Supplémentaires les 25, 28 et 29 mai
En 1949, à Asbestos, la grève des travailleurs de l’amiante donna lieu à une violence sans précédent dans le monde syndical au Québec. Cette grève provoqua de tels remous qu’elle finit par opposer directement Maurice Duplessis, qu’on surnommait alors « le Chef », et monseigneur Joseph Charbonneau, archevêque de Montréal.
Convaincu de la légitimité de sa prise de position devant ce qu’il appelait un « désordre social », Duplessis mit en œuvre tout le poids de son pouvoir politique afin d’évincer Charbonneau dont la sympathie envers les ouvriers le dérangeait souverainement.
La grève terminée, la paix sociale revenue, Duplessis délégua à Rome auprès du Saint-Siège des émissaires chargés de porter des accusations graves sur l’attitude « subversive » de l’archevêque.
Convoqué par le nonce apostolique, Charbonneau se vit obligé de démissionner de son poste.
Par la gravité des enjeux en cause, par l’importance des deux protagonistes de ce véritable drame historique et par la théâtralité même des événements qui se sont déroulés à l’époque, Charbonneau et le Chef est une œuvre dont les échos résonnent encore aujourd’hui avec force et gravité dans un monde où la justice sociale est une préoccupation sans cesse grandissante.
Une pièce de John Thomas McDonough
Mise en scène de Claude MaherAvec Michel Dumont, Marcel Sabourin, Yvan Benoit, Sylvain G. Bissonnette, Jeff Boudreault, Éric Cabana, Gaston Caron, Gilles Cazabon, Jean-Pierre Chartrand, Sébastien Delorme, Martin Dion, Antoine Durand, Pierre Gendron, Benoit Girard, Vincent Giroux, Denis Houle, Michel Laperrière, Raymond Legault, Normand Lévesque, Sylvain Massé, Frédéric Paquet, André Richard, Jean-Léon Rondeau, Guy Sprung, Francis Vachon
Du 14 avril au 22 mai 2004
Supplémentaires les 25, 28 et 29 mai
842-2112
En ligne Billetterie DuceppeLors de l’une des représentations de la pièce Charbonneau et le Chef, la Compagnie accueillera son 5 000 000e spectateur!
Rencontre de bienséance entre Maurice Duplessis et Mgr Joseph Charbonneau en 1946
par David Lefebvre
Février 1949. Revendiquant une augmentation de salaire et de meilleures conditions de travail, les 2000 mineurs d'Asbestos déclenchent la grève, suivis par 3000 autres mineurs de Thetford Mines. Ils ne demandent pas la lune pourtant : une augmentation de 0,15$ l'heure (pour arriver à 1 dollar l'heure); des conditions d'hygiène améliorées en éliminant la poussière d'amiante à l'intérieur et à l'extérieur des moulins et la signature d'une convention collective. Le combat que mènent ces ouvriers contre la compagnie américaine qui détient les droits sur les mines se transformera en épreuve de force contre le premier ministre du Québec, Maurice Duplessis, qui désire ardemment briser les syndicats. La grève durera 140 jours. L'élite intellectuelle de la province verra plus tard dans ce qu'on a appelé « la grève de Duplessis » l'un des signes précurseurs de la Révolution tranquille. Le clergé, tant qu'à lui, fut sympathique aux demandes des grévistes, et à leurs conditions, en créant des collectes de nourriture et de vêtements pour les employés sans le sou. Mgr Charbonneau en sera le principal investigateur, ce que Duplessis ne lui pardonnera pas. Par de petites magouilles, il obtiendra de Rome la démission irrévocable de Mgr Charbonneau.
Ces faits historiques ont marqué le Québec de plusieurs façons. La pièce de John Thomas McDonough (qu'il a commencé à écrire en 1965, en français, car l'auteur fut inscrit aux études françaises de l'Université Laval au moment de la grève) fut présentée la première fois au Grand Théâtre de Québec, par le Trident, dans une adaptation de Paul Hébert et Pierre Morency, qui ont dû travailler sur les caractères des personnages et les événements, sentant que la pièce parlait trop du côté religieux de l'enjeu. Jean Duceppe joua alors Maurice Duplessis et Jean-Marie Lemieux celui de Mgr Charbonneau. Le succès fut immense. Puis, la pièce a été reprise dans les années 1973-1974 en tournée et en 1985-1986 (avec Jean Duceppe dans le rôle de Duplessis et Michel Dumont dans celui de Mgr Charbonneau). C'est donc une pièce importante au coeur de M. Dumont. Cette fois-ci, c'est Marcel Sabourin qui interprète le premier ministre.
C'est une pièce à très grand déploiement. Le décor, malgré sa grandeur, est quand même sobre. Fait sur deux étages, on retrouve, en bas, un sol de sable et de gravier, et les scènes des grévistes s'y jouent. En haut, ce sont la plupart du temps les scènes «d'intérieur» (soit le cabinet du premier ministre, une église ou le bureau de l'évêque). D'énormes écrans se déplacent et diffusent des images, allant au ciel bleu jusqu'à une église ou le drapeau du Québec. Les costumes sont inspirés de l'époque, sales ou à coupe droite, selon le rôle joué.
Le texte, pourtant inspiré de faits vécus, de véritables caractères, reste une oeuvre de fiction. Mais l'adaptation est si bien faite et la mise en scène de Claude Maher, au style réaliste mais épuré, font en sorte qu'on a l'impression d'assister à un documentaire au théâtre. Le récit est passionnant, les nombreux acteurs (ils sont quand même 27 sur scène!) nous dévoilent un pan de notre histoire avec véracité. Tout au long de la pièce, aucun moyen de décrocher : c'est comme une symphonie à multiples voix d'où certains solos et duos se démarquent.
C'est bien sûr le duo Sabourin-Dumont qui a la cote. Michel Sabourin interprète un Duplessis savoureux, extériorisé, impérialiste, qui manie les ficelles du pouvoir comme un marionnettiste d'expérience. Michel Dumont, qui interprète Charbonneau pour une deuxième fois, connaît son personnage, et le joue avec nuance et noblesse. La première partie se termine avec le sermon de Mgr Charbonneau qui «prie» les paroissiens d'aider les travailleurs d'Asbestos. Un sermon tout à fait impressionnant qui reste gravé dans la mémoire.
Charbonneau et le chef (ou cheuf, pour certains) est une pièce qui nous tient en haleine, montée avec efficacité, démontrant autant les enjeux de la grève, les syndicats et les grévistes, les politiques du gouvernement de Duplessis et l'implication des instances catholiques (qui étaient pour ou contre Charbonneau dans ses élans - rappelons que l'Union Nationale était le seul parti nord-américain à être chrétien). Tous les acteurs (Jean-Pierre Chartrand, Sébastien Delorme, Antoine Durand qui joue Jean Marchand, Benoit Girard, Michel Laperrière, Raymond Legault (chef de la police), Normand Lévesque, Sylvain Massé, Guy Sprung pour ne nommer que ceux-là) sont excellent mais le duo Sabourin-Dumont vaut le prix du billet.
Je vous invite à flâner dans le hall, juste avant le spectacle et lire les articles de journaux et regarder les photos qui sont sur les murs. Voici aussi quelques sites web qui peuvent vous en apprendre plus sur cette grève historique :
Zone Libre
Page de la CSN (qui était dans le temps le CTCC)
Asbeston en photos
Laurent Bernatchez,
un gréviste battu dont la photo révoltera la population___________________________________________________
Photos prises sur le site de Radio-Canada, Asbestos en images
et photos de la pièce fournies par la Compagnie Jean Duceppe - merci