Du 9 septembre au 11 octobre 2008, suppl. 15-16 oct. 20h
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Oh les beaux jours!

Texte de Samuel Beckett
Mise en scène d'André Brassard
Avec : Andrée Lachapelle, Roger La Rue

Une sonnerie stridente perce le calme d’un jour naissant. Winnie se réveille, son corps enterré jusqu’au dessus de la taille dans un monticule de sable.

Peu importe, Winnie ne se plaint jamais. Éternelle optimiste, elle remercie Dieu de ses bienfaits.

Oh les beaux jours est l’une des pièces les plus réputées et les plus jouées du théâtre de l’absurde de Beckett. Avec l’ironie qui le caractérise et une immense tendresse pour ses semblables, l’auteur met en scène Winnie et Willie, un couple emmuré dans ses habitudes et qui se croit à l'abri des coups du sort.

Production Espace GO

Espace GO
4890, boul. Saint-Laurent
Billetterie : 514-845-4890
par Sara Fauteux

Beaux joursIl y avait de l’excitation dans l’air, mardi dernier, à l’Espace Go. On attendait beaucoup de ces retrouvailles entre André Brassard et Andrée Lachapelle.  Ce fut effectivement une grande rencontre de théâtre où l’on a pu constater que les années d’expérience servaient les métiers de la scène comme tous les autres.

Même si Beckett ne laisse pas beaucoup de place à l’interprétation par ses didascalies omniprésentes, les artisans de cette production ont su saisir le ton exact qu’il fallait utiliser, et ce, à tous les niveaux. Le jeu de l’actrice est parfaitement maîtrisé et la mise en scène, bien que simple par la force des choses (un des personnages est à demi enterré, et l’autre est une véritable loque humaine), sert à tous points de vue l’univers beckettien. Il n’est pas certain que d’autres aient su s’en tenir à autant de sobriété et atteindre ainsi ce niveau impressionnant de justesse sur scène.
 
Oh les beaux jours est un texte cynique et ambigu. Est-il tout à fait noir? Non, pas tout à fait, mais il n’y a rien de réjouissant dans la perspective de Winnie, ensevelie jusqu’aux hanches puis jusqu’au cou dans un amoncellement de sable. Pour compenser cette position accablante, en plein soleil de surcroît, elle parle du matin au soir, exprimant à voix haute chacune de ses actions et de ses pensées. Se réjouissant, s’extasiant devant les opportunités que la vie lui offre encore. Trompant son ennui en passant en revue le contenu de son sac: brosse à dents, peigne, miroir, revolver…

Comme seul compagnon, elle n’a que Willie, son mari, qui reste caché dans son trou et qui lui répond parfois d’un grognement la remplissant ainsi d’une joie intense. On comprend peu à peu que Winnie n’existe que par son discours. Elle ne vit qu’à travers la possibilité de s’exprimer et d’être écouté. S’il advenait qu’elle perde son seul interlocuteur, elle n’existerait sans doute plus du tout. Elle n’existe donc qu’à travers Willie et à travers les rares visiteurs qui traversent son désert donc nous, ses spectateurs. Bien que le texte ne soit pas dénué d’humour, il nous confronte à l’absurdité de nos vies et cela peut s’avérer extrêmement dur.

Mais l’actrice et le metteur en scène, comme l’auteur au fond, ont pris le parti de la vie. En ne tombant jamais dans la facilité du cynisme, ils maintiennent l’ambiguïté jusqu’à la fin et parviennent à nous faire douter du véritable pathétisme de Winnie. Sa joie est si rayonnante qu’on y croirait presque, malgré sa situation. Le décor contribue également à atténuer la noirceur du texte. La bute de Winnie, d'un bleu étincelant, et sa robe à fleurs, sous les éclairages puissants, crée un univers presque merveilleux.

Oh les beaux jours nous renvoie à notre propre ennui, à notre propre babillage. Mais le tout est si bien mené, qu’à la fin on ne peut que condamner l’existence de cette femme qui ne fait que lutter comme tout le monde pour surmonter le terrible vide de l’existence et, pourquoi pas, rire un peu.

17-09-2008

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