Mon(Theatre).qc.ca, votre site de théâtre
Du 5 avril au 13 mai 2017
Harold et Maude
Texte Colin Higgins
Mise en scène Hugo Bélanger
Adaptation Hugo Bélanger et Michel Dumont
Avec Béatrice Picard, Sébastien René, Gary Boudreault, Luc Bourgeois, Jean-Marc Dalphond, Martin Héroux, Danielle Lépine, Marie-Ève Trudel

Harold aime Maude. Maude aime Harold. Il a tout juste 19 ans, elle… en a près de 80. Reclus et doté d’une imagination aussi débordante que morbide, Harold se transforme littéralement au contact de la jeune et pimpante octogénaire ! Esprit libre et rebelle, elle est affranchie de toute convention sociale et se réjouit à chaque instant de la beauté du monde. L’étrange paire fait connaissance à des funérailles. Tous les deux sont fascinés par la mort. Vite, ils deviennent inséparables. Doucement, elle lui fait découvrir son univers, riche en odeurs, en saveurs, en mélodies et en couleurs. À travers un tas d’expériences farfelues, elle lui redonne goût à la vie. La vie telle qu’il ne l’avait jamais vue.


Décor Geneviève Lizotte
Costumes Marie Chantale Vaillancourt
Éclairages Luc Prairie
Musique Ludovic Bonnier
Accessoires Normand Blais
Assistance à la mise en scène Guillaume Cyr

Une production DUCEPPE


Section vidéo


DUCEPPE
175, rue Sainte-Catherine O. - Place des Arts
Billetterie : 514-842-2112, 1-866-842-2112

Youtube Facebook Twitter
 
______________________________________
            
Critique

Lors d’une reprise en 2012 sur le continent européen de la pièce Harold et Maude de Colin Higgins (d’après le film emblématique des années 1970) avec Line Renaud, le quotidien français Le Figaro avait qualifié le spectacle de «joliment désuet». Or, sur la grande scène du Théâtre Duceppe, la version orchestrée par Hugo Bélanger constitue un hymne toujours actuel à la vie, malgré certains choix plus discutables.






Crédit photos : Caroline Laberge

En 1971, sort sur les écrans Harold et Maude, réalisé par Hal Ashby qui, après avoir essuyé des critiques très négatives, devient une œuvre «culte» pour bien des cinéphiles qui n’ont jamais oublié les interprétions de Bud Cort et de Ruth Gordon, ainsi que les airs attachants de Cats Stevens. L’intérêt pour cette histoire entraîne rapidement un roman et, surtout en France, une adaptation pour les planches. Des actrices réputées ont incarné Maude, dont Madeleine Renaud, Danielle Darrieux, ainsi que Janine Sutto pour au moins deux adaptations québécoises.

Coïncidence ou non, le milieu théâtral montréalais s’est emparé récemment d’adaptation de classiques du septième art, avec notamment une réactualisation du Déclin de l’empire américain de Denys Arcand à l’Espace Go et Vol au-dessus d’un nid de coucou (immortalisé par la pellicule de Milos Forman) dont la production au Rideau Vert connaît ces jours-ci un immense succès. L’exercice de remonter le texte de Higgins se double aussi du défi de ne pas trop se coller à son pendant cinématographique pour satisfaire le spectateur de théâtre, tout en préservant les références pour les fidèles à ce morceau du répertoire du septième art. Car Harold démontre parfaitement avec acuité les oppositions entre l’esprit de rébellion et le maintien de traditions étouffantes, tout en célébrant le désir de transgression et de la beauté du désir affectif peu importe la différence d’âge.

Pendant deux heures entrecoupées d’un entracte, l’intrigue s’articule d’abord autour d’un étrange garçon de 19 ans, Harold (Sébastien René) à l’imagination morbide et obsédé par la mort. Cet antihéros court les funérailles, souvent pour de parfaits inconnus, et tente de déjouer les ruses de sa mère (Danielle Lépine), une veuve bourgeoise qui cherche à tout prix à le caser avec une jeune fille respectable. Il organise différents suicides qui éloignent les prétendantes, mais laissent indifférente sa génitrice. Un psychologue et un général d’armée tentent aussi de le «normaliser». Or, un jour, le protagoniste rencontre la pétillante Maude (Béatrice Picard), une presque nonagénaire (dix ans de plus que dans le scénario original). Une relation amoureuse s’amorce tranquillement entre eux, entraînant la suspicion d’un entourage très porté sur les apparences.

Comme dans son travail antérieur au même endroit avec Peter et Alice de John Logan (déjà avec Picard et René), le metteur en scène a privilégié une approche fantaisiste et parfois onirique, avec un plateau souvent dépouillé et les tableaux colorés de Maude. L’exécution théâtrale ne donne pas, par contre, toujours le résultat escompté. Dans la première scène, la «surprise» causée par la découverte du corps d’Harold au bout de la corde, et en plein milieu de la pièce, par la nouvelle gouvernante, ne convainc pas. Par ailleurs, l’utilisation d’un plateau tournant pour suggérer les différents lieux de l’action manquait encore de synchronisme à la représentation de samedi dernier (les comédiens étaient visibles avant le début de leurs scènes). De plus, la présence de la vidéo n’apporte rien (gros plan du visage d’Harold, paysages de nature), tout comme la présence des technologies contemporaines. Le talent de la distribution suffit à mieux nous faire ressentir de l’intérieur les émotions et l’intemporalité du propos. Par contre, la scénographie de Geneviève Lizotte et les éclairages de Luc Prairie confèrent à l’ensemble une atmosphère charmante, quelques fois poétique.

Si l’ensemble ne parvient pas toujours au mariage adéquat entre les dimensions comiques et tragiques du récit (la tendresse entre les amoureux surgit assez tardivement, contrairement au long-métrage d’Ashby), les interprètes démontrent une justesse et une fougue palpables. Énergique et profondément émouvante, la Maude de Béatrice Picard donne véritablement des frissons sur la peau dans la composition de cette femme résiliente. Sébastien René incarne quant à lui un Harold vif et torturé. Danielle Lépine s’éclate beaucoup en mère rigoriste aux valeurs conservatrices et religieuses (notamment lors de sa rencontre catastrophique avec la flamme de son «fils chéri»). Les acteurs masculins et Marie-Ève Trudel (magnifique en l’insupportable Sunshine Doré) rendent parfaitement la dimension caricaturale de leurs personnages, près de l’esprit de la commedia dell’arte.

Toutefois, la chanson mièvre à la tombée du rideau avec Harold et toutes les figures antagonistes à sa passion pour Maude tranche trop avec le climat du drame qui précède pour toucher l’auditoire. C’est l’un des seuls instants où nous regrettons beaucoup le film qui avait su tracer un équilibre sensible entre la perte d’un être cher et le courage d’affronter son existence. Autrement, le Harold et Maude d’Hugo Bélanger et de ses collaborateurs allumés se regarde et s’écoute avec plaisir. 

11-04-2017