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Du 21 au 30 mars 2013, 19h30
Grains de sableGabie
Texte : Caroline Gendron
Mise en scène : Marie-Ève Gagnon en collaboration avec Caroline Gendron
Avec Caroline Gendron

Assises devant les machines distributrices du centre de loisirs Lajeunesse, Marie-Eve et Gabie jasent. Gabie est une « mongole à batterie », une mésadaptée, une déficiente, une bizarre, une poète. Normalement, Marie-Eve, bourgeoise élitiste devant l'éternel, déteste les mésadaptés du réel, ces fous du village, distillateurs involontaires de sagesse dans la fiction, mais parias dans la réalité. Pourtant là, c'est différent, parce que Gabie n'est pas une vraie mongole, c'est une comédienne connue, très riche, nous l'appellerons Caroline. C'est donc tout un monde d'illusions qui se met en place. Caroline et Marie-Ève sont des « haaartistes » qui se payent le luxe de s'exprimer afin de défier… l'ordre établi et tous les gros méchants. Nous voilà rassurés. Bravo.

En résumé, pendant une heure et sept minutes, Gabie, assistée d'animaux qui bougent, mange et vous raconte son histoire. L'histoire d'une petite fille drôle et triste et de ses fantasmagories de demeurée dans un monde si beau, mais si dangereux. 

Le Théâtre Sans Borne s'intéresse aux intolérances et aux tabous de la société, à la confrontation entre nos idéaux et nos limites. Il ne croit pas que la beauté de l'être humain se révèle par le contrôle qu'il a sur les choses, les autres et lui-même. Sa beauté se révèle dans sa chute, ses déséquilibres, car c'est là seulement qu'il devient créatif !


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autres vidéos disponibles sur la page YouTube de Gabie Brabant au www.youtube.com/user/gabiereporter

Conseils dramaturgiques : Marie-Ève Gagnon
Photo Caroline Gendron

Carte Prem1ères
Cartes Prem1ères
Date Premières : du 13 au 19 mars
Régulier : 22$
Carte premières : 11$

Production Théâtre sans borne


Studio Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191

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 Critique
Critique

par David Lefebvre


Crédit photo : Véronique Poirier

Le personnage de Gabie habite l'imaginaire de Caroline Gendron depuis un certain temps déjà ; à preuve, elle était le personnage principal d'une courte forme présentée lors de Parlons chasse et pêche, première création du Théâtre Sans Borne en 2005. Depuis, la jeune femme, tout comme son interprète, a vieilli, évolué, et se voit au cœur d’une nouvelle création qui lui est complètement consacrée, présentée pour quelques jours seulement au Studio de l'Espace Libre. Une rencontre à la fois douce, attachante, et extrêmement dure.

Gabie revient du travail, expliquant à sa horde de toutous - le public - le sang qu'elle a sur les mains, provenant de la maladresse de son collègue. Mais elle est trop excitée pour s’en faire : elle attend Martin, du club Vidéotron, à qui elle fera du Kraft Dinner pour souper et qui placera sa langue ici, et sa main, là. Dans un décor en symbiose avec cette femme-enfant, relativement chargé, aux couleurs pastel, aux nombreuses surprises et aux peluches plus ou moins bariolées et accrochées un peu partout ou même disséminées dans l'assistance, Gabie nous fait lentement entrer dans son univers. Elle écrase des biscuits chinois jusqu'à ce qu'elle arrive au bon message ; elle s'obstine avec son répondeur qui veut jouer les messages sauvegardés ; elle chante du Lisa LeBlanc et explique les sept étapes menant au mariage, grâce à des exemples mettant en vedette Martin et elle, ou Shrek et Fiona.

À priori, le spectateur voit en Gabie une jeune femme intellectuellement limitée, déficiente. Mais l'écriture de Caroline Gendron et la mise en scène de son acolyte Marie-Ève Gagnon nous amènent tous au-delà de ce simpliste constat : Gabie nourrit les mêmes doutes que la jeune femme moderne, à se rassurer sans cesse sur ses capacités et sa beauté - elle écrira les noms de certains hommes qui la mériteraient sur des post-its qu'elle colle ensuite sur son corps, dont Brad Pitt ou Ricardo. Elle se réconforte dans les mêmes rêves romantiques, les mêmes désirs, mais avec une candeur et une naïveté on ne peut plus rafraîchissante. Une violence l'habite, qu'elle laisse s'exprimer sur ses jouets et ses peluches. Gabie n'a que peu de tabous, parlant des seins refaits de la collègue de Martin, ainsi que de ses propres envies sexuelles.

Si le texte donne parfois l'impression de tourner légèrement en rond, comportant plusieurs répétitions, ce n'est que pour mieux sombrer dans le drame de la protagoniste, terré sous les non-dits, ou énoncé à mots couverts. Les révélations de certains événements encore récents pour Gabie, qui n’en réalise pas totalement toutes les conséquences, choquent et font mal ; pourtant, la maltraitance et les actes d'humiliation doivent être le lot quotidien de bien des jeunes femmes comme Gabie. Cette soudaine vérité devient pratiquement insupportable : voilà possiblement l'un des points forts de ce spectacle solo, même s’il ne se targue pas d’en faire la dénonciation. Quelques rares passages, plus poétiques, tranchent avec l’aspect général de la pièce et frappent l’imaginaire du public. Par contre, certains jeux d'éclairage, surtout lors de la première moitié, portent à confusion et élèvent certains doutes sur leur réel apport à l'esthétique de la pièce.

Farfelue, touchante, Gabie dit haut et fort ce qu’elle ne pense pas encore ; se servant de masques ou de peluches autour d’elle, comme des marionnettes, elle nous entraine dans son monde bien singulier, un voyage auquel il serait bien dommage de résister.

22-03-2013