À compter du 4 novembre prochain, L.I.F:T (Les Idées Flottantes Théâtre) vous invite à la salle intime du Théâtre Prospero pour assister à la pièce Le Génie du crime de George F. Walker dans une mise en scène de Jacques Rossi.

Créée il y a quatre ans au Théâtre de Quat’sous, cette relecture cauchemardesque nous questionnent sur la déresponsabilisation de l’individu dans notre société. Comédie décapante, Le Génie du crime est un suspense bien ficelé aux limites du réel. Entre le rire et les larmes, les spectateurs sont amenés à suivre cinq personnages démunis, quoiqu’ attachants. Tous coincés en plein chaos dans une chambre de motel délabrée, ils devront faire face à une série d’événements tragiques qui les pousseront à s’associer afin de sauver leur peau et ce qu’il peut leur rester de dignité.

Auteur torontois prolifique et renommé, George F.Walker s’associa dès le début de sa carrière au Factory Theater de Toronto. Avec Le Génie du crime, tiré du cycle Motel de passage, il nous présente ici une véritable critique sociale où se confondent grotesque et tragique, absurde et détresse. La mise en scène de Jacques Rossi vient appuyer la gravité de cette pièce aux accents burlesques. Connu comme professeur, comédien et metteur en scène, Jacques Rossi compte parmi ses dernières réalisations la mise en scène des Leçons de Maria Callas à l’été 2002 et Douze hommes en colère à l’été 2000 (Productions Jean-Bernard Hébert inc.)

L.I.F:T a été fondée en 2003 par trois jeunes acteurs diplômés de l’École de théâtre du Cégep de Saint-Hyacinthe. Unis dans la vie comme sur les planches par une véritable entente artistique, une sensibilité et un désir commun de faire du théâtre leur quotidien, ils ont reconnu dans cette œuvre coup de poing tous les échos d’une société à la constante recherche de son bouc émissaire.

L.I.F:T présentera son premier projet dans la salle intime du Théâtre Prospero à Montréal du 4 au 22 novembre 2003.

Phillie
Je suis qui, moi ? Personne. Rien pantoute. Un fuck all.[…]
Si c’est pas triste comme constat de société ,ça […]
Pis je me suis jamais plaint. J’ai été un tabarnak de saint, moi !

Le génie du crime

Théâtre Prospero /salle intime – 1 371, rue Ontario Est
du 4 au 22 novembre (du mardi au samedi) à 20h15
billeterie : (514) 526-6582
22 $ / prix régulier - 15 $ / prix étudiant

 

 

par David Lefebvre

La pièce Le Génie du crime fait partie d'un groupe de pièces écrites par George F. Walker, talentueux et productif auteur (25 pièces en moins de 30 ans!) de Toronto, intitulé Motel de passage.

Le Génie du crime avait déjà été monté au Quat'Sous en 1999 avec Kathleen Fortin, Nathalie Malette, Paul Ahmarani, Jacques Girard et Stéphane F. Jacques, traduite par Maryse Warda. Plusieurs l'ont sûrement vu. Comme je n'étais pas à Montréal à ce moment-là, je ne peux faire aucun comparatif. Alors, allons-y avec l'édition 2003 de cette pièce.

Deux frères, Rolly et Stevie (Jean-Pascal Fournier et Alexandre Goyette), sont engagés par Shirley (Brigitte Tremblay), une femme au caractère dominant, pour un gros coup, du moins plus gros que d'habitude : incendier un restaurant où travaille Amanda (Maia Loïnaz), la fille d'un homme d'influence (lire ici "genre mafieux"). Le père veut voir sa fille revenir vers lui. Sauf que ces deux hommes, malgré qu'ils soient voyous mais sans grande cervelle, sont des partisans de la non-violence. Au lieu de mettre le feu à la baraque, et de risquer de faire du mal à quelqu'un, ils kidnappent la chef, qui se trouve à être la fille du fameux homme. Shirley est furieuse et cherche à comprendre et à revenir au plan initial. Mais Amanda réussit à s'évader et à mettre le feu au restaurant du papa. Elle n'en a pourtant pas fini avec son paternel et décide de prendre cette bande d'ahuris pour l'assassiner. Mais il semble que l'abrutissement est contagieux et le proprio de l'hôtel, Phillie (Rémi-Pierre Paquin), où se trame toute cette magouille, toujours saoûl, se trouve mêlé malgré lui à cette histoire sordide...

Plusieurs choses ressortent de ce spectacle. Comme cela se passe dans la minuscule salle de répétition du Théâtre Prospero, il y a à peine 40 places... et cette situation provoque une proximité et une intimité fort intéressante. On a l'impression de se trouver dans la chambre à côté, d'être témoin sans le vouloir vraiment. Mais le voyeurisme est trop fort... Il n'y a tellement pas de place que les comédiens doivent se coucher par terre pour "disparaître" de scène. La trame sonore est lugubre à souhait, et le décor rappelle les chambres d'hôtel minables, sales et mal éclairées. Cette saleté se reproduit aussi dans les maquillages des personnages, mêlant la couleur argent et noir. Les costumes sont pour la plupart déchirés ou de cuir, ce qui colle à ravir au ton de la pièce. Donc on nage dans l'au-delà du réel.

Comme c'est un texte (et des personnages) qui dépasse l'entendement et la réalité, la mise en scène est très caricaturale. Dès le départ, les deux comédiens qui jouent les magouilleurs niais sont excellents. Le niveau de langage est assez bas, bien entendu, pour qu'on adhère facilement au thème, et au monde un peu underground dans lequel ils nous entraînent. Alors le joual est de mise et les "on s'est fait fourrer, fourrer!" sont omniprésents. Le jeu aurait pu être un peu plus tendu et soutenu (malgré qu'il soit fort et que le ton reste comique) entre les deux filles, surtout au niveau de la force de caractère de Shirley. Imaginez deux chattes dominatrices qui se chicanent le territoire (et les hommes qui y habitent)... Mais Shirley, qui se laisse dépasser par les événements et qui est le cerveau de l'affaire, passe son temps à essayer de comprendre et à réfléchir. Et quand tout à coup une autre personne prend sa place, elle se laisse glisser doucement et parle de ses copains qui l'ont tous laissé tomber, et comment elle s'est toujours fait avoir par les hommes... Enfin, elle ne réfléchit plus et passe à l'acte, découvrant son "amour" pour la rapidité de la gachette... Mais le plus drôle reste Phillie, tenace, à vouloir son argent et à se mettre les pieds dans les plats. Mais de quoi parle réellement cette pièce? Dépeignant une société pourrie de l'intérieur, des femmes au caractère fort, des hommes mous, de ces personnes qu'on ne parle jamais, le dénominateur commun est non pas seulement l'imbécilité mais aussi et plutôt la malchance. La malchance qui poursuit certaines personnes jusqu'à les tuer... D'ailleurs, un long monologue de Phillie, qui termine la pièce, qu'il débite enfermé dans les toilettes sur cette théorie de la malchance et de sa jeunesse complètement ratée porte nécessairement à réfléchir (un peu) et à rire...

Un autre effet intéressant, si vous le remarquez, provient de la télé. Deux fois ils l'allumeront et la télé reprendra des dialogues mais sur un ton "sitcom" avec rires en cannes. Un effet que j'ai trouvé très réussi et très drôle.

Une belle réussite pour les gens de L.I.F:T qui soutiennent ce texte et ce spectacle avec violence et passion. À aller voir pour l'intimité, pour le goût de la découverte, et pour encourager cette jeune troupe qui n'a pas été subventionné...