Du 26 au 30 mai 2009
Du mardi au samedi à 20h
Le samedi 30 mai à 16h et à 20h

Retour à l'accueil Imprimer cette page Archives Accueil Facebook del.icio.us

L'angoisse érotique de Don Juan

Adaptation The Old Trout et Vanessa Porteous
Mise en scène Vanessa Porteous
Avec : Peter Balkwill, Pityu Kendres, Jackson Andrews et Anne Lalancette

* En anglais avec surtitres en français

Le fantôme de Don Juan sort de l’enfer pour nous raconter la terrible histoire de sa vie. Mais se repent-il vraiment? Il va tenter de nous sauver de nos erreurs amoureuses en prêchant l’amour universel. À la fin, ce que nous prévoyions être une simple soirée au théâtre se transforme en une orgie transcendantale qui nous changera pour toujours. La plupart des soirs en tout cas. Tout dépend du public.

PROPOSITION THÉÂTRALE
Le Old Trout Puppet Workshop cherche à réinventer l'art de la marionnette. Leur prochaine création propose une refonte radicale de la légende de Don Juan, une relecture des multiples manifestations de ce vieux spectre qui hante nos rêves, nos angoisses et nos fantasmes. Nous vivons sous l'aura de ce mythe et allons à tâtons dans le noir, cherchant le bonheur et trouvant... qui sait ? Les Old Trouts, avec l'apport du compositeur George Fenwick et de la metteure en scène Vanessa Porteous, tenteront d'éclairer notre chemin.

Éclairages Cimmeron Meyer
Musique et conception sonore George Fenwick

Production The Old Trout Puppet Workshop www.theoldtrouts.org

Codiffusion Espace Libre

Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191

par David Lefebvre

EvaLa toujours étonnante troupe albertaine The Old Trout Puppet Workshop propose aux festivaliers et aux amateurs de théâtre un conte séduisant, remanié à sa façon, sur l'homme mythique qu'est Don Juan. En 2007, The Old Trout nous avait fait mourir de rire avec leur création Famous Puppet Death Scenes ; pour ce spectacle, ils s'attaquent plutôt aux angoisses érotiques de ce séducteur notoire.

Maintenant en Enfer, torturé - une chaîne attachée à son membre viril exorbitant, qui donne un nouveau sens à l'expression «tirer par la queue», douce vengeance dont profite le diable - le fantôme de Don Juan réussit à convaincre ses gardiens de nous raconter, à nous, son histoire et de tenter de nous sauver de nos frasques amoureuses et irréfléchies. Mais le veut-il vraiment? Quoi qu'il en soit, l'homme, vieilli, une rose à la place de sa rapière, dépeint sa nature dans une pièce de théâtre «sur l'abandon, l'infidélité, le chagrin, mais, surtout, l'amour». Laissé sur le parvis d'une église, élevé par des chiens, toute sa vie Don Juan essayera d'amadouer la bête et l'homme qui l'habitent, luttant, aimant, blessant. De son premier amour, Maria, qu'il n'oubliera jamais, jusqu'à sa mort, solitaire, malgré toutes ces femmes qu'il a... adoré, Don Juan se questionne, s'abaisse, souffre. Mais il croit tellement en la liberté amoureuse qu'il va même jusqu'à prêcher sa foi aux démons qui l'entourent.

Et qui est-il vraiment? Un amant parfait, éternel, fantasme de tous les hommes, de toutes les femmes, ou simplement un être humain terriblement seul, qui cherche désespérément la compagnie et le sentiment divin de l'amour, qui l'amèneront inévitablement sur le chemin du royaume des damnés?

Spectacle entremêlant comédiens et manipulation d'objets (plutôt que des marionnettes, on utilise des masques, des parties de corps humains (bras, jambes) et costumes d’animaux), The Erotic Anguish of Don Juan (titre original anglophone) traite beaucoup plus des tourments du personnage que de son pouvoir érotique. C'est l'un des fondateurs de la troupe, Peter Balkwill, qui incarne avec une certaine folie ce jouisseur invétéré. Collerette, cheveux rares et grande barbe, il est loin du tombeur de ces dames que l'on imagine habituellement. Pourtant, il charme la foule grâce à ses «I love you» et ses «I am your sun and you are my flower».

Quelques scènes sont tout simplement fascinantes, dont celle où il fait la rencontre de la plantureuse Eva Fernandes et où ils se séduisent mutuellement lors d’une danse lascive totalement réussie. Pourtant, cette scène propose un défi de taille, étant donné que la dame n'est pas incarnée par une seule et unique personne, mais par trois comédiens effacés (Jackson Andrews, Pityu Kenderes et Anne Lalancette), manipulant avec une coordination stupéfiante une paire de jambes, de bras, de seins et un masque. Elle est la conception métaphorique de toutes les femmes en une seule. Du côté animal, les deux chiens (un Terrier et un Bulldog), reniflant et aboyant,  qui recueillent Don Juan, sont interprétés avec beaucoup de plaisir par Andrews et Lalancette, et l’on ne peut s’empêcher de sourire ou d’être stupéfait à la vue de cette tête de taureau, aux yeux rouges étincelants et aux narines fumantes, placée brillamment sur un tricycle pour enfant, qui roule à la poursuite de ce matador séducteur.

Parlant d'yeux, le voyeurisme est un aspect important du spectacle. L'oeil est représenté de plusieurs façons (subtiles ou non) ; on espionne, on voit au travers des matériaux semi-transparents, etc. Un autre aspect, plus étonnant, est d'ordre religieux. Même si l'on s'en moque un peu à quelques reprises, il est plutôt étrange de voir à quel point on ancre Don Juan dans un environnement catholique, alors que dans toutes les histoires où il figure, il fait fi de la religion, l’ignorant ou la défiant. Le décor, par exemple, tout à fait magnifique, rappelle celui d'une église, et les trois modules multifonctionnels, en bois, celui des confessionnaux.

Les compositions et l’ambiance sonore remarquables de George Fenwick évoquent la musique sacrée, l'opéra ou celle des films d’avant-guerre. Le style du cinéma muet et de la commedia se retrouve aussi dans le jeu des acteurs. Et avec ce membre gigantesque, en métal rouillé, que Don Juan porte à la ceinture, emprunté à ce célèbre Pantalon, nous avons une boucle très intéressante qui nous ramène aux origines du personnage.

Renouvelant toujours sa vision de la marionnette, la troupe canadienne et la metteure en scène Vanessa Porteous frappent encore - malgré quelques longueurs sans conséquence - avec ce spectacle osé, mais sans vulgarité, qui aborde l'amour sacré et profane, la décision de se marier ou non et les tourments érotiques, dont on est prêt à payer le prix : 500 ans en Enfer, pour ces milliers de femmes comblées? Deal.

_____________________________________________
Photo: Eva, The Old Trout Puppet Workshop's
"The Erotic Anguish of Don Juan" – photo: Jason Stang

26-05-2009
Retour à l'accueil