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Du 3 au 21 septembre 2013, du mardi au jeudi 19h, vendredi 20h, samedi 16h
Après moi
Présenté à la Grand Licorne
Texte Christian Bégin
Mise en scène Marie Charlebois
Avec Christian Bégin, Marie Charlebois, Patrice Coquereau, Pier Paquette et Isabelle Vincent

Un soir de tempête de neige dans un motel isolé sur la 117. Simon et Stéphanie viennent de se rencontrer et s’y réfugient pour une aventure d’un soir. Dans une autre chambre, Stéphane et Simone, un couple usé, revient à l’endroit même où ils ont fait l’amour pour la première fois. Quant à Mathieu, il y est dans un but bien précis : mettre fin à ses jours. Durant cette nuit de février, au hasard d’une porte ouverte ou d’un détour à la machine à glace, ces cinq inconnus se croiseront. Cela aura-t-il une influence sur leur destin ?

Préoccupé par la montée fulgurante de l’individualisme, Christian Bégin nous offre cette comédie noire qui explore l’apparition de l’Autre dans nos vies et son incidence sur notre trajectoire. Devenir perméable à la présence de l’Autre peut-il nous amener à le considérer tout aussi important que soi ? Peut-être même plus… ?

Créée à La Licorne à guichets fermés en 2012 et présentée en tournée au Québec l’année suivante, cette production des Éternels Pigistes est de retour pour notre plus grand plaisir. Christian Bégin signe avec ce texte la troisième partie d’un triptyque composé des pièces Circus Minimus et Pi… ? ! Marie Charlebois, qui a entre autres dirigé ses complices dans Quelques humains (1998), Le rire de la mer (2001) et Pi… ? ! (2008), assure la mise en scène.


Section vidéo
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Assistance à la mise en scène Véronique Chevrier
Décor Max Otto Fauteux
Costumes Mylène Chabrol
Éclairages Claude Cournoyer
Musique originale Ludovic Bonnier
Maquillages Suzanne Trépanier

Régulier : 32$
30 ans et - : 22$
65 ans et + : 27$

Tête-à-tête : jeudi 12 septembre

Une production Les Éternels Pigistes


La Licorne
4559, avenue Papineau
Billetterie : 514-523-2246

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Dates antérieures (entre autres)

Du 13 mars au 14 avril 2012 - La Licorne (création)
2 mars 2013, 14h, Maison de la culture Mercier
4 avril 2013, 20h, Théâtre Outremont
20 avril 2013, 20h, Salle Pauline-Julien
17 mai 2013, 20h, Cégep André-Laurendeau, Théâtre Desjardins

 
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 Critique
Critique

par Olivier Dumas


Crédit photo : Pierre Desjardins

Après moi, la nouvelle production des Éternels pigistes, atteint pleinement sa cible. Grâce à une mise en scène habile de Marie Charlebois, le nouveau texte du Christian Bégin explore avec un effet saisissant les déficiences et tendresses ordinaires des rapports entre cinq êtres humains.

Alors que Pi…?!, la précédente création du dramaturge, davantage connu pour ses prestations de comédien et d’animateur télé, se déroulait dans un milieu urbain et branché, l’histoire d’Après moi entraîne le spectateur loin des univers maintes fois exploités par les auteurs actuels de la scène québécoise. Elle se déroule dans un motel déserté de Val d’Or, en Abitibi. À l’extérieur, la température atteint les 30 degrés sous zéro en ce mois de février qui semble d’une lenteur incommensurable. Trois chambres sont occupées par des personnes qui peu à peu laissent éclater une détresse qui trop longtemps, fut cadenassée sous les apparences d’une existence sans tumulte apparent.

Pi…?! demeurait un texte fort valable, mais souffrait de personnages stéréotypés et de situations plutôt banales et présentes ailleurs dans leur jeu de la vérité. Après moi s’avère être une pièce beaucoup plus forte, mieux circonscrite avec ses intentions initiales d’approfondir des enjeux plus intimistes, néanmoins fondamentaux de notre société. Sa structure dramatique suit un rythme et une musicalité d’une grande précision. Elle se démarque également par ses protagonistes plus finement définis, plus sensibles et plus complexes à la fois, qui se dévoilent peu à peu en conservant tout de même une part de mystère. L’écriture s’imprègne d’un réalisme qui frappe toujours par son acuité. Elle prend parfois des allures d’étrangeté par la répétition voulue de certaines répliques à des moments précis des intrigues. Ces moments évoquent l’esprit de certaines œuvres d’Harold Pinter. Par des répliques courtes, directes et elliptiques, la pièce atteint pleinement son but de traiter de la solitude, du vide, de la souffrance et de la peur de l’engagement, sans tomber dans la démonstration ou la morale. Entre l’humour aux accents parfois absurdes et les tragédies quotidiennes laborieusement traduisibles en paroles franches, l’heure et quart de la représentation passe rapidement, ponctuée par la musique prenante de Ludovic Bernier.


Crédit photo : Pierre Desjardins

Une telle réussite bénéficie d’une mise en scène réglée comme une horlogerie par Marie Charlebois. Dans l’espace restreint d’un plateau où trônent seulement les trois lits sans autre décor, les nombreux déplacements des personnages recréent ce climat anonyme et lugubre caractéristique des chambres de motel de lieux isolés. Soulignons l’ingéniosité et la multifonctionnalité de la chambre du centre, où s’est enfermé le personnage de Pier Paquette, alors que le lit se transforme à la fois en fenêtre qui refuse d’ouvrir par froid sibérien et vers la fin, en baignoire que le personnage remplit de cubes de glace. Plus tôt dans les premières minutes, la simulation de l’acte sexuel par les deux couples apporte une touche caricaturale amusante, comme une accalmie avant de faire éclater les miroirs fragiles des rapports factices entre des individus en perpétuel déséquilibre.  

Le quintette de comédiens s’illustre autant individuellement que collectivement dans cette partition de haut vol. Pier Paquet rend parfaitement les pôles extrêmes de la douleur d’un homme, écartelé entre ses cris de désespoir exaspéré et ses sentiments profonds qu’ils peinent à communiquer à autrui. Cette même détresse latente en vient à transpercer la carapace d’une Marie Charlebois éblouissante en mère endeuillée par le décès précoce de sa fille. Isabelle Vincent exprime à merveille les nuances d’une séductrice au grand cœur. La même qualité s’applique à leur partenaire de jeu Patrice Coquereau, surprenant de retenue en mari frustré. Christian Bégin se révèle également crédible en intellectuel articulé pour les concepts abstraits, mais maladroit dans les échanges réels avec les autres.

Pour les admirateurs nombreux des Éternels pigistes, leur nouvelle création Après moi constitue une pierre marquante dans leur parcours. Pour tous les autres spectateurs, elle s’inscrit définitivement parmi les meilleures manifestations artistiques de ce printemps hâtif.

16-03-2012