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Du 2 au 27 octobre 2012
BienveillanceBienveillance
Texte Fanny Britt
Mise en scène Claude Poissant
Avec Patrice Dubois, Louise Laprade, Dany Michaud, Sylvie De Morais, Christian E. Roy

Cela fait dix-sept ans que Bruno et Gilles, le narrateur, ne se sont pas revus. Deux amis d'enfance que la vie a éloignés. Gilles est avocat, du côté de la victoire à tout prix. Bruno est le beau-père d'un garçon de neuf ans qui, après un accident, est en apesanteur entre la vie et la mort. Réunis à Bienveillance, les deux amis se tiennent maintenant face à face, aux extrémités d'une cause qui les oppose.

Tandis que gravitent autour de Gilles, de retour dans sa ville d'origine, des personnages tant réels qu'imaginaires – de sa mère haute en couleur aux fantômes de ses frères en passant par un père qu'il n'a jamais connu – BIENVEILLANCE plonge le narrateur, et le spectateur, dans une réflexion morale et existentielle, à la fois tourmentée et tendre, et explore le Québec actuel avec sa présupposée opposition entre ruralité et urbanité d'un œil à la fois assassin et amoureux.

Née de surprenantes rencontres entre l'auteure Fanny Britt et les trois instigateurs du projet, Claude Poissant, Patrice Dubois et Dany Michaud, dans des lieux aussi divers que mythiques de Montréal (l'Oratoire Saint-Joseph, un marché public, le Cimetière Mont-Royal, un hôpital...), la pièce se veut le reflet de leurs inquiétudes et de leurs furies intimes. Fanny Britt y a troqué l'arrogance de COUCHE AVEC MOI (C'EST L'HIVER)pour une critique douce-amère sur la fiabilité du 911 et les lâchetés de l'homme.


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Assistance à la mise en scène et régie : Catherine La Frenière
Scénographie : Francis Farley-Lemieux
Éclairages : Erwann Bernard
Conception sonore : Philippe Brault
Costumes : Elen Ewing
Direction technique : Éric Lapointe
Photo Jacques Boucher

Durée 1h25

Une coproduction du Théâtre PàP et de Productions À tour de rôle


Espace Go
4890, boul. Saint-Laurent
Billetterie : 514-845-4890

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 Critique
Critique

par Daphné Bathalon


Crédit photo : Jérémie Battaglia

« Entre la bonté et moi, il y a une autoroute de campagne devant un verger. Vouloir être bon, c’est vouloir atteindre un pommier pour cueillir une pomme alors que je suis de l’autre côté de l’autoroute. »

Pour faire renaître l’inspiration chez Fanny Britt, Claude Poissant et Patrice Dubois, du Théâtre PàP, ont entraîné à tour de rôle l’auteure en de multiples lieux publics, s’interdisant de parler de théâtre ou de travail. De ces rencontres informelles est née la pièce Bienveillance, créée à Carleton-sur-Mer cet été et présentée à Espace Go jusqu’au 27 octobre.

Quittant la zone de guerre et les tourments politiques de Dissidents, le Théâtre PàP s’enfonce, avec ce nouveau texte de Fanny Britt, dans un territoire beaucoup plus intime, mais tout aussi miné : celui de la morale humaine et de la bienveillance envers ses semblables.

De retour au village de Bienveillance, dix-sept ans après l’avoir laissé derrière lui pour gagner la grande ville, Gilles Jean y retrouve Bruno, un ami d’enfance, et sa femme, dans de tristes circonstances. Leur enfant est tombé d’une cabane dans un arbre, l’ambulance a mis 46 minutes à arriver. L’enfant est dans le coma depuis, et les parents poursuivent les services d’urgence… justement représentés par Gilles.

Gilles Jean (dont le nom, avoue-t-il lui-même, est plus un exercice de diction qu’un patronyme) est un être en déséquilibre depuis la naissance. Une naissance hantée par la disparition des trois frères aînés, Jacques, Eugène et Jean, et par un père suicidé sans même connaître l’existence de son fils. Gilles Jean est un homme né dans la douleur d’une mère plusieurs fois orpheline. C’est un être incapable de faire face aux sentiments, à l’amour en particulier. « Devant l’amour, j’ai trois phrases : " j’ai quelque chose sur le feu", "j’ai une autre ligne, je te rappelle" et "je devrais y aller". »


Crédit photo : Jérémie Battaglia

Fanny Britt signe un texte truculent, mêlant le drame et l’humour dans une riche alchimie que Claude Poissant a su mettre en scène avec une tendresse palpable. Les personnages tourmentés de Bienveillance tendent vers un idéal de bonté et de paix bien qu’ils sachent ne jamais pouvoir l’atteindre. Les uns se réfugient derrière les bonnes intentions, d’autres, comme le délicieux patron incarné par Christian E. Roy, dans le cynisme et la grossièreté. Le texte nous fait naviguer constamment entre ce qu'ils veulent croire et ce qu’ils refusent de voir. Et ce texte est servi par une distribution sans fausse note : Louise Laprade et Patrice Dubois forment un duo mère-fils formidable.

Dans la scénographie triangulaire de Francis Farley-Lemieux, rien n’adoucit les relations entre les personnages, toutes maladroites, inconfortables ou inconstantes. Le mobilier n’est pas épargné : l’armoire triangulaire est, la plupart du temps, renversée au sol, comme échouée là. Tout est de biais dans ce décor parce que tout le monde biaise, aucun personnage n’emprunte de ligne droite; ils se regardent de côté sans se confronter jamais vraiment. Même à la fin de cette histoire, Gilles continue de rejeter la réalité des sentiments, transformant un évènement malheureux en happy end dans un retournement de situation abracadabrant, comme s’il continuait malgré tout à croire pouvoir atteindre cette bonté, de l’autre côté de l’autoroute.

Fanny Britt dit avoir écrit, pour une première fois, une pièce dans le plaisir, et c'est avec un égal plaisir qu'on assiste à la présentation sur scène de Bienveillance.

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