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Maison Théâtre au Prospero
Du 27 décembre 2014 au 4 janvier 2015
PommePomme
pour les 3 à 6 ans
Idéation : Isabelle Payant et Patrick Conan
Texte : avec les mots d’Arthur Lefebvre
Mise en scène : Patrick Conan
Avec Isabelle Payant

POMME est une pomme. Mais elle soupire, car elle voudrait être un HOMME. Elle aimerait marcher, danser, sauter, courir, nager, voler même! Et voilà que comme par magie lui arrivent de petites jambes, un corps… POMME est prête pour l’émotion et l’aventure! Quelles issues auront ses rencontres avec les fourmis et autres personnages semés sur sa route? POMME arrivera-t-elle à se transformer et à devenir une autre? Trouvera-t-elle l’amour?

Entraînés dans un ballet d’historiettes tantôt tendres, tantôt comiques, tantôt teintées de suspense, les enfants sont suspendus aux gestes et aux expressions de la comédienne. Donnant de sa main habile vie et sentiments à POMME, elle manipule aussi avec brio des cubes qui parsèment la scène – elle les déplace, les empile, les ouvre et les ferme, s’y camoufle et en ressurgit – ainsi que les illustrations, les rouleaux de papier et autres objets composant ses histoires. Ponctués de la musique d’un piano et d’une contrebasse, les changements de décors se font comme dans un souffle, alors que se déploie en deux et en trois dimensions le livre de la vie de l’attachante héroïne. POMME est un spectacle à croquer, qui éblouit tant par la qualité de la présence de sa comédienne que par son inventivité.


Section vidéo


Musique : Vincent Rébillard
Décor : Sophie Lucas
Costume : Corinne Paupéré
Conception sonore : Vincent Rébillard
Distribution : Isabelle Payant
Illustrations : Laurent Pinabel

Durée 30 minutes

Une création Théâtre des Petites Âmes


Prospero (Maison Théâtre)
1371, rue Ontario Est
Billetterie : 514-288-7211

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 Critique
Critique

par Olivier Dumas

Quelques jours après la singulière installation-performance Les mécaniques célestes du Théâtre des Confettis de Québec, une autre sympathique création venait enrichir la programmation de la Maison Théâtre au Prospero. Intime et délicate, la pièce de théâtre Pomme, charme petits et grands malgré sa durée trop brève.

« L’Univers, comme une bulle ou comme une pomme », écrivait le poète-chanteur Léo Ferré dans Introduction à la folie. Le fruit du pommier reconnaissable par son apparence ronde et sa texture à pulpe ferme et juteuse dépasse ici le sentiment de bulle enveloppante pour embrasser les étapes charnières de la vie humaine. Il devient également le prétexte à la conception d’une fable en toute simplicité. Collaboration entre deux compagnies, Le Théâtre des Petites Âmes (Montréal) et Garin Troussebœuf (France), l’œuvre aux accents allégoriques aborde des questions identitaires et initiatiques susceptibles de plaire aux enfants de trois à six ans (et même plus vieux).

Durant les trente minutes de la représentation, garçons et filles ont témoigné chaleureusement de leur appréciation. Tous et toutes apprécient la présence inestimable d’une guide attentionnée, soit la comédienne et instigatrice de la production Isabelle Payant. Avec sa jolie robe, celle-ci nous tient presque par la main du début à la fin. Dès les premiers instants, elle nous invite à prendre place dans un lieu douillet et nous raconte les états d’âme d’une pomme bien dégourdie.

Comme matière première à cette proposition artistique de facture artisanale, le fruit allégorique de l’imaginaire des chérubins (l’élève qui apporte une pomme à son institutrice) demeure un terreau intéressant et fertile pour l’exploration poétique. Il a été la source d’inspiration d’un célèbre tableau de Paul Cézanne (et la métaphore pour lui d’une nouvelle conquête picturale) et de classiques de la chanson qui nous restent dans les oreilles (Pomme de reinette et pomme d’api,ou encore C’était au temps des pommes). Par ailleurs, la narratrice-manipulatrice s’amuse à en explorer de nombreuses potentialités dramaturgiques, autant auditives que visuelles. Au début de la représentation, elle en dessine la forme dans l’espace, soit un immense cercle avec son doigt; de nombreux jeunes spectateurs et spectatrices reprennent spontanément le même mouvement.   

L’histoire enchevêtre l’étonnement à la continuité narrative avec de précédentes productions de la Maison Théâtre au Prospero (commeChubichaï par exemple) par sa thématique d’éveil au monde environnant plus grand que soi. Dans la présente création, nous faisons la connaissance d’une jolie petite pomme blanche avec un attendrissant visage (un grand nez rouge, une bouche inquiète et des yeux noirs). Notre héroïne est triste de ne pouvoir exécuter les activités des êtres humains comme marcher, sauter, danser et courir. Par un heureux hasard, de petits pieds, de petits bras et un corps apparaissent, évoqués par un tissu blanc. Sa nouvelle apparence lui donnera-t-elle le goût de partir à l’aventure et à la rencontre des autres?

Les concepteurs français et québécois ont privilégié la présence d’une écriture inspirée des haïkus, composés par Arthur Lefebvre, qui apportent une dimension sensorielle envoûtante, notamment avec des allitérations autour du mot pomme. La langue en devient plus éloquente, en plus de jouer sur de belles images délicieusement poétiques (Dedans la pomme/Il y a son cœur comme une étoile/Et qui clique et qui claque). Le récit dépouillé d’artifices distrayants s’écoute agréablement grâce à la voix mélodieuse de l’actrice qui prend à un moment précis un accent plus québécois pour incarner un personnage pittoresque. Une musique originale composée au piano par Vincent Rébillard ponctue régulièrement l’action en y ajoutant une touche plus grave et mélancolique.   

En plus de la présence du personnage en marionnette de petite forme manipulé par les doigts d’Isabelle Payant, nous voyons certaines illustrations de pomme sur de grands cubes. Plus tard, Pommedevient un adulte qui rencontre l’amour. Les physionomies masculines et féminines sont esquissées, même les parties intimes, suscitant quelques réactions de surprise au passage. Il faut souligner la sensibilité des concepteurs de traiter de la sexualité sans tomber dans la provocation.

Par contre, la courte durée de Pomme l’empêche d’approfondir ses innombrables possibilités dramaturgiques, entre autres dans les passages plus touchants qui passent trop rapidement. Avec environ une dizaine de minutes supplémentaires, le sujet réchaufferait encore plus l’imagination, la tête et le cœur des enfants. Car la tendresse imprègne le propos de belle façon, en plus de nous sensibiliser sur la dimension éphémère de la vie.

Juste avant de quitter l'endroit, des annonces cartonnées du spectacle et de petites bouchées du fruit sucré nous attendent à la sortie. Les yeux et les papilles gustatives participent ainsi donc à une initiation aux arts de la scène aussi sympathique grâce à cette Pomme attachante.

01-01-2015