellectuel sans grand avenir amoureux... Il faut aussi compter sur les Gérard Poirier, Gary Boudreault, Marie-Ève Beaulieu, Pierre Chagnon et Benoît Dagenais pour dérider les spectateurs.


Crédit photo : Yves Renaud

Même s'il amuse, ce spectacle, aux riches réflexions sur la médecine, les obsessions et les valeurs, a encore des échos dans notre société. Il est intéressant de voir à quel point la mort rôde dans ce texte-testament, et de s'apercevoir comment la plupart des personnages jouent eux-mêmes la comédie à un moment ou à un autre : le théâtre au théâtre. La satire de la médecine se résume à la dernière scène, lors de cette assermentation mystérieuse, comme si nous étions dans une secte aux membres sélects. Argan, à la toute fin, ne touchera plus terre, soulevé par ses nouvelles connaissances. Mais Molière, de par sa plume agile, arrive ingénieusement à désamorcer la gravité des sujets, tout en distrayant la galerie.

Festif, la pièce divertit totalement, et s'offre même le loisir de lancer quelques pointes au système de santé actuel (public-privé), la pertinence de l'hyper médecine et sur Molière lui-même. Sans contredit un succès qui est loin d'être imaginaire...

21-01-2006