Du 6 mai au 5 juin, en supp. les 6, 7, 10 au 14 et du 17 au 21 juin à 20h

Conception et mise en scène de Robert Lepage

Avec Yves Jacques

Production Ex Machina

Avant les découvertes de Galilée, on croyait que la lune était un miroir poli qui reflétait la terre. Par le truchement d'une histoire construite selon le principe du miroir, Robert Lepage aborde le sujet complexe de la rivalité en juxtaposant celle de l'Union soviétique et des États-Unis, engagés tous deux dans la conquête de l'espace depuis plus de quarante ans, et celle de deux frères en deuil qui doivent liquider les affaires de leur mère récemment décédée. Le premier, météorologue et présentateur à la télévision, est rempli de lui-même ; l'autre, peu sûr de lui, n'arrive pas à boucler une thèse de doctorat qui porte précisément sur la conquête de l'espace. Le premier est satisfait de sa notoriété et se dit pragmatique ; le deuxième est maladroit et fragile. À travers les différences qui les opposent et qui les lient, on reconnaîtra les forces contraires et l'ambivalence qui cohabitent au sein de chaque être humain, et qui se reflètent dans les conflits qui opposent les nations.

 

 

par David Lefebvre

On a marché sur (la face cachée de) la lune

Pour plusieurs raisons, dont celles de ne pas être natif de Montréal ni de Québec, et d'avoir découvert le théâtre tard, je n'ai vu que très rarement les créations de Robert Lepage. À part les quelques reprises de la LNI, son exposition au Musée de la Civilisation de Québec, Métissages, et des scènes de la pièce Les Aiguilles et l'opium, j'ai finalement eu la chance et l'honneur d'assister à La Face cachée de la lune, un spectacle qui a fait le tour du monde.

Le soir de la première était véritablement un happening: les vedettes, le tapis rouge, les caméras... Mais le vrai happening était la pièce de Lepage.


© Yves Renaud

Que dire de ce chef-d'oeuvre à part qu'il en est un? Tout de ce spectacle est pensé, construit, inspiré. Le texte est d'une qualité impressionnante, la mise en scène et la conception est un pur délice.

Tout commence avec la description de la lune pour les peuples anciens, pour lesquels l'astre de la nuit était un miroir. Et devant nous apparaît un immense miroir, qui reviendra fréquemment. Puis, on fait la connaissance de Philippe (qui fait sa thèse sur le travail spatial des Russes) et André (météorologue au canal météo) (tous les personnages sont joués avec une main de maître par Yves Jacques) deux frères qui viennent de perdre leur mère. Donc le propos se tournera sur le chiffre 2, qui reviendra souvent. En fait, c'est l'autre, l' "extérieur" de nous-même: son frère, sa mère, la société qui nous entoure... Et sommes-nous seuls dans l'espace?

Lepage et ses concepteurs utilisent énormément le multimédia: projections sur les murs (le décor d'ailleurs est un immense panneau noir qui se déplace de gauche à droite et qui contient plusieurs portes: génial), un hublot qui va servir de laveuse, sécheuse, sas, hublot de vaisseau spatial et d'avion... Il y a aussi quelques caméras cachées qui projettent des images (habituellement de Yves Jacques) sur les murs, et des images d'archives des Russes et des Américains, avec les grandes dates de l'histoire de l'homme et de l'espace. Les accessoires, peu nombreux, sont exploités au maximum: je ne savais pas qu'on pouvait utiliser de cette manière une simple planche à repasser... Les marionnettes, des cosmonautes, sont bien manipulées et on distingue à peine le marionnettiste.


© Yves Renaud

Je m'en voudrais de passer sous silence le travail incroyable à la sonorisation (pour les compositions de Laurie Anderson) et aux éclairages. Ce n'est pas évident de travailler avec un immense miroir, par exemple. Et de créer des petits moments de magie, tout en symbiose avec l'acteur.

Le propos est souvent drôle, et sûrement que certains petits bouts de textes sont ajoutés selon l'endroit (il parle de la Cité du Multimédia...). Il fait aussi réfléchir sur nous-mêmes. Sur la beauté, la conscience du cosmos qui nous entoure.

Voilà ce que j'appelle du théâtre. Une pièce "parfaite". À voir ab-so-lu-ment.


© Yves Renaud