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Du 14 janvier au 1er février 2014, 20h, 17 et 23 janvier à 19 h
Le souffleur de verre
Texte et mise en scène Denis Lavalou
Avec Jean-François Blanchard, Olivier Courtois, Jasmine Dube, Henry Chasse, Marie-Josee Gauthier, Bernard Meney, Nicole-Sylvie Lagarde, Claude Lemieux, Vincent Magnat, Monique Mercure, Ginette Morin, Janie Pelletier, Marcel Pomerlo

Une communauté cadenassée sur elle-même, immobile, engluée dans les réflexes conditionnés de la survie, ressasse en choeur des bribes de vécu et de solides mensonges. Peut-on se renfermer sur nous-mêmes et nier le reste du monde ? La route du Nord, celle des valeurs de l’Occident, peut-elle mener quelque part ? Le souffleur de verre, du Théâtre complice.

Post apocalypse — Absurde — Langage — Vivre ensemble — Environnement — Écologie


Équipe de création : Angelo Barsetti, Éric Forget, Nicole-Sylvie Lagarde, Francis Laporte, Denis Lavalou, Stéphane Ménigot

Billet régulier 32$
Billet 30 ans et moins 25$
Billet du Studio Espace Libre 24$
Forfait PréVoir 24$

Vendredi-Entretien
Vendredi 17 janvier (après la représentation de 19h) – Entrée libre

Avec Le souffleur de verre, Denis Lavalou du Théâtre Complice explore les extrêmes de l’humanité en mettant en scène un univers absurde et apocalyptique. Une route, un village au bout du bout de la terre. Ils sont douze, ont survécu au pire, rongent toujours le même os, toujours la même histoire. Ils tournent à vide et cachent un lourd secret. Un Étranger survient. Plus le temps passe, plus les personnages du Souffleur de verre s’expriment pauvrement. Bientôt, ils ne se diront plus rien du tout.
Et si le vrai bogue de l’an trois mille était la perte du sensible? Et si l’abrutissement de nos rapports humains était le premier signe de la fin du monde?

L’appauvrissement du langage est une des composantes majeures de la vision apocalyptique du Souffleur de verre et de plusieurs autres imaginaires de la fin. Qu’est-ce que cela dit sur notre monde aujourd’hui?

Invités : XAVIER BROUILLETTE et BERTRAND GERVAIS

Xavier Brouillette est détenteur d’un doctorat en philosophie décerné par l’École Pratique des Hautes Études de Paris et enseigne cette discipline au Cégep du Vieux-Montréal depuis 2007. Spécialiste de la philosophie ancienne, il a publié des ouvrages sur Platon et Plutarque. Il coanime tous les dimanches matin une chronique philosophique en compagnie de Normand Baillargeon à la radio de Radio-Canada.

Bertrand Gervais a publié des romans, récits et nouvelles, de même que des essais sur la lecture, la littérature américaine et l’imaginaire. Professeur au Département d'études littéraires de l'Université du Québec à Montréal, il est le directeur fondateur de Figura, le Centre de recherches sur le texte et l’imaginaire, ainsi que du NT2, le Laboratoire de recherches sur les oeuvres hypermédiatiques. Il s’intéresse au roman contemporain, aux nouvelles formes fictionnelles, de même qu’à l’imaginaire et à ses figures. Son plus récent essai s'intitule Un défaut de fabrication. Élégie pour la main gauche et paraît à la fin janvier chez Boréal.
L’entretien sera animé par Paul Lefebvre, conseiller dramaturgique au CEAD.

Jeudi-Discussion
Jeudi 23 janvier (après la représentation de 19h) – Entrée libre

Philippe Ducros, directeur artistique d’Espace Libre, rencontre l’équipe du Souffleur de verre.

Un moment d’échanges, de confidences avec les artistes et les artisans après l'une des représentations du jeudi. Un accès privilégié dans les laboratoires de leurs oeuvres, derrière le décor de leurs inspirations, dans les coulisses de leur art. Comment et pourquoi créer? Conviviales et inspirantes, ces rencontres placent la démarche et la prise de parole de l’artiste au coeur du spectacle.

Lancement
Mardi 28 janvier à 17h– Entrée libre
Soyez présents pour le lancement du livre de Denis Lavalou, Les hivers de grâce de Henry David Thoreau, publié aux Éditions de la pleine lune.

Production Théâtre Complice


Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191

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 Critique
Critique

par David Lefebvre


Crédit photo : Robert Etcheverry

Cette année, le Théâtre Complice célèbre ses 20 ans d’existence et le souligne avec son plus récent projet, Le souffleur de verre, une pièce sur laquelle l’auteur et metteur en scène Denis Lavalou travaille depuis près de 15 ans. À l’époque, le journal Voir proposait un concours de nouvelles où il fallait imaginer la suite d’une phrase extraite du roman Train d’enfer de l’écrivain québécois Trevor Ferguson. Durant plusieurs années, inspiré par les mots de Ferguson, Lavalou couche sur le papier de courtes répliques, menant finalement vers cette partition théâtrale à 13 voix.

Partition est le mot juste : l’intérêt premier de ce Souffleur de verre se trouve dans la musicalité du jeu de chaque acteur, articulant avec soin et posant la voix pour imposer une sonorité bien précise ; la compréhension du récit passe ainsi davantage par le son que par la signification littéraire de ce son. Assis derrière une table qui traverse la salle de l’Espace Libre, douze hommes et femmes attendent : une Cène version apocalyptique. Puis, l’un d’eux ouvre la bouche, et ce qui semble être la même rengaine, encore et toujours, (re)commence. On s’obstine sur cet étranger, ce Parker, qui serait venu s’installer avec son fils malade et son chien dans ce village de bout du monde, jusqu’à ce qu’ils repartent sur la route du Nord qui ne mène nulle part. C’est à savoir qui l’a vu le dernier et depuis quand il est parti. Apparaît au milieu de la discussion un étranger, qui semble intéressé par la maison de Parker. Désemparés, les habitants l’accueillent, certains avec déférence, d’autres avec réticence, jusqu’au débordement. Devenus racistes, xénophobes, paranoïaques, la petite communauté le chasse du village, le prenant pour ce fameux Parker.

Denis Lavalou nous entraîne ainsi dans un monde postapocalyptique, où l’insensibilité a totalement terni l’âme humaine, jusqu’à faire disparaître le concept d’espoir et d’avenir. Le village est figé dans le temps et est voué à disparaître. Si Lavalou veut ainsi présenter une satire de l’homme et de la société d’aujourd’hui, il sonde aussi le thème de la mémoire, collective et individuelle. Il y a d’abord ces hommes et ces femmes, des archétypes sur pattes, représentant la colère, la commère, le patron, la savante, le père, le fils : des traits de personnalité bien distincts. Il y a le temps qui s’est arrêté, l’espace qui est désertique, et toutes ces choses qui disparaissent et qu’on n’arrive plus à retenir. C’est le triste effet de la vieillesse et de la maladie sur une mémoire de plus en plus déficiente, craintive, dévastée, et sur une langue qui s'appauvrit, sans cesse, aussi fragiles, l'une que l'autre, qu’une bulle de verre.


Crédit photo : Robert Etcheverry

À mi-chemin entre les univers de Beckett et de Ionesco, Le souffleur de verre se veut parfois drôle, parfois absurde, mais souvent fascinant. Par contre, la trame narrative est d’une remarquable densité, et par le fait même, plutôt lourde. Malgré tout, on ne peut reprocher à la création de ne pas aller jusqu’au bout de ce qu’elle avance, et ce, même si sa construction bien particulière peut nous hypnotiser et nous perdre légèrement. Les échanges sont vifs, souvent composés d’un seul mot ; la parole est tout aussi vivante que morte. Les longs silences prennent leur juste place ; on peut alors entendre un grondement perpétuel de fin du monde, accompagné du mauvais fonctionnement des lampes éclairant l’endroit, qui s'allument et s'éteignent. Les comédiens, d’une concentration exceptionnelle, manient tous et toutes la langue hachurée, violente, banale, philosophique ou poétique de Lavalou avec une dextérité et une virtuosité remarquable.

L’immense comédien Denis Gravereaux, décédé subitement en décembre dernier, devait participer à ce projet singulier, occupant le rôle du patron, tenu ici par Bernard Meney. Le spectacle est d’ailleurs dédié à sa mémoire : souhaitons que jamais elle ne s’affaiblisse et que sa présence hante longtemps les théâtres qu’il a visités lors de sa fructueuse carrière.


16-01-2014