Traduction de Paul Lefebvre
Mise en scène de Ben BarnesCoproduction
Le théâtre des gens d'en bas
Direction artistique Eudore BelzileAvec Louise Laprade, Dominique Quesnel, Fanny Mallette, Maxime Denommée, Eudore Belzile, Marie-Eve
Tremblay, Catherine AllardEn 1936, quelques années avant le grand conflit qui embrasera le monde, cinq sœurs gagnent péniblement leur vie sur la ferme familiale dans une petite localité rurale du Donegal, au nord-est de l'Irlande. Institutrice, mère, ouvrières à domicile, sans revenus, elles ont entre 26 et 50 ans, et aucune d'elles n'a pu établir un couple durable. La plus jeune, Chris, aime Gerry, un jeune Gallois charmeur mais irresponsable avec qui elle a eu un fils qui habite avec sa mère et ses tantes. La monotonie de leur quotidien est interrompue par la visite du frère Jack revenu d'Afrique pour cause officielle de sénilité - plus probablement pour dissidence. Par ailleurs, Gerry apporte de temps à autre un peu d'exotisme dans ce gynécée, mais il repart en laissant des promesses et du vent. Au plus fort de l'été, à la veille de la fête traditionnelle de Lughnasa nommée d'après Lugh, le Dieu celte des moissons, une musique entraînante parvient du village jusqu'à la ferme, qui attise les rêves de départ et de bonheur des cinq sœurs.
par David Lefebvre
En 1936, cinq sœurs gagnent péniblement leur vie sur la ferme familiale dans une petite localité rurale du Donegal, au nord-est de l'Irlande. Aucune d'elles n'a pu établir un couple durable. La plus jeune, Chris (Catherine Allard), aime Gerry (Renaud Paradis), un jeune Gallois charmeur mais irresponsable avec qui elle a eu un fils qui habite avec sa mère et ses tantes. La monotonie de leur quotidien est interrompue par la visite du frère Jack (Eudore Belzile) revenu d'Afrique pour cause officielle de sénilité - plus probablement pour dissidence. Par ailleurs, Gerry apporte de temps à autre un peu d'exotisme dans ce gynécée, mais il repart en laissant des promesses et du vent. Au plus fort de l'été, à la veille de la fête traditionnelle de Lughnasa nommée d'après Lugh, le Dieu celte des moissons, une musique entraînante parvient du village jusqu'à la ferme, qui attise les rêves de départ et de bonheur des cinq sœurs.
Le mot qui peut décrire véritablement cette pièce est "danse". Tout passe par la danse: la frustration, la joie, la tristesse, la séduction; que ce soit au sens propre (les filles danseront une magnifique gigue irlandaise) ou au figuré (avec Jack qui nous décrira les danses sauvages africaines). Même l'ancienne enseignante, Kate (Louise Laprade), se laissera emporter par la danse. De voir ces filles danser férocement sur cette gigue, se défouler et crier fort nous transporte littéralement, nous emmène dans leur quotidien difficile, de ce quotidien si difficile pour elles.
Tout débute par une longue intro de Michael (Maxime Denommée), qui joue le fils de Chris. Ce sont d'ailleurs ses souvenirs qui sont sur scène. Il fera la voix de son personnage, enfant (invisible). Les personnages durant ce temps sont figés comme des poupées, qui attendent que les souvenirs de Michael se mettent en branle.Le décor est magnifique : un champs en arrière-plan, des hautes herbes, un chemin. Un arbre, puis l'intérieur de la maison, une cuisine en fait. Et la radio, nommée Marconi (du nom de l'inventeur de la radio) et qui tombe souvent en panne, prend une place importante dans cette famille; le genre de place qu'elle a dû probablement prendre dans les familles des années 30.
© Yves RenaudSûrement parce que toute cette mise en scène provient d'un souvenir, les personnages sont très stéréotypés. L'enseignante semble lire plus que parler, et est très austère. La mère de Michael est belle, joue très retenue jusqu'à ce que Gerry (le père de Michael) arrive. Ce personnage d'ailleurs sera très idéalisé: beau, bon danseur, il sera aussi très enjôleur et bon menteur. Fanny Mallette joue avec justesse le rôle de Rose, légèrement attardée. Maggie (Dominique Quesnel, fabuleuse), femme de maison, est enjouée et amoureuse de ses cigarettes. Agnes, dure, solitaire, sera un peu la méconnue du groupe, et on devine son béguin pour Gerry. Puis Jack, ce soldat britannique qui était en Ouganda, maintenant un peu sénile, retrouve la mémoire au fur et à mesure. Même si le jeu de certains manquent de fluidité, et c'est rarement agaçant, il en manque très peu pour que la machine roule à plein régime.
La mise en scène de Ben Barnes est intéressante, quoique classique. Mais nous voyons très vite qu'il connaît à fond la pièce: tout est à sa place, au bon moment, l'émotion y est, la touche de magie opère facilement.
Le narrateur, Michael, prendra même place quelquefois dans les scènes de son souvenir, traversant l'espace. Certains trouveront des moments très drôles et cocasses, d'autres verront toute cette tristesse qui ressort de cette famille peu ordinaire.
Une très belle pièce irlandaise, qui en un sens ressemble étrangement à notre culture. Ça aurait pu arriver ici...