On ne sait jamais ce qui peut se passer ou qui on va rencontrer quand on bourlingue sur Saint-Laurent. Saint-Laurent, la bruyante, la cosmopolite, l'hétéroclite, l'insomniaque : La Main de Montréal.

Coin Saint-Laurent, c'est cinq courtes pièces écrites par cinq auteurs racontant Montréal vue de cinq intersections. Cinq billets ouverts. Sur quel coin de rue allons-nous aboutir? Rosement? Laurier? Marie-Anne? Prince-Arthur? Ontario? Dans quel quartier? Une chose est certaine, le voyage ne sera pas banal. Comme autant de bouts de doigt, comme autant d'univers sur le bout d'un doigt. Coin Saint-Laurent nous propose cinq visages originaux d'La Main...

Fondé en 1992, le Théâtre Urbi et Orbi est dirigé par Yvan Bienvenue, poète, dramaturge, conteur, éditeur et aussi cofondateur de Logos conterie qui nous offre à chaque année les Contes urbains, concept qui a donné naissance aux Zurbains du Théâtre Le Clou. Depuis l'écriture et la présentation de In Vitro (1992), la compagnie a produit et coproduit une panoplie de textes ou d'événements. Mentionnons entre autres, 38 et Règlement de comptes.

De
François Archambault, Élizabeth Bourget, Fanny Britt, Jean Marc Dalpé et François Létourneau

Mise en scène
Philippe Lambert

Avec
2007 : Émilie Bibeau, Luc Senay, Jean-François Nadeau et Monique Spaziani
2005 : Émilie Bibeau, Pierre Curzi, Jean-François Nadeau et Monique Spaziani

Production du Théâtre Urbi et Orbi

Du 1er au 26 mai 2007
Billetterie : 514.523.2246

 

Dates antérieures

Du 24 mai au 18 juin 2005
Suppl. samedi 18 juin 15h
mardi, jeudi, vendredi et samedi à 20h, mercredi à 19h

 

par David Lefebvre

Saint-Laurent, la main de Montréal, queen des rues de la métropole où se côtoient autant les surplus de l'armée, les cafés branchés, les bar de drag queens et les plus grands restos. Rue insolite, bigarrée, aux accents du monde, tout peut arriver.

Cinq auteurs talentueux, soient François Archambault, Fanny Britt, Jean Marc Dalpé, Élizabeth Bourget et François Létourneau, ont tiré au sort le nom d'un des doigts de la main. De ce nom, ils ont dû imaginer un récit dont l'action devait se dérouler sur ou autour de la rue Saint-Laurent. La mise en scène a été confiée à Philippe Lambert qui a monté, notamment, les deux derniers spectacles de La Roulotte. Voilà pour la petite histoire de cette pièce.

Tout aussi hétéroclite que la Main, on entre dans cinq univers différents mais drôlement intéressants et pour certains, très près d'une réalité que l'on connaît. Dans une chic résidence près de Rivière des Prairies, un père et sa jeune concubine rencontre la nouvelle copine du fils dépressif, assez âgée pour être sa mère. Un premier contact brutal (Archambault - l'annulaire). Le client d'une pute lui fait le coup de mourir dans son appartement. Désorientée, elle appelle à l'aide. Quelqu'un se présente, mais elle découvre trop tard que c'est un homme qui s'est bêtement trompé de porte. De plus, il est convaincu qu'il n'est pas là par hasard... (Jean Marc Dalpé, le pouce). Les années 60 : une mère italienne et sa fille ramène un poulet vivant à la maison pour le souper. La mère veut montrer à sa fille comment le tuer et l'apprêter. Mais la jeune fille est dans le vent du changement, du poulet déjà préparé. Se promener comme ça dans la rue, avec le poulet, elle a eu honte... Quarante ans plus tard, elle rencontre le boucher de sa mère, dans la rue. La vie change et passe. (Élizabeth Bourget, auriculaire). Raymond Cormier se prépare à livrer un discours important. Dans sa roulotte, coin Ste-Catherine et St-Laurent, il se prépare. Tout en pratiquant son speech, il déborde du texte et dicte se qu'il pense vraiment à sa jeune assistante du jour. La sexualité débridée n'a plus sa place sur la Main, mais où ira-t-elle?... (François Létourneau, majeur). Finalement, séparé en quatre parties, montées entre les autres textes, quatre petites histoires de frustration, de troubles. Près du restaurant Le Globe où sont attendus des vedettes internationales, c'est une histoire de bouchon de circulation, de rendez-vous manqué, du désir d'être vu. Coin Saint-Laurent et Prince-Arthur (Fanny Britt, index).

Les textes d'Archambault et de Dalpé sont écrits avec soin et humour. De l'un on parle d'une rédemption, d'espoir. De l'autre, d'un accident de parcours qui mène à la chute brutale, comme Dalpé sait si bien les écrire. Ceux de Fanny Britt pose le doigt sur bien des problèmes de société que nous avons, confrontant le vieillissement, le manque d'attention avec cette rue flashy et grouillante. Celui d'Élizabeth Bourget, avec une certaine douceur et nostalgie, nous parle de famille, du retour des choses. Mais c'est celui de François Létourneau, le texte le plus politiquement incorrect, qui fait le plus rire avec ses propos mordants et son punch tout à fait savoureux. Les comédiens s'amusent dans ces univers, à commencer par Pierre Curzi et Monique Spaziani qui changent de personnages comme de chemise. Émilie Bibeau joue avec justesse les différents personnages, et le duo mère-fille qu'elle partage avec Monique Spaziani pour le récit d'Élizabeth Bourget est magnifique et d'un grand naturel. Jean-François Nadeau se démarque dans le rôle de ce jeune homme au rendez-vous manqué (de Fanny Britt) qui laisse message sur message dans la boîte vocale de la fille qu'il avait invité.

Dans un décor aux murs noirs, avec les rues de Montréal dessinés d'une encre phosphorescente, aux accessoires interchangeables, on se bidonne franchement et on ne peut qu'admirer le jeu de ces comédiens et apprécier les textes de ces cinq auteurs. À quand la rue St-Denis ou la Ste-Cath?

25-05-2005

 

par Aurélie Olivier

Coin Saint-Laurent est né au printemps 2005 d’un défi lancé à cinq dramaturges québécois : tirer au sort un des cinq doigts de la main et s’en servir comme point de départ à une histoire qui aurait pour environnement le boulevard Saint-Laurent.

Ayant pigé l’annulaire, François Archambault nous présente un jeune homme dépressif venu annoncer son mariage prochain à son père, en compagnie de l’heureuse élue. Règlements de compte au programme.

Jean-Marc Dalpé, ayant hérité du pouce, raconte l’histoire d’une pute qui, cherchant à se débarrasser du macchabée gisant sur son sofa, reçoit une aide non sollicitée.

L’auriculaire ayant échu à Élizabeth Bourget, celle-ci nous entraîne dans les années soixante chez une famille d’immigrés portugais où une mère entend apprendre à sa fille, qui, elle, rêve du restaurant Saint-Hubert, comment tuer et préparer un poulet.

François Létourneau, doté du majeur, nous donne à voir les coulisses d’un meeting politique.

Enfin, Fanny Britt, ayant tiré l’index, nous offre des monologues névrotiques sur fond d’embouteillage.

Il résulte de cet exercice d’écriture sous contrainte un spectacle hétéroclite, joyeux et plaisant où les comédiens (Émilie Bibeau, Jean-François Nadeau, Luc Senay et Monique Spaziani) incarnent avec brio des personnages extrêmement variés. En homme politique soi-disant décomplexé, Luc Senay nous fait mourir de rire. Quant à la pétillante Émilie Bibeau, elle nous prouve son talent dans un des monologues de Fanny Britt, où elle incarne une journaliste de télévision qui va et vient de l’antenne à sa conversation téléphonique, en se métamorphosant.

Ces différents textes, sont mis en scène par Philippe Lambert dans un décor noir sur lequel est dessiné un plan du Plateau-Mile-End. Quelques changements d’accessoires entre les scènes et hop, on change totalement d’univers.

Si la qualité des textes est inégale et si le désir de trouver à tout prix une chute percutante produit parfois des résultats mitigés, on passe néanmoins un très bon moment, agrémenté de nombreux éclats de rire. Ce petit tour sur la Main, c’est un tour d’horizon de notre société, de son évolution et de ses faiblesses.

05-05-2007