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Du 8 au 13 novembre 2016
Le petit cercle de craie
pour les 12 à 17 ans
D’après un texte de Bertolt Brecht, Le Cercle de craie caucasien
Adaptation du texte Sara Moisan, Christian Ouellet
Mise en scène Sara Moisan, en collaboration avec Christian Ouellet
Avec Sara Moisan, Christian Ouellet

Cette épopée à la fois drôle et touchante nous fait vivre l’incroyable périple de Groucha, la servante d’un gouverneur d’État assassiné lors d’un attentat révolutionnaire. Alors que l’épouse de ce dernier fuit en abandonnant leur fils encore bébé, Groucha, pourchassée par les révolutionnaires, s’enfuit avec l’enfant pour sauver cet héritier du trône d’une mort certaine.

LE THÉÂTRE D’OBJETS AU SERVICE D’UN RÉCIT ÉPIQUE
Ce récit, adapté en format intime, se déploie dans toute sa richesse grâce à l’inventivité et l’originalité d’un théâtre d’objets mis en œuvre par deux comédiens aussi inspirés qu’inspirants. Ils nous amènent, tambour battant, au fil de toutes ces péripéties, vers l’épreuve ultime du cercle de craie, qui seule tranchera la question : à qui appartient cet enfant, au lien du sang ou au lien de l’amour ?

Le théâtre d’objets fait partie de la famille du théâtre de marionnettes. Les objets ne sont plus seulement des accessoires, ils sont utilisés à part entière pour leur pouvoir d’évocation. Ils ont leur vie propre et peuvent être utilisés comme des personnages. Ces objets permettent aussi de passer rapidement d’un lieu à un autre et de présenter des situations difficiles à montrer au théâtre.


Costumes : Guylaine Rivard
Musique : Guillaume Thibert
Lumières : Alexandre Nadeau
Scénographie et objets : Sara Moisan, Martin Gagnon
Aide aux patines : Gatien Moisan
Conseiller à la manipulation : Dany Lefrançois
Conseillère au jeu : Guylaine Rivard
Aide chorégraphique : Maryline Renaud
Régie : Serge Potvin ou Isabeau Côté
Graphisme : Patrick Simard, à partir d'un collage de Laurence Lemieux

Durée 65 minutes

Une création de La Tortue Noire


Maison Théâtre
245, rue Ontario Est
Billetterie : 514-288-7211

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Critique

Crédit photo : Patrick Simard

C’est en voyant une production du Cercle de craie caucasien de Bertolt Brecht, dirigée par Serge Denoncourt dans les années 1990, que Sara Moisan a ressenti de vifs émois pour cette écriture. Dans son adaptation présentée à la Maison Théâtre sous le titre Le Petit cercle de craie, la comédienne-metteure en scène a gardé le meilleur de la partition du célèbre dramaturge allemand.

Le spectacle de La Tortue Noire, une compagnie du Saguenay fondée en 2005, a aussi bénéficié du travail de Christian Ouellet, au jeu ainsi qu’à l’orchestration et à la transposition de l’œuvre pour les élèves du secondaire. Créée en 1945, la pièce de théâtre originale a laissé quelques traces au Québec, dont une en 2009 sous la gouverne de Luce Pelletier, sans oublier des exercices publics dans les écoles de théâtre. De cette fresque épique aux nombreux personnages, la relecture de La Tortue Noire a conservé des aspects didactiques pendant toute l’heure de la représentation. Elle ajoute des couleurs plus intimistes, loin de la «distanciation» généralement associée à l’auteur de L’Opéra de quat’sous.  

Le Petit cercle de craie raconte l’histoire de Groucha, une servante d’un gouverneur russe dans une ville du Caucase à une époque indéfinie. Lors d’un attentat, le riche homme est assassiné. Son épouse s’enfuit en abandonnant derrière elle leur fils Michel, jugeant plus utile de veiller à ses toilettes luxueuses qu’à sa progéniture. Groucha recueille l’enfant qui se retrouve alors pourchassé par des révolutionnaires. Tous deux amorcent un long périple parsemé d’obstacles à travers le pays. L’héroïne apprend en quelque sorte à devenir une véritable mère. Elle se marie même contre son gré à un homme sur le point de mourir. La révolution avorte ; Groucha se sauve cette fois-ci des soldats qui doivent rendre l’enfant à sa mère biologique. Et pour boucler la boucle, un juge aux méthodes peu orthodoxes esquisse un cercle sur le sol pour déterminer qui aura la charge du petit Michel.

La scénographie du spectacle est constituée de divers objets aux usages multiples. Moisan et Ouellet ont, de plus, concentré la trame du récit principalement autour de la course vaillante de Groucha, même si les principaux protagonistes sont évoqués d’une manière ou d’une autre. Et la Groucha de leur Petit cercle apparaît sous différentes formes. Elle surgit, entre autres, sous les traits d’un simple masque. Puis, elle se transforme en reproduction d’une image religieuse avec un bambin dans ses bras. Deux des doigts de l’actrice, sortant de la photo, lui permettent de se déplacer. L’épouse du gouverneur, quant à elle, impose son prestige social sous les traits d’une poupée sur ressort et, à d’autres occasions, en une statuette de Marie-Antoinette en porcelaine. Une telle conception artistique révèle ainsi ingénieusement l’antagonisme entre les deux figures maternelles.   


Crédit photo : Patrick Simard

Si des productions antérieures à la Maison Théâtre comme Ma mère est un poisson rouge exploitaient autant de techniques variées, Le Petit cercle de craie tranche avec un propos beaucoup plus sombre et plus exigeant. Fort heureusement, la synthèse du texte n’a pas escamoté les scènes les plus palpitantes. Par exemple, la fuite contre les ennemis comporte des instants très cocasses, lorsque Groucha traverse un pont chancelant. Les deux interprètes-manipulateurs n’ont qu’à lancer une petite passerelle qu’ils accrochent entre deux boites en bois, et le tour est joué. Le mariage forcé demeure un autre moment fort par son enchevêtrement d’humour et de gravité. La détestable belle-mère, personnifiée par le portrait encadré d’une femme austère d’autrefois, côtoie alors sa nouvelle bru. Dans la peau de cette dernière, Sara Moisan revêt un voile blanc sur sa tête pour montrer autant la supposée «réjouissance» d’un tel événement que son veuvage absurde avec un inconnu. Par ailleurs, le dénouement est d'une grande justesse dans le ton, alors que les deux artistes se disputent le garçonnet, que nous voyons là dans un portrait dessiné sur papier (Groucha demande alors au juge «si elle doit le déchirer»), à l’intérieur du cercle tracé à la craie blanche.  

Les spectateurs ont écouté avec une grande attention les péripéties de Groucha et de son «enfant», tel un acte de résilience contre la bêtise humaine. L’excursion s’avère souvent passionnante, et aussi initiatique pour certains néophytes du répertoire brechtien. Ce Petit cercle de craie possède, en somme, de grandes vertus.      

09-11-2016