Comment le cerveau génère-t-il une idée ? Comment gère-t-il cette idée ? Est-ce qu’une idée a un sexe ? Si l’on considère que l’amour, le cul et la violence sont les plates-formes d’où décollent les pensées et les fantasmes, est-ce que le cerveau peut synthétiser tout cela en même temps dans un même spectacle ?
Dans une esthétique moderne où se côtoient la mode, la tragédie et la comédie musicale, Didier et Mina vous convient littéralement à l’intérieur de leurs cerveaux, à l’endroit même où se manifeste en une fraction de seconde la genèse d’un spectacle.
La pièce démonte et sollicite la force physique et mentale, masculine ou féminine, esthétique ou morale que nous utilisons pour survivre à toutes sortes de fatalités.
AUTEURS ET METTEURS EN SCÈNE – Complices de longue date, Didier Lucien et Guillermina Kerwin ont participé à plusieurs productions du Nouveau Théâtre Expérimental : Nicole, en collaboration avec Stéphane Crête, et la grande aventure de 50, de Jean-Pierre Ronfard et Robert Gravel. Tout récemment, dans la Nouvelle télé communautaire, Didier menait la joyeuse bande haïtienne de l’émission Pleins feux. Le travail de Mina et Didier, deux vétérans de la Ligue nationale d’improvisation, a toujours cette saveur unique de l’immédiat, du spontané, de l’excès savamment distillé… Avec Amour, cul et violence, ils s’engagent avec leurs camarades dans une démarche calculée, une approche délicate de ce qui reste obscur en nous ; de ce qui ne se laisse pas calculer justement ; de ce qui échappe à l’entendement habituel des faits et gestes.
LA COMPAGNIE – Le Nouveau Théâtre Expérimental, depuis 1979, s’est imposé sur la carte du théâtre québécois comme un théâtre de création, un théâtre d’expériences inhabituelles, un théâtre de la convivialité, un théâtre de promotion de nouveaux artistes. Un théâtre qui cherche à susciter le plaisir de la surprise plutôt que le confort du déjà vu.
Auteurs et metteurs en scène
Didier Lucien
Guillermina KerwinÉclairages
Thomas GodefroidDirection technique
Christian GagnonRégie
Guillaume CyrDistribution
Guillermina Kerwin, Valérie Le Maire, Didier Lucien, Widemir Normil, Frédéric Pierre, Brigitte PoupartProduction du Nouveau Théâtre Expérimental
Du 9 janvier au 3 février 2006
Billetterie : 514-521-4191
par David Lefebvre
La pièce Amour, cul et violence est basée sur une idée assez simple : pendant un ACV*, un cerveau tente de réorganiser sa pensée en questionnant les fondements de sa vie. Par contre, la structure et la forme de ce spectacle le sont beaucoup moins. Sorti de l'imagination débridée des comédiens, auteurs et metteurs en scène Didier Lucien et Guillermina Kerwin, nous plongeons tête baissée dans un univers éclaté, de contradictions, de références tout aussi diverses que nombreuses. Une métaphore d'un cerveau en ébullition, au début d'une idée pour un spectacle en devenir.
Crédit photo : NTELe fil narratif, s'il y en a un, serait probablement l'émotion ou la première pulsion de ce que ressent l'être humain. Par plusieurs sketches ou numéros flirtant à quelques reprises avec la comédie musicale, les comédiens Guillermina Kerwin, Valérie Le Maire, Didier Lucien, Widemir Normil, Frédéric Pierre et Brigitte Poupart explorent l'amour, ses blessures comme son côté pathétique, la violence, aussi salvatrice que dangereuse, et la sexualité sous toutes ses formes. D'une discussion entre acteurs sur une phrase faisant état du grosseur du membre viril de l'un d'eux à une vague imitation d'Anne-Marie Losique qui se fait plaisir sur un divan lors d'un show tv, des symboliques animales (les femmes en chattes et les hommes en étalons) ou d'extraits d'un roman érotique extrêmement connu, l'érotisme et la pornographie sont abordés sans pourtant choquer véritablement les spectateurs. La crise de jalousie, le discours à la manière des années 50 sur l'éducation sexuelle, la mode, un shooting photo qui fait parfois penser à l'affiche de Blow-Up de Antonioni, une scène de torture avec, en fond, une émission pour enfants, un jeune handicapé qui se fait engueuler... Les moments présentés sont souvent étonnants et leurs contenus contradictoires, comme ce numéro de chaise musicale qui semble procurer beaucoup plus de plaisir aux participants que leur copulation lors de l'attente du prochain tour. Confronter deux ou plusieurs idées totalement différentes, non pas dans le même spectacle, mais dans le même numéro, est-ce possible ? La réponse se trouve sur scène.
Crédit photo : NTESans vraiment répondre à des questions concrètement posées, la pièce explore sous des angles parfois très intéressants les grandes émotions de l'homme et ses différents fantasmes qui l'habitent. Pour y arriver, les créateurs repoussent quelques barrières du théâtre conventionnel pour nager dans le domaine de l'expérimental. Nous avons droit, entre autres, à un choeur plutôt bien orchestré, à des crises de coeur provoquant la souffrance et la mort, mais surtout à des comédiens qui ont le coeur à l'ouvrage. Tous excellents, c'est grâce à leur jeu que nous arrivons à apprécier davantage cet objet hétéroclite. La bande sonore, regroupant des pièces originales (dont quelques musiques électroniques très inspirées) procure un réel plaisir à l'oreille.
Crédit photo : NTEPar contre, le tout est quelque peu inégal, et crée des longueurs qu'on pourrait imputer facilement au scénario de base, ou plutôt à ce cerveau qui tente de se réorganiser sans cesse. Malgré tout, Amour, cul et violence s'avère un spectacle hors normes, à l'esthétique calculé, qui provoque souvent le rire et même une certaine stupéfaction dans l'assistance.
11-01-2007
* (accident vasculaire cérébral, qui, par une hémorragie ou un caillot de sang, bloque un vaisseau sanguin dans le cerveau et coupe l'apport en sang et en oxygène ; résultat : des cellules cérébrales peuvent mourir et l'arrêt du fonctionnement des parties du corps qu'elles commandent)
commentaires, critiques? info@montheatre.qc.ca
de M. Yves Rousseau
Didier s'en va en guerre
Imaginez, vous avez eu un accident vasculaire cérébral sévère. Comateux, votre cerveau endommagé est envahi d'images, de bruits, de fantasmes. Vous voguez dans cet univers parfois contradictoire où les pulsions ne sont plus vraiment gérées, dans une juxtaposition où vous pouvez vivre à là fois une chose et son contraire.
Quand "Johnny s'en va-t-en guerre" de Trumbo rencontre le 450, le kitsh, le spleen sociétal actuel, dans un voyage psychédélique dans les limbes de l'inconscient d'un esprit asphyxié: une suite de dérives psychologiques dans un ailleurs représenté par cette scénographie aux accents d'expressionnisme "kétaino-gothique" dans un dantesque bungalow néo-rococo flamboyant vinylisé et gazonné, sous l'étendard de l'érotico-moche "cheap" à là Losique. Une transposition à peine voilée de la grande poutine relationnelle contemporaine, noyée dans le « gravy » d'un érotisme à cinq « cennes ».
Ne cherchez pas à vous cramponner à un fil narratif, acceptez la proposition théâtrale axée sur la déconstruction volontaire du procédé et des unités, car cela participe justement de cette représentation surréaliste, symboliste et finalement impressionniste de ce dantesque monde pulsionnel, de juxtapositions: violence, honte, vulnérabilité, peur, rejet, douleur, étapes marquantes, c'est l'ébullition de toute une vie. Vous ne contemplez pas une toile représentative, mais le patchwork existentiel d'un ACV, la représentation iconoclaste d'un monde occidental en pleine déchéance dont les valeurs sont revues sous l'angle de l'ironie et du cynisme.
La pièce n'est donc pas inégale, comme mentionné par certains critiques. C'est une suite truculente, festive, déjanté et animé de tableaux, il n'y a pas de longueurs mais plutôt des mouvements, comme pour une symphonie. Comédiens solides, impeccables se donnant avec générosité et fraternité, trame sonore unique, un vrai bon moment de théâtre.
L'ACV d'un monde d'amour, de cul et de violence.
Unique !