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Du 16 octobre au 2 novembre 2014
ArbourContes Arbour
pour les 5 à 9 ans
De et avec : Sylvie Gosselin
Avec les mots de : Martin Bellemare, Jasmine Dubé, Martin Faucher, Sylvie Gosselin, Hélène Mercier, Claude Poissant

Madeleine nous accueille dans son atelier, entourée des objets, des dessins, des toiles et des collages qu’elle a créés et collectionnés au fil du temps. Au dehors, les oies sauvages passent, lui inspirant des histoires sur le cycle de la vie. Elle pige alors dans ses souvenirs et raconte. Avec émotion et humour, elle évoque les joies et les peines qui ont jalonné son parcours depuis sa venue au monde, abordant du coup de grandes questions : Qu’est-ce qu’il y a avant la naissance? Est-ce que les mamans qui partent reviennent? Les questions qui tournent dans la bouche finissent-elles par trouver des réponses?

Inspirée par Madeleine Arbour, qu’elle regardait à la télé quand elle était petite, Sylvie Gosselin transmet à son tour sa passion pour la créativité, le bricolage et les arts visuels. Contes Arbour se déroule sous forme de tableaux que traverse épisodiquement un mystérieux petit plongeur, « celui qui fonce avec nous dans la vie, qui est là, toujours, avec nous et qui nous suit ». Maniant avec inventivité poupées, figurines, boîtes, pots et bouteilles, la comédienne-conteuse captive aussi par les mots et répond sans artifice aux préoccupations des petits.


Section vidéo


Tableaux et installations : Sylvie Gosselin
Lumière et accessoires lumineux : Luc Prairie
Conception sonore : Francis Rossignol
Régie : Élise Henry
Photos : Michel Pinault

Rencontre avec les artistes : dimanche 19 octobre, 15h

Durée 50 minutes

Une création du Théâtre Bouches Décousues


Maison Théâtre
245, rue Ontario Est
Billetterie : 514-288-7211

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 Critique
Critique

par Olivier Dumas


Crédit photo : Michel Pinault

Avec sa plus récente création Contes Arbour, le Théâtre des Bouches Décousues nous propose une production imparfaite, mais infiniment sympathique à la Maison Théâtre.

Comédienne ensorceleuse et allumée qui a bercé une génération d’enfants dans le rôle de Tourmaline dans l’émission pédagogique Passe-Partout, Sylvie Gosselin s’illustre également comme une artiste en arts visuels depuis quelques années. L’écriture, le jeu et la conception visuelle enchevêtrent cette œuvre chaleureuse avec sensibilité.

Pendant une cinquantaine de minutes, la femme de théâtre investit la scène avec une attitude posée et une voix rigolote. Avant le début de la représentation, elle se promène entre les rangées pour recueillir les confidences et secrets des jeunes spectatrices et spectateurs. Peu de temps après, lors de la fermeture des lumières, elle amorce les fragments de la vie peu banale d’une Madeleine. Celle-ci est fortement inspirée de la talentueuse Madeleine Arbour (d’où le titre de la pièce), l’une des figures pionnières du design d’environnement au Québec, signataire du Refus global et scénographe de fresques  poétiques et de marionnettes ludiques à La Boîte à surprises, émission emblématique de la télévision jeunesse au Québec. Toute la signature des Contes Arbour, autant dans les récits racontés que dans la facture visuelle, est imprégnée et habitée par cette influence importante de la société québécoise que Sylvie Gosselin regardait presque religieusement sur l’écran cathodique durant son enfance.

L’histoire commence alors que nous sommes reçus dans un atelier où fourmillent des objets divers, des toiles, des dessins. À l’extérieur, le bruit du vol des oies sauvages devient un prétexte pour raconter avec douceur et tendresse des moments charnières du cycle de la vie. De la naissance de la petite Madeleine à ses premiers pas en compagnie de son attachant papa propriétaire d’un magasin de chaussures (plusieurs modèles sont judicieusement utilisés à différents moments), en passant par ses propres expériences avec la maternité, ce sont de nombreuses péripéties joyeuses ou tristes qui vivent véritablement sous nos yeux.


Crédit photo : Michel Pinault

Sylvie Gosselin démontre une aisance remarquable dans un répertoire de nuance, de surprise, d’émerveillement et de délicatesse. Avec sa salopette et ses cheveux roux retenus en un chignon sur sa tête, elle manipule parfaitement les différents personnages de l’intrigue, comme la mignonne petite poupée vêtue d’une robe rouge ou encore le plongeur téméraire dessiné sur un ciseau. Quelques moments musicaux, tel le rigodon au début du spectacle (qui gagnerait à être légèrement plus long à voir l’entrain de la comédienne), ponctuent les Contes Arbour d’une ambiance mélancolique ponctuée de souvenirs que l’on aime garder au creux de sa mémoire.

Certaines des réalisations marquantes de Madeleine Arbour trouvent des échos ingénieux dans la scénographie imaginée par l’auteure-comédienne. Les toiles peintes par Gosselin évoquent les formes et couleurs de sa période automatiste avec Borduas. La marionnette construite avec des matériaux récupérés pourrait s’intégrer à celles conçues avec des cuillères à pot, des brosses à dents et des lavettes pour Les Contes sur le bout des doigts à la fin des années 1950, tout comme le joli parapluie qui nous rappelle les couleurs chaudes de la muraille de la cafétéria du pavillon du Canada au moment de l’Expo 67. 

Pourtant, même si le traitement demeure séduisant et le ton de l’actrice irréprochable, il manque une dose de magie pour que la production atteigne son plein potentiel. L’écriture aurait mérité des images plus féériques ou plus fortes en métaphore, pour rejoindre la dimension ludique de l’héritage de Madeleine Arbour traité ici avec respect. Lorsque les projecteurs se rallument, il se dégage un sentiment d’inachèvement, comme si la production n’avait pas encore tout à fait trouvé un dénouement émouvant qui boucle parfaitement la boucle. La réserve exprimée demeure néanmoins mineure, car tous les éléments conjugués ensemble possèdent assez de potentiel pour façonner au fil du temps une création remarquable dans l’esprit du merveilleux Chubichaï qui a su fusionner avec un résultat brillantissime la matière et le propos dans les murs du Théâtre Prospero.     

Pour l’éveil aux questions existentielles et à l’art comme objet de beauté et de grandeur dans une société trop souvent anémique, la pièce les Contes Arbour constitue une incursion enchanteresse.

23-10-2014