Du 10 au 20 décembre 2008
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Les exilés de la lumière

Texte de Lise Vaillancourt
Mise en scène de Geoffrey Gaquère
Avec : Carl Béchard, Émilie Bibeau, Vincent Bolduc, Benoît Dagenais, Johanne Haberlin, Roger Larue, Jean Maheux, Vincent-Guillaume Otis, Mathieu Gosselin, Jennie-Anne Walker et trois autres comédiens

Au ciel, deux divinités mettent au monde deux enfants, l'une le Jour et l'autre la Nuit, afin qu'ils s'épousent et assurent leur continuité. Mais la Nuit s'enfuit et va se réfugier sur la terre. Aussitôt, des hordes d'anges sont envoyées avec mission de retrouver la Nuit, mais en arrivant ils s'incarnent, et en s'incarnant ils oublient leur quête. Au moment où la pièce commence, il ne reste plus que deux anges. Sur terre, la Nuit veut devenir humaine.

PROPOSITION THÉÂTRALE
Treize acteurs vont créer devant le public un mythe avec... rien. C'est rare ! La pièce se jouera dans un espace vide ; les treize acteurs seront toujours sur le plateau et, quand ils ne seront pas sollicités pour jouer une scène, leurs corps deviendront le décor. Le spectacle, baroque et festif, créé comme on monte un opéra, dans la vitesse et dans le mouvement, offrira un plateau nu et une multitude d'acteurs comme une masse dans l'espace, comme des planètes et des satellites que viendra sculpter la lumière. C'est à un voyage à travers l'invisible que Les exilés de la lumière vous convie ; cet instant magique où rien n'est montré, mais où tout est suggéré.

Décor Jean Bard
Costumes Catherine Gauthier
Musique Nicolas Basque
Assistance à la mise en scène et régie Stéphanie Capistran-Lalonde

Une production Le Théâtre Du Gant Rouge
Codiffusion Espace Libre

Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191

par Mélanie Viau

Au temps où les divinités habitaient encore le ciel des hommes pour assurer l’équilibre d’un monde que la séparation guette, deux sœurs, l’Aurore et la Brunante, donnèrent naissance au Jour et à la Nuit, enfants promis à un mariage d’amour souverain permettant le bon suivi de l’ordre terrestre. Or, la Nuit, envieuse des réalités d’ici-bas, s’enfuie sur terre et se fit prisonnière des belles histoires et des blessures amères du Temps fossoyeur, ennemi colérique des mortels rangeant les corps au centre de la Terre. Le ciel envoya donc des hordes d’anges à la recherche de la Nuit, mais sous l’emprise du rêve créé par l’Amour, chacun d’eux se fit homme et demeura sur terre pour y connaître les larmes accrochées aux doux baisers. L’Amour, ultime quête de l’homme tombée en désuétude, est-il réellement mort ? Sur la page du Poète démiurge, la douleur et l’amertume ont pris sa place, comme ils ont fait avec l’Utopie, la Révolte et la Révolution, mais si tous ces archétypes s’incarnaient pour réclamer leur droit d’existence réel sur terre, que ce passerait-il ?

Plus qu’une fable sur la renaissance d’un monde nouveau, Les Exilés de la lumière (première partie) s’accueille comme une ode au changement chantée par les grandes forces qui régissent le cœur des hommes. Habitée entièrement par les vingt-quatre personnages partageant le même destin dans la quête, Lise Vaillancourt, figure maîtresse de notre dramaturgie québécoise contemporaine, nous entraîne dans une magnifique réflexion poétique portée par l’intelligence sensible et la subtilité quasi magique d’une langue apte à atteindre la puissance de la mythologie. Après plus de quinze ans de gestation, son récit épique trouve sa pleine incarnation dans le langage scénique de l’acteur nouvellement metteur en scène Geoffrey Gaquère et croyez-le, la réunion de l’imaginaire et de la réalité, faite de rires et d’émerveillements au fil des multiples rencontres, peut engendrer un monde nouveau à l’étendue encore plus vaste qu’une scène de théâtre !

Les Exilés... Les Exilés...
Crédit photo : Jérôme Guibord

Dans un espace ouvert sur plusieurs niveaux (une conception dynamique de Jean Bard) permettant de situer le déroulement de l’action dans les quatre lieux physiques et métaphysiques du ciel, du rêve, de la terre et dessous la terre, treize acteurs se prêtent au jeu de la quête dans l’urgence. Fruits de cent petites heures de création, la prestation que chacun donne des archétypes est bâtie avec l’instinct et la connaissance réflexive qu’ils ont des idées de ce monde, et quel résultat ! Avec cette finesse dans leurs mouvements, cette forte justesse dans la composition et ce regard bienveillant envers l’humour du texte, on ne peut qu’être séduit à l’idée de les suivre, un à un et tous à la fois, dans cette si belle aventure. Il est vrai, c’est un rassemblement de hauts talents, dans lequel se démarquent, entre autres, Carl Béchard (un Amour misérable et dramatique, roi prétentieux et déchu sombrant dans la folie), Benoît Dagenais (le Poète aux rêves étranges et douloureux, amoureux de la Nuit pour oublier la femme), Markita Boies (la Révolte de 1837, femme engagée, réfléchie, spontanée, outrée du comportement de sa fille, la Révolution tranquille) et Roger Larue (l’Ange gris de retour au ciel après avoir perdu la foi). De superbes costumes brillants d’originalité (créations de Catherine Gauthier et de ses acolytes Audrey Gaudet et Julio Mejia), dont la texture devient un parfait support à l’éclairage grandement réussi de Erwann Bernard, viennent modeler le tableau pour en faire un objet esthétique à la hauteur des beautés de la cosmogonie qui l’anime.

Et la suite ? Elle viendra, en temps et lieu, quelque part dans le périple de la création, juste au bon moment… il n’y a pas que l’Amour qui sache se faire attendre.

11-12-2008
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